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Manque de visibilité en poulet Label rouge

Le secteur Label rouge a traversé une période difficile la décennie passée et son avenir reste flou. La filière avait repris le chemin de la croissance à partir de 2011, mais les épizooties d’influenza de 2015-2016 et 2016-2017 dans le Sud-Ouest ont chamboulé les repères de l’offre. Puis le Covid a boosté la demande et l’offre s’est ensuite fracassée contre trois crises influenza successives jusqu’en 2023, la hausse des matières agricoles et l’inflation. Le marché va-t-il repartir à la hausse, stagner, décliner ? Bien malin qui peut le dire.

« En volailles Label rouge, un plancher a été atteint, indiquait Bernard Tauzia, le président du Syndicat national des labels avicoles de France (Synalaf), à l’occasion du dernier Salon international de l’agriculture. Avec 109,4 millions de volailles en 2023, les mises en place ont baissé de 5 % par rapport à 2022 et de 15 % par rapport à 2021. Cette année, nous voudrions les voir se stabiliser à 93 millions. »

Cet espoir de reprise concerne surtout le poulet qui pèse 90 % des mises en place de volailles Label rouge et 13 % de tous les abattages contrôlés de poulet en 2023. Les raisons de cette baisse, inégale selon les bassins de production, sont conjoncturelles et structurelles.

L’influenza aviaire et le Covid ont changé l’équilibre du marché

Depuis 2020, le Covid et la grippe aviaire ont tour à tour boosté la demande puis déprimé l’offre sur fond d’inflation des matières premières. Ajoutez-y une guerre des parts de marché entre opérateurs concurrents et vous obtenez une suroffre qui s’est concrétisée par des retards d’abattage et des vides à rallonge. Cette surproduction a été accentuée par des évolutions de la demande déjà à l’œuvre.

Graphique : Les épizooties d'influenza aviaire ont accentué la tendance à la baisse des ventes - Évolution des ventes en Label rouge de volailles et de poulets depuis 2001
Graphique : Les épizooties d'influenza aviaire ont accentué la tendance à la baisse des ventes - Évolution des ventes en Label rouge de volailles et de poulets depuis 2001 © Source : Synalaf

Les prix de détail ont un effet repoussoir

Les valeurs historiques du Label rouge défendues par le Synalaf reposent sur le triptyque « fermier-plein air-origine », qui paraît être en phase avec les attentes sociétales des citoyens. À noter que depuis 2008, l’allégation sur l’origine géographique est dévolue au seul signe de qualité IGP (voir ci-contre).

Dans les faits, le Label rouge n’a pas profité de l’engouement récent des consommateurs pour la volaille, surtout le poulet. La désaffection tient essentiellement au prix. La qualité supérieure a un coût supplémentaire (âge de 81 jours au minimum, indice de consommation plus élevé). Grosso modo, un poulet label coûte une fois et demie plus cher à produire qu’un poulet du quotidien et plus de deux fois pour le filet.

Dans un Super U le 6 avril, le filet Label rouge à 31,95 euros le kilo entre des aiguillettes BBC à 16,40 euros le kilo et du filet standard à 14,40 euros le kilo.
Dans un Super U le 6 avril, le filet Label rouge à 31,95 euros le kilo entre des aiguillettes BBC à 16,40 euros le kilo et du filet standard à 14,40 euros le kilo. © P. Le Douarin

Bon nombre de consommateurs ne peuvent plus se le payer, après l’inflation des coûts (matières premières et guerre) qui ne sont pas revenus au niveau antérieur. « Initialement cher, le poulet Label rouge est devenu trop cher », constate Yves de La Fouchardière, directeur de la coopérative des Fermiers de Loué (Cafel).

Graphique : La part des filets Label rouge dans les achats des ménages est tombée de 10% à 6 % en l'espace de cinq ans
Graphique : La part des filets Label rouge dans les achats des ménages est tombée de 10% à 6 % en l'espace de cinq ans © Source : Itavi d'après Kantar

Et ce n’est pas qu’une histoire de coût sortie abattoir. De l’avis général, le taux de marge des GMS, qui écoulent 75 % du poulet Label rouge, n’est pas adapté aux produits sous signes de qualité vendus à un prix au détail qui devient un repoussoir, surtout pour la découpe.

Un produit label décalé des modes de consommation

La segmentation du marché du poulet en GMS qui correspondait aux modes d’élevages (standard, Label rouge, bio) a depuis longtemps été supplémentée par une segmentation par les usages (PAC entier, découpe, élaboré). La volaille PAC n’a plus la côte, ce qui affecte le poulet label représentant entre 55 et 60 % de ce segment et 70 % du volume total de poulets labellisés. D’autre part, les consommateurs boudent de plus en plus les magasins de la GMS. Au global, en 2023 les achats en GMS ont reculé de 2 % sur le PAC et de 7,5 % sur la découpe.

Une menace nouvelle pointe avec l’émergence du poulet claustré extensif (ECC/BCC) attendue massivement en 2026. Viendra-t-elle grignoter la part du Label rouge en PAC ou en découpe ? Au final, le poulet Label rouge est de moins en moins visible des consommateurs, et pas seulement à cause de prix conjoncturellement trop élevés.

Les leviers d’action sont restreints

Face à une demande qui baisse tendanciellement, le premier levier mobilisé est celui de la relance de la consommation par l’incitation à acheter. Le Synalaf compte sur la mise en valeur dans les rayons des GMS pour accroître les ventes. « On constate un regain de dynamisme en magasin où la promotion a été relancée. Il reste un travail à faire sur la mise en rayon et la visibilité des produits. Il faut que l’étiquette Label rouge soit visible, tout comme les espèces autres que le poulet », indique Bernard Tauzia. En effet, la réglementation a plafonné les taux de promotion à 34 %, puis la grippe aviaire a momentanément réduit l’offre promotionnelle à moins de 20 %.

La communication sur l’image est clairement réactivée par les marques, plus souvent au niveau régional que national, pour des raisons de coûts. « Nous aimerions aussi que l’État soit présent pour défendre cette marque Label rouge, qui lui appartient, souligne le directeur des volailles de Loué. À ma connaissance, il ne fait rien. Tout est porté par les opérateurs et le Synalaf. » Ceux ayant répondu à nos sollicitations, disent aussi renforcer leurs actions en direction d’autres débouchés que la GMS. C’est-à-dire les bouchers-charcutiers traiteur et la restauration collective, avec des produits qui leur sont spécifiquement adaptés.

Les pistes visant à réduire nettement les coûts de production sont quasi inexistantes. L’abaissement de l’âge permettrait certes de réduire l’indice de consommation, mais ferait « sauter » le terme fermier. Sans compter la menace d’une surcapacité de production qui est déjà une réalité.

La relance de la filière Label rouge passe d’abord par le repositionnement marketing par rapport à des consommateurs qu’il faut réenchanter. Pourrait-elle se produire à la suite d’une stratégie définie collectivement, ou à travers les opérateurs à même de restructurer le marché, sachant que le premier d’entre eux détient 60 % de la part du marché Label rouge à partir de ses seize abattoirs. Reste aussi à savoir s’il faudra passer par une diminution des surfaces de production.

Le saviez-vous ?

L’identification géographique protégée (IGP) européenne et le Label rouge français sont deux signes de qualité découplés depuis 2008, à la demande de l’Inao contre l’avis de la profession.

L’IGP est liée aux spécificités d’un terroir, alors que le Label rouge français est rattaché au respect de normes. Un Label rouge non IGP peut donc être élevé n’importe où en France, ce qui a été bien utile lors de la grippe aviaire.

Le terme « Fermier » est réservé aux volailles Label rouge ou biologiques, ou AOP/AOC. Peuvent aussi l’utiliser les producteurs de petits élevages réalisant la vente directe ou locale de moins de 50 têtes par jour.

Une gamme Label rouge foisonnante

Selon l’Inao, le nombre de cahiers des charges avicoles Label rouge est actuellement de 83 pour le poulet et de 205 pour l’ensemble des volailles (hors œufs), gérés par 20 organismes de gestion.

Liste des organismes de défense et de gestion des 205 Label rouge de volailles (sauf œufs)
Liste des organismes de défense et de gestion des 205 Label rouge de volailles (sauf œufs) © Source : Inao

Ce nombre important résulte de l’hyper segmentation sur la couleur de la peau, des pattes, des plumes, avec cou nu ou sans, avec des âges variables…

Si on ajoute les nombreuses marques (abattoir ou distributeur) et les 37 appellations géographiques permises par l’IGP, un consommateur non averti a du mal à se repérer.

Mais, selon l’endroit où il achète il n’a souvent le choix qu’entre 3 à 4 types de poulets entiers : marque distributeur, marque nationale, marque régionale et/ou locale.

Cet éclatement marketing de l’offre profite-t-il vraiment à la rentabilité de la filière ? La question d’une meilleure maîtrise et segmentation qui passerait par une simplification est un sujet qui fâche, tant les opérateurs restent attachés à leur histoire et à leurs spécificités régionales, voire locales.

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