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Accord Mercosur : qui sont les gagnants et les perdants du volet agricole ?

Décryptage des conséquences attendues filière par filière agricole et viticole de la signature d’un accord entre l’Union européenne et le Mercosur à laquelle s’oppose les syndicats agricoles français.

Banderole "non au Mercosur" accrochée à le pont de Verdun à Angers, fumigènes et tracteurs d'agriculteurs.
Manifestation d'agriculteurs à l'appel de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs contre l'accord Mercosur sur le pont de Verdun à Angers
© Jeunes agriculteurs de Maine et Loire

 

Après le G20 au Brésil, la perspective de la signature d’un accord entre le Mercosur et l’UE reste d’actualité avec la tenue du Sommet du Mercosur les 5 et 6 décembre à Montevideo en Uruguay. Les syndicats agricoles français sont vent debout contre ce texte négocié par la Commission européenne mais quels sont les risques ou à l'inverse les bénéfices de sa signature filière par filière agricole ?

Lire aussi : Accord Mercosur : la France peut-elle bloquer le volet agricole ?

 

Le Mercosur, troisième exportateur mondial

Le Mercosur est le troisième exportateur mondial (152 milliards d’euros en moyenne annuelle sur la période 2020 à 2022) derrière les États-Unis (156 milliards) et l’Union européenne (205 milliards). En tête des flux, les oléagineux (surtout le soja) ont représenté, en 2022, 44% des exportations agricoles et agroalimentaires de cette zone, loin devant les céréales (16%), la viande bovine (10%), le sucre (6%), la viande de volailles (5%), comme le rappelle Vincent Chatellier, ingénieur de recherche en économie de l’Inrae pour Les Marchés.

Relire aussi : Accord UE-Mercosur : et si c’était pour novembre ?

 

L’Union européenne et le France importent déjà du Mercosur

L’Union européenne importe déjà du Mercosur : 194 000 tec de viande bovine en 2023 ou encore 324 700 tec de volailles. Selon Vincent Chatellier, la France importe à elle seule au minimum 1,92 milliard d’euros de produits agricoles et agroalimentaires (2,6% de ses importations agricoles) du Mercosur.

Lire : « La France importe déjà du Mercosur pour 1,92 milliard d’euros de produits agricoles et agroalimentaires »

 

Quotas additionnels à droits de douane réduits et normes différentes

Sur le volet agricole et agroalimentaire, l’accord Mercosur fixe pour l’UE des quotas additionnels d’importations à droits de douane réduits dont 99 000 tonnes en viande bovine, 180 000 tonnes de viande de volailles. « Même si les importations additionnelles induites par cet accord seront assez faibles au prorata de la consommation globale européenne (6,3 millions de tonnes de viande bovine, 12,4 millions de tonnes de viande de volaille), il suscite de la part des agriculteurs et des parlementaires français de légitimes craintes sur le respect des normes sanitaires, la déforestation, et le sens donné à cette démarche d’ouverture commerciale »  rappelle Vincent Chatellier aux Marchés.

Lire aussi : Pourquoi les producteurs de maïs redoutent un accord avec le Mercosur

Lire aussi : Le fonds de compensation du Mercosur : une provocation pour les agriculteurs européens

Quelles sont les filières agricoles européennes perdantes ?

 

La filière volaille

Pour la volaille, l’accord se solderait par l’entrée à droit nul de 180 000 tonnes d’équivalent carcasse de volaille par an en provenance des pays du Mercosur. L’an dernier, le Brésil a fourni 32 % des imports de l’UE (290 000 sur 598 000 tec). Et les importations concernent surtout le morceau plébiscité par les consommateurs français et européens : le filet de poulet. L’Interprofession volailles française dénonce par ailleurs une réglementation plus souple au Mercosur sur les salmonelles, très stricte et très coûteuse en Europe.

Lire aussi : Volailles : crainte d’une ratification de l’accord UE-Mercosur

Lire aussi : Mercosur : en volaille, pourquoi le Brexit accentue le déséquilibre ?

 

Filière viande bovine 

Pour la viande bovine, l’accord Mercosur fixerait pour l’Union européenne des quotas supplémentaires d’importation à droit réduit (7,5%) de 99 000 tonnes de viande bovine (quelque 44 000 t étant réservées au seul Brésil), dont 55 000 t de viande fraîche et réfrigérée et 45 000 t de viande congelée pour la transformation. 

Pour Patrick Bénézit, vice-président d’Interbev, c’est clairement l’aloyau qui est menacé : « ces 99 000 tonnes peuvent être constitués uniquement d’aloyau, morceau dit noble ». Une quantité supplémentaire pourrait « déstabiliser la filière bovine ».

Lire aussi : Mercosur : « L’accord de libre-échange pourrait s’appliquer de manière provisoire »

Lire aussi : L’Europe importe-t-elle du bœuf aux hormones brésilien ?

 

Filière betterave à sucre

L’accord Mercosur prévoit la fin des droits de douanes sur 180 000 tonnes de sucre en provenance des pays du Mercosur et « des concessions progressives pour l’éthanol qui permettraient l’importation de 5,7 millions d’hectolitres sans droits de douanes à utilisation exclusivement industrielle et en plus 200 000 tonnes d’éthanol à droits réduits », s'offusque Alain Carré, le président de l’interprofession du sucre.

Lire aussi : Accord Mercosur : quels risques pour les filières sucre et maïs ?

Lire aussi : Mercosur : « Nous sommes aujourd’hui à un tournant décisif » s'alarment quatre interprofessions agricoles

 

Quelles sont les filières agricoles plutôt gagnantes ?

 

Filière laitière

Le bilan serait plus nuancé pour la filière laitière avec la baisse réciproque des droits de douane sur le beurre (-30%) et les yaourts (-50%) et l’obtention dans les deux sens de quotas supplémentaires de 5000 t d’important de lait infantile et 30 000 t de fromages, avec disparition de droits de douane sous 10 ans. Ce qui pourrait représenter un débouché potentiel notamment pour les entreprises françaises déjà implantées sur place comme Lactalis et Savencia. 

Lire aussi : Accords de libre-échange de l’UE : quels seront les gagnants et les perdants dans l’agriculture et l’agroalimentaire

L’accord commercial avec le Mercosur permettrait aussi la protection de 52 indications géographiques laitières européennes.

Un contingent de 10 000 t de poudre de lait sera aussi ouvert dans les deux sens. En cas d’excédent, en Argentine ou Uruguay, il sera donc possible de voir arriver des poudres de lait sudaméricaines en France. Pour autant le risque est limité. 

Lire aussi : Les éleveurs laitiers doivent-ils avoir peur des accords de libre-échange ?

 

Filière viticole

La Commission européenne se veut formelle : le secteur des vins et spiritueux devrait se montrer bénéficiaire de l’accord avec le Mercosur, avec une réduction des droits de douanes pour l’heure élevée (vins : 27 %, spiritueux : 20 à 35 %), rapporte Les Marchés. Le Brésil est le 14e consommateur de vin dans le monde, et la demande progresse, notamment chez les jeunes, à l’inverse de l’UE. L’accord protégerait aussi des indications géographiques européennes, dont les vins d’Anjou et d’Alsace.

Lire aussi : Mercosur : « Pour la filière vin, le Brésil devrait être la priorité numéro un »

Néanmoins on peut relever la prudence du Copa-Cogeca. La baisse des droits de douane est réciproque, le Vieux continent s’ouvre donc aux vignobles très compétitifs de l’Amérique du Sud, or le Mercosur est le cinquième bassin de production du monde.

Lire aussi : Mercosur : Produits laitiers, vins et spiritueux, ces filières ont-elles un intérêt à l’accord ?

Lire aussi : Qu’est-ce que le « split » qui pourrait faire passer l’accord UE-Mercosur ?

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