Prospective : Les combats qui attendent la filière de la volaille française
La France est bien placée pour se développer et retrouver sa place dans le top des producteurs de volailles en Europe, à condition d’être plus efficiente et de convaincre les politiques et les citoyens.
La France est bien placée pour se développer et retrouver sa place dans le top des producteurs de volailles en Europe, à condition d’être plus efficiente et de convaincre les politiques et les citoyens.

Une fois n’est pas coutume, le 5 avril les professionnels participant à l’assemblée générale de l’interprofession de la volaille (Anvol) sont repartis plus rassérénés et combatifs qu’à leur arrivée. Au-delà des difficultés conjoncturelles bien connues, la vision à long terme de Nan Dirk Mulder, économiste néerlandais chez Rabobank et spécialiste mondial des marchés de la viande, leur a mis du baume au cœur.
Gagner la bataille du prix
L’Europe est devenu un marché mature pour les viandes, sauf pour la volaille qui va globalement croître de 1,3 % par an. À entendre Nan Dirk Mulder, le secteur avicole français a de fortes perspectives de développement ces dix prochaines années.

« À condition d’être plus efficiente à tous les niveaux, la France a l’opportunité de retrouver son leadership en Europe de l’ouest. » Le coût alimentaire de son poulet est le plus compétitif de l’UE, mais son coût final l’est le moins. Avec ses terres disponibles et ses matières céréalières et oléoprotéagineuses (plus de 20 % du potentiel européen), la France est bien placée pour talonner la Pologne, sachant que la production décline aux Pays Bas (-40 % d’ici 2028), et bientôt en Belgique et en Allemagne.

Pour y parvenir, la filière va devoir s’adapter à cinq évolutions : la bataille permanente du prix, les attentes sociétales (environnement, bien-être animal…), la création de valeur ajoutée, la digitalisation des marchés et leur internationalisation, le développement des viandes de synthèse.

Malgré ces bonnes perspectives, la filière a des combats à gagner. À commencer par celui de l’influenza aviaire. Désormais, un consensus émerge sur le trio « biosécurité-dédensification-vaccination », en particulier en palmipèdes. Comme la vaccination est un « saut dans l’inconnu », la dédensification est une mesure supplémentaire de prudence. D’autant qu’elle a été un succès cet hiver dans le Sud-Ouest. La profession demande que l’État réglemente et prenne intégralement en charge ces deux solutions.
Combattre les a priori des décideurs européens
À moyen terme, il va falloir convaincre des fonctionnaires et des élus européens des impacts néfastes de leurs futures décisions à propos du bien-être animal, de l’environnement et du commerce international. Jean-Michel Schaeffer, président d’Anvol, qualifie de « mortifère pour la souveraineté alimentaire » le rapport de l’agence sanitaire européenne (Efsa) sur le bien-être des volailles de chair publié fin février.
L’Efsa préconise de diviser par quatre la densité maximale en élevage (à 11 kg/m2). La Commission européenne va s’en inspirer pour présenter sa révision de la réglementation sur le bien-être animal avant la fin 2023. « L’étude sur l’impact économique n’aura pas eu lieu avant la rédaction du projet, c’est ahurissant ! » a lancé Jean-Michel Schaeffer. L’association européenne des abatteurs (Avec) soupçonne la Commission de se caler sur l’European Chicken Commitment, avec une densité maximale de 30 kg/m². Si on y ajoute le Pacte vert européen, l’économiste de Rabobank anticipe « une perte de productivité de 60 %. » Appliquer ce genre de réglementation reviendra à imposer les choix d’achat des consommateurs et à laisser la porte grande ouverte aux importations des pays tiers.
L’autre sujet d’inquiétude est le projet de directive sur les émissions industrielles (IED) qui en l’état actuel impacterait négativement une grande partie des éleveurs de pondeuses et de dindes. L’État doit rester ferme dans cette négociation. Enfin, le président de l’Anvol a témoigné des initiatives interprofessionnelles conduites pour expliquer aux décideurs pourquoi il fallait indiquer l’origine géographique sur tous les produits avicoles, tout comme imposer des clauses « miroir » sur les conditions de production avant de signer des accords commerciaux (Chili, Mercosur, Ukraine, etc.). « Le juge de paix restant le consommateur, nous produirons ici ce qu’il veut consommer. »