L’élevage des volailles Siqo en plein air est-il un mode d’élevage aggravant les épizooties d’influenza aviaire ?
Stéphane Letué - « Les professionnels des volailles fermières label rouge et bio représentés par le Synalaf n’ont pas de certitude, mais de fortes convictions. Car le constat du terrain est clair : la volaille fermière élevée en plein air n’a pas créé de risque supplémentaire de diffusion des virus influenza ces 5 dernières années.
Après une enquête exhaustive concernant l’épisode 2021/2022, le Synalaf constate qu’il n’y a eu aucune introduction primaire de virus H5N1 dans un élevage ayant des volailles évoluant en plein air. Les volailles de plein air ont été plutôt victimes que coupables, et ne doivent pas être un bouc émissaire. On ne peut plus affirmer que le plein air est un risque majeur ou supplémentaire d’introduction. »
Pourtant, l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) a peu revu sa position sur les conditions de mise à l’abri ?
« L’Anses campe sur sa position de 2017, selon laquelle plus les animaux sortent, plus le risque est grand, d’où la nécessité de mise à l’abri. Mais dans son avis du 16 décembre 2022 sur les conditions de mise à l’abri, l’agence souligne les limites de son expertise : foyers aux données épidémiologiques indisponibles (sortie sur parcours réduit non renseignés) et peu d’études scientifiques sur les liens entre avifaune et volailles.
Depuis janvier 2023, il y a eu beaucoup de mouettes rieuses infectées dans des zones ayant des volailles sur parcours réduit, mais zéro cas en élevage plein air. Il faut chercher ailleurs. Nous rencontrons régulièrement l’agence et espérons que nos bons résultats permettront de modérer sa position. »
Quelles spécificités de votre mode d’élevage pourraient expliquer le peu d’effet amplificateur, voire l’absence ?
« Nos élevages sous Siqo fonctionnent en espèce et en bande unique et restent isolés jusqu’à la fin du lot. N’y pénètrent que les éleveurs, tandis que les contacts avec l’extérieur restent limités aux livraisons d’aliment, la livraison de gaz et l’équarrissage ayant lieu avant ou après la bande.
De plus, le nombre de volailles sur un site est limité par le nombre de poulaillers (4 au maximum) de 400 m² maximum et par la densité (11/m²). De plus, Nous appliquons les mesures de biosécurité (sas, protocole de nettoyage-désinfection, vide sanitaire). »
Vous sentez vous lésés par les mesures actuelles de mises à l’abri ?
« Oui, au niveau des volailles, des éleveurs, et des consommateurs.
Nos volailles enfermées se retrouvent plus facilement en situation de stress, parce que ce sont des souches rustiques, génétiquement moins adaptées à la claustration en continu, et parce que nos bâtiments ne sont pas conçus pour cela.
La dégradation des conditions d’ambiance, la lumière naturelle et la ventilation statique peuvent poser problème avec des volailles naturellement actives, lorsqu’elles sont âgées et élevées en sexe mélangé. Cela se traduit par des problèmes de bien-être animal et plus de mortalité, plus de saisies et de déclassement à l’abattoir.
Les éleveurs sont frustrés et parfois démoralisés de ne pouvoir rien faire pour soulager les animaux, d’autant plus qu’ils trouvent la réglementation inadaptée. Enfin, la limitation de liberté est préjudiciable à l’image d’une filière dont le plein air est un des piliers. Mettre la pression sur le plein air paraît de moins en moins justifié. »
Quelles sont vos contre-propositions ?
"Nous sommes conscients que nos convictions ne sont pas encore partagées par tous et que nous devons avancer de manière progressive. Nos premières demandes ont été entendues par le ministère de l’agriculture en abaissant l’âge de sortie à 8 semaines, mais nous souhaitons aller plus loin et laisser nos volailles bénéficier de toute la surface du parcours dès 6 semaines.
Nous souhaitons que des études soient menées pour mieux comprendre le lien réel entre l’avifaune sauvage et nos volailles élevées en plein air et pourquoi nos volailles plein air ne sont pas à l’origine d’introduction de virus.
Nous serons capables de remettre en cause nos positions si nous sommes à l’origine de nombreux cas ou si le virus évolue. Pour le moment, le temps nous donne raison : notre modèle d’élevage en plein air mérite d’être mieux considéré pour les volailles, les éleveurs et les consommateurs."