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Ovosexage : les producteurs d’œufs interpellent une nouvelle fois Julien Denormandie

Après l’annonce de l’interdiction de la mise à mort des poussins à leur naissance et avant la sortie du décret, l’Union des groupements (UGPVB) rappelle une seconde fois au ministre Julien Denormandie quelles peuvent être les conséquences négatives de sa décision.

La méthode Seleggt sexe toutes les souches, mais elle compte trois fois plus cher que son concurrent Cheggy
© Respeggt

Réunis sous la bannière de la section œuf de l’Union des groupements de producteurs de l’ouest de la France (UGPVB), les producteurs d’œufs sont inquiets des impacts du choix politique annoncé par Julien Denormandie le 18 juillet dernier. La France a décidé en effet d’interdire l’euthanasie des frères des futures poules pondeuses à leur naissance, au plus tard au 31 décembre 2022, et sans avoir envisagé de réelles mesures d’accompagnement.

Lire aussi : La France interdit l'euthanasie des poussins mâles de ponte en 2022

N’ayant pas reçu de réponse à sa première lettre envoyée au ministre le 26 juillet (voir en pièce jointe), l’UGPVB  vient de réitèrer son avertissement. Un échange de points de vue doit avoir lieu jeudi 9 septembre entre le cabinet du ministre et l'UGPVB. Les éleveurs se déclarent en faveur du bien-être animal et de l’arrêt des pratiques actuelles d’élimination, mais ils se montrent en revanche préoccupés par les conséquences économiques.

Les 10 millions d’euros d’aides sont insuffisants

La solution retenue pour supprimer l’euthanasie est le sexage des embryons dans l’œuf avant l’âge de 13 jours pour laquelle le ministre a promis une enveloppe de 10 millions d’euros. Elle aidera les cinq couvoirs concernés à adapter leurs installations et à mettre en œuvre les dispositifs d’ovosexage, mais pas à financer leur fonctionnement.

Le surcoût facturé par poulette achetée est actuellement de 1,08 euro ou 3,3 euros selon la méthode (Cheggy ou Seleggt) à comparer au prix d’achat qui se situe à 0,7-0,8 euros.

Si ce surcoût devait être pris en charge par les éleveurs, leur pérennité économique est clairement menacée. Oscillant entre 4,8 euros et 11,19 euros par poule selon le mode d’élevage (code 2 « au sol » et code 0 biologique), leurs marges brutes moyennes seraient amputées de 20 % à 40 %.

Pour Frédéric Chartier, responsable de la commission économique au sein de la section œuf de l’UGPVB, « faire payer les éleveurs est proprement inacceptable. Nous n’avons pas la capacité financière pour l’amortir et le supporter. Ce serait travailler à perte. »

Le point clé, c’est bien « qui va payer ? » Ramené à l’œuf, le surcoût de 0,4 à 1 centime peut paraître minime. Julien Denormandie évoque la répercussion de cette charge par le projet de la loi Egalim2 sur les négociations commerciales. Les producteurs sont sceptiques, au vu du résultat des précédentes négociations au terme desquelles les metteurs en marché n’ont pas réussi à obtenir une augmentation d’un centime pour absorber la hausse des matières premières alimentaires.

Lire aussi : La filière œuf au rendez-vous de l'ovosexage

Deux types de distorsions de concurrence

Par ailleurs, les producteurs estiment que le surcoût d’ovosexage peut engendrer des distorsions de concurrence au niveau de leurs fournisseurs de poulettes et au niveau de leurs débouchés d’œufs.

Trois accouveurs français sexent déjà une partie des œufs. Le groupe EW (couvoirs Lohmann et Hy-Line) facture 1,08 euro pour les poulettes rousses, tandis que Novoponte prend 3,3 euro pour des poulettes Novogen blanches ou rousses.  En souche brune, la méthode de sexage aura plus d’importance que la souche pour choisir son fournisseur. En souche blanche (15 % du cheptel national) fournissant l’industrie, Novoponte est théoriquement incontournable (Cheggy ne marche pas), mais le décret prévoit une dérogation pour les poussins mâles vendus pour nourrir les reptiles et rapaces de parcs et zoos. C’est donc le couvoir ayant ce marché qui serait le plus avantagé, sachant que le débouché industriel est très sensible au prix.

L’autre source de distorsion de concurrence concerne les ovoproduits français, dans un contexte où seulement la France et l’Allemagne annoncent leur intention d’interdire l’euthanasie à un jour.

L’impact du sexage est de 5 ou 17 centimes par kg d’œuf, sachant que le cours européen d’un kilo d’œuf varie de 0,8 à 1,3 euros par kg selon le mode d’élevage (cage et bio). Les ovoproduits français deviendraient moins compétitifs à l’exportation, sachant que ce marché est très exposé à la concurrence y compris en France. Pour conserver leurs débouchés, les industriels français pourraient être amenés à se fournir plus abondamment à l’étranger.

Finalement, en ouvrant la porte aux produits importés la France pourrait devenir moins autosuffisante. Les producteurs d’œufs ne veulent pas subir le même sort que leurs collègues de la volaille de chair. « Il est dommage que notre ministre casse un secteur, résume Frédéric Chartier, alors que dans le même temps il défend la souveraineté alimentaire. »

 

 

Que contient le projet de décret

Le projet de texte mettant fin à l’euthanasie des poussins comprend trois articles :

  • L’article 1 modifie l’article R 214-17 du code rural : « la mise à mort des poussins de l’espèce Gallus gallus issus de couvoirs est interdite /…/ sauf  à des fins scientifiques, dans le cadre d’expériences et pour l’alimentation des rapaces et reptiles » ;

  • L’article 2 sur les sanctions complète l’article R 215-4 du code rural ;

  • L’article 3 précise le calendrier :

    • au 1er janvier 2022, les couvoirs auront justifié l’acquisition d’équipements permettant de déterminer le sexe de l’embryon avant le treizième jour d’incubation ;

    • au 1 juin 2022, les travaux d’installation devront être engagés ;

    • au 31 décembre 2022, les mesures alternatives à la mise à mort seront opérationnelles.

Ce décret concerne implicitement les poussins femelles non valorisés dans des productions élevant uniquement les mâles.

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