« Je gagne dix fois plus en volaille qu'en bovin par heure de travail"
Loeizig Rivalan raisonne toutes ses décisions sur l’exploitation en fonction du temps de travail, qu’il mesure au quotidien. Il a calculé sa rentabilité horaire atelier et souhaite se spécialiser en poulet et réduire l’élevage bovin.
Loeizig Rivalan raisonne toutes ses décisions sur l’exploitation en fonction du temps de travail, qu’il mesure au quotidien. Il a calculé sa rentabilité horaire atelier et souhaite se spécialiser en poulet et réduire l’élevage bovin.
Loeizig Rivalan a une approche autour de la rémunération de son temps de travail vraiment peu courante dans le milieu agricole où l’on ne compte souvent pas ses heures. Installé depuis 2022 à Bubry dans le Morbihan, il exploite seul deux poulaillers de chair de 1 000 m2, – l’un en dinde certifiée, l’autre en poulet lourd sexé –, un atelier allaitant et 150 hectares de surfaces agricoles.
Lire aussi : Combien d’heures travaillent les éleveurs en dinde et poulet
Dès son projet d’installation, il a réfléchi ses choix de production et d’investissement en fonction de ses souhaits de rémunération et au regard du volume de travail. Cela l’a amené à se tourner vers la volaille plutôt que vers le lait, comme il le prévoyait initialement. Il s’est installé en reprenant les terres de l’exploitation familiale ainsi que l’exploitation avicole voisine qui comprenait un troupeau allaitant. Cherchant en permanence à optimiser sa rentabilité horaire, l’éleveur enregistre au quotidien depuis deux ans le temps passé sur chaque atelier. « Par heure travaillée, la volaille est dix fois plus rémunératrice que l’élevage allaitant », a-t-il calculé. « En divisant l’excédent brut d’exploitation de chaque atelier par son volume d’heures, la rentabilité horaire en volailles est de 50 euros par heure, contre 4,30 euros par heure pour l’atelier allaitant, qui me prend beaucoup de temps mais qui, au final, est peu rémunérateur. L’atelier culture se trouve à un niveau médian, avec une rentabilité de 25 à 30 euros par heure, variable selon le type de culture légumière ou céréalière. »
Le poulet moins chronophage que la dinde
Cette approche autour du temps de travail a conforté sa décision pour l’an prochain de diviser par cinq l’atelier bovin, pour ne garder par passion qu’une quarantaine de bêtes limousines et consacrer davantage de temps à la volaille. En parallèle, le bâtiment de dinde va être transformé pour élever du poulet. « Même si son résultat courant annuel est plus élevé, l’élevage de dinde est plus contraignant que le poulet en termes de temps de travail et de pénibilité. »
Lire aussi : "Nous avons engagé un salarié pour concilier élevage de volailles et vie privée"
De la mise en place jusqu’au vide sanitaire, un lot de poulet lourd sexé de 45 jours lui prend 39 heures de travail avec une marge poussin aliment (MPA) autour de 13 à 14 euros du mètre carré, primes pododermatites incluses (fréquence inférieure à 10 %). Un lot de dindes de 125 jours dégage une MPA entre 30 et 33 euros du mètre carré avec un volume d’heures allant de 118 à 230 heures selon les saisons, soit une rentabilité horaire 1,2 à 2,3 fois moins élevée, sachant que le bâtiment dinde est plus ancien et moins bien équipé. « La conduite en tout plein tout vide du site spécialisé en poulet va aider à optimiser mon temps de travail lors du vide. »
Des équipements facilitant le travail
La rénovation début 2025 du bâtiment de dinde va être identique à celle du poulailler voisin, refait à neuf en 2023. Dans ses choix d’équipement, l’éleveur a toujours en ligne de mire le gain technique mais aussi de temps : sol bétonné, ventilation à extraction haute pour faciliter le lavage, trémie d’aliment en plastique démontable à une personne lors du vide, big-bag de copeau dès la mise en place, purges automatiques des lignes d’eau… Autre exemple, le choix des assiettes à débordement pour gagner du temps lors de la mise en place. « Je compte 25 minutes pour dérouler le papier sous les assiettes, il n’y a plus d’aliment à verser ni d’alvéoles à ajouter. » Son bâtiment est équipé de nombreux compteurs et d’alarmes pour surveiller et mieux anticiper. Pour limiter l’entretien et la réparation du matériel, l’éleveur a pris le parti d’investir dans du matériel neuf. « Une chaîne d’alimentation qui tombe régulièrement en panne sera rapidement remplacée. Dans cette optique, je provisionne une partie du résultat pour faire face aux imprévus. »
Un objectif de 5 000 m2 avec un salarié
Seuls le lavage des poulaillers, l’épandage du fumier et la récolte des cultures sont délégués à des prestataires. Très impliqué dans des activités extraprofessionnelles, notamment sportives, Loeizig tient à maîtriser son amplitude horaire quotidienne. « Mes journées se terminent à 18h15 en semaine. Je travaille 54 heures par semaine, dont 2 à 4 heures en matinée les jours de week-end. Sur un mois, il y a en général une semaine moins chargée que je réserve pour les rendez-vous d’intervenants et pour les tâches administratives. » En planifiant les lots sur l’année, l’éleveur est parvenu à avoir des semaines de vide communes aux deux poulaillers pour partir en congés, sachant qu’il fait appel à une entreprise de remplacement pour l’atelier bovin. « Cela sera plus simple avec le passage en 100 % poulet. » Son objectif est d’avoir 50 jours de repos complet par an.
Loeizig prévoit d’augmenter rapidement de 2 000 m2 la surface. Son objectif à terme est d’arriver à une taille d’atelier de 5 000 m2 pour embaucher un salarié et investir pour gagner en conditions de travail (godet éparpilleur pour le paillage).
Fiche élevage
EARL Rivalan
Loeizig Rivalan, 25 ans
Formation : BTS Acse et licence Pro AgriManager
2 poulaillers de 1 000 m2
150 hectares de surface agricole (légumes, céréales, 50 hectares de prairies, parcellaire regroupé et 100 % pâturable)
1 atelier bovin de 200 têtes (25 vaches allaitantes et leur suite, engraissement à l’herbe de croisés Prim’Holstein et de races pures Limousines)
Des capteurs et automates pour anticiper
Exigeant sur son temps de travail, Loeizig Rivalan l’est tout autant sur les performances techniques de ses lots de volailles. Son bâtiment de poulet lourd sexé est équipé de nombreux capteurs reliés à des alarmes : indicateurs d’ambiance, pesons pour l’aliment et les volailles, compteurs d’eau mâle et femelle, d’électricité et de gaz… Toutes les alarmes sont centralisées dans le bureau de l’exploitation et accessibles à distance. « Passant moins de temps dans le poulailler, ces alarmes de précision me permettent d’être informé au plus vite d’un écart d’un indicateur et d’anticiper, par exemple dès une légère baisse de la consommation. » Équipé du logiciel Farm Online de Skov, l’éleveur compare au quotidien les données de production de son lot en cours à celles des précédents ou des lots contemporains de son groupement Eureden. Cela l’aide à interpréter les signaux envoyés par les alarmes. Informé d’une baisse de la pression du gaz ou du niveau bas dans la cuve, l’éleveur peut agir bien en amont sans attendre de recevoir une alarme de chute de température dans le poulailler. Par ailleurs, son circuit d’eau dispose d’une électrovanne pour couper l’alimentation à distance si besoin. De même, en cas de forage à sec, l’approvisionnement bascule automatiquement sur l’eau du réseau. Des investissements pensés dès la construction qui limitent les interventions en urgence.