Marché du poulet : une offre française plus chère et moins agile
La filière française du poulet souffre d’un manque de compétitivité et son avenir est lié à sa capacité à investir, conclut une étude de FranceAgriMer.
La filière française du poulet souffre d’un manque de compétitivité et son avenir est lié à sa capacité à investir, conclut une étude de FranceAgriMer.
Selon l’étude sur les flux d’importation de la volaille, le prix est une des principales motivations d’achat de poulet importé. C’est ce qui ressort des entretiens menés par AND International. L’écart du poulet français est de +5 à +10 % avec l’Allemagne, +10 à +20 % avec le Benelux et +20 à +30 % avec la Pologne.
Ces écarts auraient plusieurs causes : retard des Français à se lancer dans la production optimisée du poulet lourd et qui persiste ; pas assez d’investissements récents dans des outils industriels et en élevage ; industriels trop orientés vers le débouché GMS et moins enclins à s’adapter à des demandes spécifiques.
Par ailleurs, la forte concentration de l’abattage pose problème à des acheteurs qui veulent garder plusieurs sources d’approvisionnement, pour pouvoir négocier et se sécuriser au plan sanitaire. Pour beaucoup, le marché de la viande de poulet est devenu européen et ils voient encore des perspectives de croissance. Car à la différence d’autres viandes, le marché global du poulet continue de progresser. « S’il ne devait ne rester qu’une viande, ce serait du poulet, résume Christian Renaud qui a piloté l’étude. C’est le moins cher, le plus efficace et le moins impactant sur le réchauffement climatique. »
L’incertitude de la future segmentation
L’évolution des attentes sociétales vers une demande d’extensification de l’élevage pourrait changer la demande d’ici cinq à dix ans, estime AND International, donc les volumes importés. Car outre l’augmentation certaine du coût de production, se posera la question d’une capacité suffisante du parc français de poulaillers.
Avec une productivité abaissée de 30 % pour passer de 42 kg vif/m2 à 30 kg/m2, il faudra construire autant pour maintenir le niveau actuel de production. Or, le contexte sociétal et économique français n’est pas favorable à la création de poulaillers adaptés à cette demande. À moins d’une forte relance des investissements, il est probable que les importations se maintiendront.
Sauf si la nouvelle segmentation se traduit par une baisse de la consommation d’un poulet devenu trop cher pour une partie des consommateurs. Évoquant ces deux hypothèses, le cabinet AND International laisse au marché le soin d’apporter la réponse.
Paul Lopez, président de la Fédération des industries avicoles (FIA)
« Nous avons réussi à stopper la dégradation »
La filière poulet peut-elle conserver ses parts du marché français ?
« Oui, j’en suis convaincu. Je vous rappelle que le Plan de filière annoncé début 2018 après les États généraux de l’alimentation était de reconquérir 1 % de part de marché par an pendant dix ans, alors que nous en perdions 1 à 1,5 %. Depuis trois à quatre ans, nous avions réussi à stopper cette dégradation. En 2020 avec la Covid, nous avons même été au-dessus des 1 % de rattrapage, du fait de la fermeture des débouchés de la RHD. Néanmoins, les premiers chiffres de 2021 sont préoccupants, mais nous sommes volontaristes dans la mesure où l’origine France est de plus en plus plébiscitée. »
Le développement de labels privés de type bien-être peut-il favoriser les importations ?
« Je ne pense pas que cela aura un impact, et si c’était le cas il serait plutôt favorable aux produits français. Beaucoup de pays nord européens découvrent les poulets « alternatifs », alors que la France en a toujours fait de manière significative (label rouge, bio, certifié). Chaque pays développe son propre système, ce qui le protège des importations. En 2022-2023, ce sujet sera abordé au niveau de l’UE dans le cadre des normes de commercialisation et de l’étiquetage (modes d’élevage, bien-être animal, origine). En France, ce qui peut faire bouger le niveau des importations, c’est l’indication d’origine sur tous les produits de volaille dans toutes les situations de consommation (restauration, produits transformés). »
Jean-Michel Schaeffer, président de l’Anvol
« Aider tous les éleveurs à investir »
La France a-t-elle la capacité à fournir ses marchés ?
« Des investissements ont été réalisés dans les abattoirs spécialisés pour la RHD et l’industrie de transformation, mais il faut continuer. Tout comme il faut que le parc de bâtiments se modernise. C’est là que le besoin est le plus fort. Nous avons besoin d’un accompagnement financier de l’État et des régions pour aider tous les modes de production, sans exception. Et nous avons besoin du soutien de nos élus locaux pour faire accepter tous les projets par les citoyens. Pour continuer à manger français, il faut permettre la construction de poulaillers, y compris en volaille standard. »
Comment accélérer la reconquête des volumes d’importation ?
« Plus l’UE ouvrira les vannes aux pays tiers, plus il sera compliqué d’endiguer les importations en France. Cela relève beaucoup d’une stratégie européenne de souveraineté alimentaire. Tout d’abord, il faut commencer par arrêter de signer des accords de libre-échange à tort et à travers. Et deuxièmement, il faut imposer les mêmes conditions de production qu’en Europe, à travers les clauses « miroirs ». Je compte sur la présidence française pour avancer là-dessus, comme sur l’étiquetage. »
Récemment élargie, l’obligation d’étiqueter l’origine changera-t-elle les pratiques d’achat ?
« La croissance du marché de la RHD continue d’être alimentée par les importations. Obliger à informer le consommateur pourrait contribuer à une prise de conscience collective afin d’acheter français de préférence. Mais pour l’instant, les produits finis cuits ne sont pas concernés par cette obligation. »