" L’inflation est la cause de notre recul conjoncturel sur le marché du poulet label rouge "»
Pour Bernard Tauzia, président du Synalaf regroupant les organisations avicoles en Label rouge, la crise est conjoncturelle et la sortie du tunnel est en vue.
Bernard Tauzia et Marie Guyot, président et directrice du Synalaf. " Le produit cœur de cible du poulet Label rouge reste l’entier prêt à cuire, estime Bernard Tauzia. Et nous avons peu de marge de manœuvre pour réduire les coûts "
Quel est votre constat de l’évolution du marché des volailles Label rouge ?
Bernard Tauzia - « Jusqu’en 2020, tout allait bien et nous étions en légère croissance. Mais depuis 2021, les données nationales montrent un recul significatif pour l’ensemble du secteur, avec - 9 % en 2022 et - 5 % en 2023, soit - 15 % sur deux ans équivalant à moins 15 millions de poulets. Nous avons déjà connu des crises, mais jamais d’une telle ampleur en si peu de temps. Même en 2006, à l’époque de la première crise influenza. »
Quelles sont les raisons de ce recul ?
B. T - « Deux phénomènes se sont enchaînés. D’abord la crise de l’influenza, qui a surtout impacté le Sud-Ouest et le bassin sud des Pays de la Loire. Les volumes ont baissé, mais cela ne nous a pas alarmés outre mesure. Beaucoup pensaient qu’on retrouverait les volumes antérieurs.
Ensuite, l’inflation est arrivée. Le prix du poulet entier a dépassé les 10 euros le kilo en fonds de rayon et le filet les euros le kilo. Les prix sont devenus rédhibitoires pour un grand nombre de consommateurs qui ont réduit leurs achats de viandes. Les linéaires volailles se sont rétrécis en GMS, d’où une perte de visibilité entraînant moins d’achats, et la spirale de la baisse des volumes s’est enclenchée.
Le prix élevé semble aussi avoir eu un effet repoussoir, le consommateur se disant « ce produit de qualité n’est plus pour moi ». D’autre part, le maintien des coefficients multiplicateurs pratiqués par les GMS ne nous a pas aidés. Cette crise conjoncturelle ne remet pas en cause notre modèle. Depuis le début de 2024, nous sommes à un plancher en volailles Label rouge, alors que la chute ne paraît pas terminée en bio. »
Quelles sont les solutions à court terme pour pérenniser un rebond ?
B. T - « La bonne nouvelle, c’est le retour des prix des matières premières agricoles au niveau de l’avant-guerre en Ukraine qui va diminuer nos coûts. Les abattoirs pratiquent des baisses que les GMS doivent répercuter le plus vite possible, même s’il est certain que le consommateur ne retrouvera pas les prix d’avant. Nous sommes allés rencontrer les GMS. Nous leur avons demandé de redonner plus de place au Label rouge dans le rayon, notamment aux espèces autres que le poulet et les avons incités à reprendre les promotions sur le poulet entier, qui reste notre produit phare. »
Et qu’envisagez-vous à plus long terme ?
B. T - « Nous poursuivrons notre campagne de communication engagée pour trois ans. Elle porte sur les valeurs piliers du Label rouge (durabilité, transparence, bien-être animal). Pour le prouver des webcams consultables sur notre site ont été installées dans une vingtaine d’élevages.
Nous avons aussi rencontré 150 acheteurs de la restauration collective pour leur expliquer l’intérêt des produits labellisés dans le contexte de la loi Egalim (1). Nos abattoirs proposent des produits adaptés (grammage, facilité de préparation et cuisson). Les lignes bougent lorsque ces acteurs obtiennent les moyens financiers d’une cuisine plus qualitative. Paris est bel un exemple. Sur le marché de l’exportation qui est en érosion, nous ciblons des actions promotionnelles en Allemagne, Belgique, Danemark, Pays Bas et Suède. »
(1) Garantir 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de produits bio, dans la restauration collective en 2023
Seriez-vous prêts à alléger le cahier des charges pour réduire les coûts ?
B. T - « Il n’est pas question de toucher à l’âge, car le gain économique ne serait pas extraordinaire, alors que ce serait catastrophique pour l’image du Label rouge. Les distributeurs nous disent « surtout ne changez pas votre produit ». Sans compter la certitude d’avoir un parc d’élevage surcapacitaire. Monter à 12 poulets au mètre carré ne serait envisageable que si on manquait d’éleveurs, ce qui n’est pas d’actualité. »
Administrateur du Synalaf depuis plus de vingt ans et président depuis 2021
Bernard Tauzia exploite dans les Landes depuis 1996, au sein d’un Gaec familial, avec son fils Thibault et son épouse Marie Odile. Ses volailles sont démarrées dans des poussinières de 60 m² en pleine liberté. Il préside également l’organisation de production des volailles de la coopérative Maïsadour.