Ovosexage des canards mulards : le dispositif d'Orvia en phase préindustrielle
Fin juin, le groupe Orvia a mis en service la deuxième version de son prototype d’ovosexage des canetons mulards. La troisième version industrielle sera opérationnelle mi-2023.
Fin juin, le groupe Orvia a mis en service la deuxième version de son prototype d’ovosexage des canetons mulards. La troisième version industrielle sera opérationnelle mi-2023.
Lancé en juillet 2020, le premier prototype de la machine Soc pour « Sexage de l’Œuf de Canard » avait la taille d’un petit incubateur. Il avait pour but de fiabiliser les paramètres de la technologie de repérage dans l’œuf de la couleur des yeux des embryons de mulards Orvia autosexables : rouge pour les canetons mâles et noir pour les femelles.
2400 œufs par heure actuellement
Depuis la fin du mois de juin, la version V2 a été installée au couvoir Orvia de la Seigneurtière en Loire-Atlantique. Plus imposant, ce dispositif préindustriel nécessite un espace dédié conséquent. Le cœur du système comporte six caméras fixes qui comme pour la V1, flashent les œufs effectuant une rotation complète. Les images sont retraitées puis analysées par des algorithmes d’intelligence artificielle auto-apprenants (deep learning). Plus le système fonctionne et meilleurs sont ses résultats.
Avant de parvenir à ces caméras, les œufs sont posés manuellement sur des empreintes mobiles, saisis par deux bras préhenseurs automatisés qui les déposent entre deux ventouses placées au-dessus des caméras.
Une fois l’acquisition d’images réalisée, deux autres préhenseurs reprennent les œufs pour les déposer sur trois tapis de tri : clair, femelle, mâle. À la sortie, les œufs sont reconditionnés manuellement sur des grilles avant de repartir vers l’incubation (les mâles) ou vers la valorisation en alimentation animale (clairs et femelles).
L’association de la lecture optique à travers la coquille et de l’intelligence artificielle permet de différencier dès neuf jours les œufs clairs, les œufs femelles et les œufs mâles avec une fiabilité de 95 %. Le directeur général Éric Houël insiste sur la nécessité d’un diagnostic précoce avant dix jours et sur le caractère non invasif du processus, sans altération de la coquille.
Faire un saut technologique
À terme, le sexage Soc sera amené à remplacer la mireuse automatique au couvoir, ce qui implique un changement d’échelle. La forte cadence, l’automatisation du dépôt des œufs et leur recompactage sont les enjeux de la troisième étape du projet. « Le système actuel atteint 2 400 œufs traités par heure, précise Éric Houël, et l’objectif est d’arriver à 20 000 œufs par heure. » Les neuf secondes actuelles de traitement par œuf sont compressibles. « Nous pouvons déjà sexer des lots entiers. Mais pour fournir tous nos clients, nous avons besoin de cette cadence importante. » Cela nécessitera aussi de franchir un nouveau saut technologique dans l’acquisition des images, autour d’un dispositif radicalement différent, notamment par son fonctionnement et le nombre de caméras.
Le modèle finalisé devra aussi réduire le coût par caneton sexé. Cela passe par la recherche d’un taux de rendement synthétique (TRS) de 95 %. Communément employé dans l’industrie, le TRS représente le pourcentage du temps utile sur la ligne de production, par rapport au temps prévu. L’objectif est de parvenir à une première machine opérationnelle à l’été 2023. « Nous disposons de deux ans pour optimiser les paramètres techniques, économiques et industriels. Ensuite, cet équipement sera déployé dans les couvoirs désireux de s’en équiper pour fournir les clients courant 2024. »
Les conditions techniques à remplir
- Sexer avant 10 jours de développement embryonnaire ;
- Respecter l’intégrité de l’œuf ;
- Détecter 95 % de vrais positifs ;
- Sexer 20 000 œuf à couver/heure (2 400 actuellement) ;
- Garantir un taux de rendement synthétique de 95 %.
L’ovosexage ne se fera pas « à l’œil »
Si l’euthanasie des canettes mulardes devait être interdite, l’ovosexage a la préférence de l’interprofession du foie gras, par rapport à leur élevage pour la viande ou l’engraissement.
Oui, mais à quel prix ? Aucune des trois entreprises ayant développé un prototype (Grimaud Frères, Maïsadour et Orvia) ne l’a annoncé. Or, « les recherches et le développement ont déjà coûté des millions d’euros qu’il faudra bien rentabiliser », souligne Benoit Gourmaud, le président du groupe Orvia.
Le cifog estime qu’un surcoût d’un euro (comme en filière œuf) est insupportable pour la filière, mais si des clients n’acceptent pas d’augmentation de prix, des opérateurs pourraient choisir d’élever les canettes.
L’interprofession souhaite que l’interdiction d’euthanasie ne soit pas prise avant que les systèmes d’ovosexage ne soient vraiment opérationnels et qu’elle ne pénalise la compétitivité française par rapport à la Bulgarie ou à l’Espagne.