S’approprier le bien-être animal
Qu’il soit implicite ou explicite, le bien-être animal est la préoccupation quotidienne des éleveurs, mais il leur sera de plus en plus demandé d’apporter la preuve de leurs bonnes manières.
Qu’il soit implicite ou explicite, le bien-être animal est la préoccupation quotidienne des éleveurs, mais il leur sera de plus en plus demandé d’apporter la preuve de leurs bonnes manières.
Comme l’environnement, le mode d’élevage intensif et le risque sanitaire, le bien-être animal fait partie des points de friction dans les relations entre les filières animales et la société. Le débat se situe principalement aux niveaux médiatique, éthique, philosophique, avant ses aspects objectifs et techniques que maîtrisent les professionnels. Il peut même « déraper » vers l’anthropomorphisme, avec des défenseurs de la cause animale s’attaquant aux modes de production ou à l’existence même de l’élevage. Schématiquement, le « bon » élevage familial extensif, ressemblant à un autrefois fantasmé, est préféré au « mauvais » élevage industriel qui est pourtant ultra-majoritaire en volume. Le secteur avicole est une belle cible pour les détracteurs. Ceux-ci diffusent des images qui effraient d’autant plus qu’elles sont livrées sans grille de lecture. Leurs thèmes favoris sont les poules pondeuses en cage, les canards gavés et en cage, et plus récemment l’euthanasie des poussins mâles de souche ponte.
D’où la réticence, voire la crainte des professionnels à communiquer ouvertement sur ce terrain miné. Cette réaction défensive peut être mal interprétée, comme étant la volonté de cacher quelque chose ou l’expression d’une inaction à améliorer les conditions de vie des animaux d’élevage. L’autocensure n’améliore pas les relations avec les consommateurs et les défenseurs des animaux ; elle ne favorise pas la transparence qu’elles attendent. Les acteurs de l’élevage gagneraient aussi à mieux connaître leurs « adversaires » et à adapter leurs modes de communication, sans tordre la réalité. C’est ce que tente l’Itavi depuis deux ans à l’occasion du projet Ébene qui veut être, entre autres, une plateforme de dialogue avec des ONG ouvertes à la discussion, notamment le CIWF, qui nous a fait part de ses attentes.
Alors quelles réponses apporter à la société ? Il est indéniable que les éleveurs sont au cœur du bien-être animal. Ils sont en première ligne pour fournir au quotidien les meilleures conditions de vie qui permettent l’expression des performances. Grâce aux progrès techniques, ce niveau n’a cessé de s’améliorer. Le public le sait-il ? Il ignore que les « hangars industriels » délivrent une ambiance climatisée au dixième de degré près. Mieux qu’à la maison ! Il revient aux professionnels de le prouver et au mieux de le faire savoir, sans attendre les critiques sociétales ou les évolutions réglementaires qui les suivent.
En Allemagne, les professionnels du porc et de la volaille de chair, confrontés à des remises en cause plus fortes qu’en France, ont choisi d’anticiper un durcissement réglementaire. En dehors de tout cadre public, ils ont collectivement opté pour une politique des petites avancées appliquées sur de grands volumes. L’amélioration du niveau de bien-être est progressive et censée ne pas pénaliser leur compétitivité. Mais la démarche n’en est qu’à ses débuts…
En France, jusqu’à présent la stratégie était plutôt défensive. Avec la remise en cause des modes de contention, les secteurs de l’œuf de consommation et des palmipèdes gras en ont été l’illustration. Aujourd’hui, poussés par la pression sociétale, les pouvoirs publics affichent une stratégie globale encore sans engagement précis. Quant aux filières, excepté dans la filière gras (charte Euro foie gras, démarche palmiGconfiance), l’absence de démarche collective affichée ne signifie pas pour autant l’inaction. La France est le seul pays avicole moderne à détenir une importante production fermière de qualité certifiée. Ses valeurs sont explicitement associées au plein air (bio et label rouge) et implicitement au bien-être animal. Plus du tiers des poulets français ne sont pas à croissance rapide. De plus, les opérateurs du « standard » répondent aux attentes bien-être de clients avec des cahiers des charges spécifiques. Le bien-être est devenu un élément de différenciation commerciale et finalement de compétition économique. Difficile dans ces conditions d’envisager une stratégie collective ou un vrai partage d’expériences sur le bien-être animal. Celui qui a pris de l’avance veut la garder. Le niveau général de bien-être animal devra continuer à s’améliorer. Pour progresser encore, il revient aux zootechniciens et chercheurs de répondre à deux questions : est-ce que les conditions de vie satisfont les animaux placés dans un contexte d’élevage précis ? Est-ce qu’ils souffrent lors ou après des interventions humaines pouvant avoir un caractère mutilant ? Réponses faites, il restera aux acteurs à mesurer et à rectifier les situations considérées comme à problème. Elles éviteront les crises médiatiques souvent provoquées par des comportements individuels non-professionnels.