"Nous avons engagé un salarié pour concilier élevage de volailles et vie privée"
Anaïs et son frère Florian se sont installés en 2021 avec la ferme intention de ne pas être esclaves de leur élevage de dindes. L’embauche d’un salarié a conditionné la dimension de leur exploitation.
Anaïs et son frère Florian se sont installés en 2021 avec la ferme intention de ne pas être esclaves de leur élevage de dindes. L’embauche d’un salarié a conditionné la dimension de leur exploitation.
Aujourd’hui âgés de 28 et 31 ans, Anaïs et Florian Le Coent continuent à profiter de leurs vacances et de deux week-ends sur trois, comme dans leur précédente vie de salariés. D’autant qu’ils sont parents et que leurs conjoints exercent en dehors de l’agriculture. Comment s’y sont-ils pris ?
En 2021, Anaïs s’est installée à Landeleau, dans le Finistère, en Gaec avec son frère Florian, un peu par hasard. Non issus du milieu agricole, Anaïs et Florian ont suivi un cursus agricole jusqu’à un CS porc pour Anaïs et un BTS en productions animales pour Florian. Puis, l’une a travaillé en porcherie et l’autre dans un magasin vert.
C’est l’arrêt d’activité du voisin de leurs parents et la retraite d’un autre qui les ont décidés à se lancer dans une activité qu’ils ne connaissaient pas. Pendant un an, ils ont été formés par un des cédants. Le premier site comprend 5 000 m² de bâtiments. Distant de 800 mètres, le second de 2000 m² est moins récent et a moins coûté (65 €/m² contre 150 €/m²). Cette proximité a été une vraie chance pour un regroupement. « Reprendre l’ensemble nous a permis d’embaucher un salarié et de ne travailler chacun qu’un week-end sur trois », explique la jeune maman. « Les simulations montraient qu’on pouvait le faire avec une marge dindonneau-aliment (MPA) prévisionnelle de 24 euros par mètre carré et par lot et 16 à 17 euros de charges variables annuelles, complète Florian, hormis le remboursement de l’achat. En réalité, on arrive à 28 à 29 euros par mètre carré et par lot de marge PA. »
S’organiser pour être remplaçable
Après le départ définitif du cédant fin 2021, ils ont embauché Romain, âgé de 26 ans. « Nous avons encore eu de la chance, car trouver du personnel à la campagne n’est pas si évident. » Leur annonce sur Facebook n’a suscité que deux candidatures.
« Nous connaissions un peu Romain, précisent les éleveurs. Il était chez notre prestataire de ramassage. Nous l’avions repéré, car il était bosseur. » Quant à Romain, il n’a pas hésité. « Je faisais de l’enlèvement depuis trois ans. Avec mes horaires décalés et deux enfants en bas âge, cela devenait compliqué. Ici, je suis mieux payé avec 39 heures par semaine (pas 100 heures par mois) et l’astreinte, et j’habite à quelques kilomètres. »
Anaïs et Florian ont appris à Romain le fonctionnement des six poulaillers, tous différents, pour qu’il soit à terme totalement autonome et puisse pallier leur absence au pied levé. Les associés et leur salarié font tout, excepté le lavage intérieur des poulaillers, car « laver 7 000 m² conduits quasi en bande unique prend presque deux semaines sur les trois à quatre du vide. » Ils travaillent régulièrement à deux ou trois pour exécuter plus vite des tâches répétitives (pose des collerettes, distribution du grit, nettoyage…). « Le plus compliqué c’est de comprendre ce qui ne va pas, puis de savoir se débrouiller pour réparer », résume Florian. Par sécurité, les associés continuent d’assurer les deux premiers week-ends d’astreinte des débuts de lot.
Avoir des moments de convivialité
Gérer du personnel ne s’improvise pas. « S’il doit être uniquement un exécutant, ça ne marchera pas longtemps », estime Florian Le Coent. Intéresser Romain aux résultats économiques fait partie des sujets de réflexion, mais reste encore à formaliser.
Les associés ont instauré une pause le matin et l’après-midi, « où on parle d’autre chose que du boulot. Romain fait un peu partie de la famille et connaît notre entourage familial ». Le cadre de travail est aussi important pour fidéliser. Très prochainement, la construction du local du personnel sera achevée sur le site principal, pour ne plus coloniser le garage d’Anaïs, qui a racheté l’habitation de l’ancien propriétaire. Il complétera les deux bungalows dédiés aux équipes de ramassage.
Malgré les 50 mètres la séparant de l’élevage, Anaïs parvient à décrocher le week-end. « J’ai moins de mal que mon frère », sourit-elle, mais elle ne peut s’empêcher de jeter un œil par la fenêtre quand Florian est d’astreinte ou sur l’exploitation en dehors des heures normales. L’astreinte ne gêne pas Florian outre mesure. « J’habite à 2 km. Aujourd’hui, la surveillance des bâtiments se fait grâce aux portables. Et on peut gérer pas mal de choses à distance. »
Une fois les premiers emprunts remboursés, Florian et Anaïs projettent de renouveler leurs deux vieux poulaillers ayant encore des poteaux, de passer le site de 2000 m² en ventilation dynamique pour être polyvalent, et de continuer à investir pour le confort et la facilité de travail. « En plus des fenêtres, on a déjà remplacé les cloches par des pipettes », souligne Anaïs. Florian de conclure : « pour le paillage réalisé trois fois par semaine, il y a une pailleuse à bovins qui va vite pour les 5 000 m² et une pailleuse pneumatique pour les 2 000 m², trop lente à mon goût. On investira probablement dans du matériel moderne pour travailler les 60 hectares de cultures de vente sur lesquelles Romain n’intervient pas. »
Aspirations différentes pour les générations X, Y ou Z
Les générations Y, nées avant 1995, et bientôt les Z nées après 1995, envisagent l’exercice de leur métier différemment de leurs aînés de la génération X, nés avant 1981.
Alors que la passion et le respect du travail bien fait caractérisaient les X qui commencent à partir en retraite, les Y et Z veulent plus de temps pour faire du sport, être en famille, partir en voyages, s’engager au service de la profession…
Cela concerne aussi le milieu agricole. Plus question de longues années de travail la tête dans le guidon, sans compter ses heures et sans penser à soi ou aux siens. « C’est devenu impensable pour bon nombre d’agriculteurs », juge Anthony Taoc, aviculteur trentenaire installé depuis huit ans à Dinéault et Plomodiern dans le Finistère, également élu à la chambre d’agriculture. « Le métier, oui, mais la famille et les amis aussi ! » L’aviculteur en est convaincu, « peu importe la production et la taille de son exploitation, on peut se dégager du temps ! C’est une question d’envie ».