Y a-t-il un intérêt à limiter l’accès des veaux à leurs mères ?
Dans le cadre du projet Optirepro, l’Institut de l’élevage et la chambre d’agriculture des Pays de la Loire se sont penchés sur la question afin d’en évaluer l’effet sur les performances de reproduction des vaches et/ou la croissance des veaux.
Dans le cadre du projet Optirepro, l’Institut de l’élevage et la chambre d’agriculture des Pays de la Loire se sont penchés sur la question afin d’en évaluer l’effet sur les performances de reproduction des vaches et/ou la croissance des veaux.
« Surveillance, calme, docilité, détection des chaleurs, moins de vols de lait… », sont autant d’atouts cités par les éleveurs qui limitent l’accès des veaux à leurs mères. Si le temps de travail nécessaire à la mise en place de cette pratique pendant la phase d’éducation des veaux est évoqué comme étant le principal inconvénient, il est toutefois à nuancer car il constitue un investissement pour la suite.
Afin d’estimer l’impact de cette conduite sur les performances de reproduction, la croissance des veaux et leur bien-être, la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, en partenariat avec l’Institut de l’élevage, a conduit une étude (1) avec un essai sur la ferme expérimentale des Établières à la Roche-sur-Yon en Vendée.
« Les vêlages ayant lieu fin août début septembre aux Établières, la fermeture entre les cases des veaux et celles des mères s’est faite à l’entrée en bâtiment, soit environ 50 jours après vêlages et ce, jusqu’au sevrage. Les veaux bloqués disposaient de deux périodes de tétées d’environ une heure, le matin vers 7-8h et le soir vers 16-17h. Un lot témoin (veaux libres) a été mis en place afin de comparer les deux techniques », explique Fabrice Bidan, chef de projet reproduction des ruminants à l’Institut de l’élevage. Les tests ont été répétés deux années consécutives.
Des tendances, pas de résultats probants
« Cet essai n’a pas permis de mettre en évidence des différences sur les performances et la reproduction du troupeau, même si, en tendance en termes de croissance des veaux, la balance penche en faveur de la conduite bloquée », souligne Fabrice Bidan. Côté bien-être des veaux, deux éléments ont été pris en compte : leur activité et les stéréotypies. Le comportement des veaux a été observé durant une journée et ce, après six semaines environ de blocage. « Globalement, leur comportement reste similaire entre les lots. Les veaux libres ont en moyenne tété deux à quatre fois pendant l’observation et ont passé la majeure partie de leur temps dans la case à veaux. Un petit bémol peut-être sur l’apparition de stéréotypies chez les veaux bloqués avec davantage de jeux de langue et de léchages de supports. Toutefois, certains individus sont plus enclins que d’autres à montrer ce genre de comportement et on a remarqué davantage de stéréotypies sur seulement deux d’entre eux. Par ailleurs, on a regardé uniquement sur une journée. Il faudrait également voir si ces réactions arrivent juste au moment où les veaux sont libérés et d’où une certaine impatience. Cela reste donc des éléments à creuser. »
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Une meilleure fécondité à l’échelle d’une population
La limitation de l’accès des mères aux veaux a également été étudiée à l’échelle d’une population d’éleveurs issus du réseau Bovins croissance des départements des deux régions Pays de la Loire et Nouvelle-Aquitaine (1).
Sur environ 1 000 éleveurs du réseau, 20 % avaient opté pour le blocage des veaux, notamment en Vendée et Deux-Sèvres où une analyse des performances des animaux de quatre races, Charolaise, Blonde d’Aquitaine, Parthenaise et Limousine a été réalisée. Au final, les données de 146 élevages en conduite bloquée et 156 en conduite libre ont été comparées après avoir gommé un ensemble de variables pouvant avoir un biais sur les résultats (effet troupeau race, année, groupage des vêlages, taille du troupeau, âge au premier vêlage…).
Un gain de 5 jours pour l’IVV
Ainsi, le fait de bloquer les veaux (toutes modalités confondues : blocage plus ou moins long dans la journée, à différentes périodes après le vêlage…) a permis de mettre en évidence un gain significatif de 5 jours par rapport à la conduite libre pour l’intervalle vêlage-vêlage. La productivité globale des troupeaux s’améliore de 4 %, la mortalité naissance-sevrage baisse d’1,2 %. Si l’augmentation des croissances des mâles et des femelles n’est pas significative entre 0 et 120 jours, celles constatées entre 120-210 jours et 0-210 jours, le sont.
« Ces résultats mettent en avant des effets sur la reproduction et notamment un intérêt sur la fécondité et la productivité. En revanche, on n’a pas vu de différences avec la conduite libre sur la fertilité et détection/expression des chaleurs. Selon le retour des éleveurs, en conduite bloquée le sevrage se passe mieux, la manipulation est plus aisée. Les veaux sont plus dociles. Les éleveurs parlent d’une meilleure surveillance des veaux qui peut se traduire par la baisse de mortalité », note Fabrice Bidan. Des interrogations restent sur la mise en place de la conduite, la complémentation des veaux… Notons aussi que, le temps de travail n’a pas été mesuré mais que le temps investi à l’éducation des veaux se regagne par la suite lors des manipulations et déplacements de ces animaux très dociles.
Typologie des élevages enquêtés
Dans les élevages ayant recours au blocage des veaux, les races Charolaise et Parthenaise sont davantage représentées tout comme le groupage des vêlages, la double période de mise bas. En tendance, ce sont des grands troupeaux qui optent pour cette pratique (de 70 à plus de 100 vêlages). Une des raisons invoquées étant l’amélioration des inséminations (80 % des éleveurs réalisant 100 % d’IA l’ont adoptée). Toutefois, cela n’empêche pas des éleveurs en monte naturelle exclusive de la mettre en place.