L’incertaine segmentation du marché du poulet
Les adaptations techniques des élevages de poulet à mettre en œuvre pour répondre aux attentes sociétales ont été au cœur de l’assemblée générale du Comité régional avicole des Pays de la Loire (Cravi).
Les adaptations techniques des élevages de poulet à mettre en œuvre pour répondre aux attentes sociétales ont été au cœur de l’assemblée générale du Comité régional avicole des Pays de la Loire (Cravi).
Poulet label rouge, bio, certifié, European Chicken Commitment (ECC), Free range, « standard bien-être » avec lumière naturelle, et/ou avec accès à l’extérieur, et/ou densités moindres… Face à l’évolution des attentes sociétales, les cahiers des charges se multiplient et impactent l’amont. « Quand un jeune investit 600 000 € dans un bâtiment remboursé en quinze ans, il a besoin de savoir quel modèle construire », a souligné Jean-François Ramond, éleveur et président du Cravi. Or, la visibilité est très faible sur ce que les éleveurs devront produire demain, et avec quel bâtiment. S’il y a aujourd’hui un consensus sur la lumière naturelle en poulet standard, il n’en est pas de même pour l’accès à l’extérieur, la densité, la durée d’élevage… « Avec un bâtiment à 300 €/m², créer un jardin d’hiver ajoute 70 €/m². » L’inquiétude du président du Cravi, est renforcée par la forte hausse des composants, qui augmente ponctuellement le coût des bâtiments de 15 %.
L’exception française menacée
La France détient déjà l’offre la plus diversifiée des pays européens, notamment avec 20 % du poulet élevé en plein air. Au contraire, « l’Allemagne et les Pays Bas n’ont pas cette offre diversifiée et font très peu de plein air, a rappelé Jean-Michel Schaeffer, président de l’interprofession (Anvol). Les pays du nord de l’Europe voudraient imposer l’ECC, voire des cahiers des charges plus rigoureux comme le Free range (accès à l’extérieur). Avec ses 30 kg de poulet vif par m2, « l’ECC augmenterait de 40 % le coût de production de l’entier et le filet de 60 %, rappelle-t-il. Ce qui favoriserait l’importation de viande de poulet moins chère pour la transformation ou la restauration hors domicile (RHD). La grande distribution – et aujourd’hui la RHD – a pris conscience de l’intérêt de l’origine France, mais le prix reste essentiel. Nous devons proposer une offre pour le week-end, mais aussi accessible pour la semaine. »
Un curseur difficile à placer
Alors que le label rouge devrait se maintenir et la part du bio doubler d’ici 2030, les interrogations portent surtout sur les cahiers des charges « standard amélioré ». Les distributeurs eux-mêmes ont peu de visibilité sur l’évolution de la consommation. « Les comportements sont plus ou moins durables et peuvent changer très vite, a souligné Hugues Beyler, de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), qui a rejoint l’Anvol depuis un an. La montée en gamme passera sans doute par une réponse aux besoins fondamentaux des volailles comme la lumière, mais « concernant les densités en élevage, il est plus difficile de dire ce que voudra le consommateur en 2030 ». Il existe une réelle demande pour la volaille et les produits transformés sont rémunérateurs pour les magasins, « mais nous attendons une baisse du pouvoir d’achat au 2e semestre 2021. Or les différences de prix d’achat entre type de poulet sont importantes. »
La difficulté est de savoir ou placer le curseur des réponses aux attentes sociétales et à quel prix. « Pour contrer l’importation, il faut une offre Bien-être acceptable, qui ne choque pas l’opinion publique et qui demain sera notre droit à produire, estime Bruno Mousset, directeur de LDC Amont. Il faut rester compétitif pour que ces produits soient accessibles au plus grand nombre, ce qui implique d’investir. Nos abattoirs sont en cours d’adaptation et nous accompagnons les éleveurs pour qu’ils modifient leurs bâtiments. »
connaître le vrai coût de la segmentation
La spécialisation des bâtiments est également discutée. Elle permet d’avoir un outil moins coûteux, mais les éleveurs préfèrent la polyvalence pour continuer à produire quand un marché est en crise. Le coût de la segmentation et sa valorisation sont essentiels. Les banques sont peu favorables à l’allongement de l’amortissement des bâtiments qui pourrait diminuer le coût de production. « En Pays de la Loire, il n’y a pas unanimité sur le jardin d’hiver qui augmente le coût, souligne Jean-François Ramond. Il faut connaître le vrai prix de revient de la segmentation. Pour l’instant, le consommateur paie ce surcoût à travers les aides publiques, comme le PCAE. Sans elles et celles des organisations de production, les éleveurs ne les amortiraient pas. »