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Le groupe Sofiprotéol mise sur le développement international

Créé pour pallier le déficit français en protéines, en trente ans le bras financier de la filière oléoprotéagineuse a connu une ascension couronnée de succès. Mais le contexte politico-économique l'a poussé à réajuster sa stratégie.

Malgré ses ambitions internationales, Sofiprotéol poursuit ses investissements industriels en France, comme ici à l'usine de Bassens 
en Gironde avec 50 millions investis 
en deux ans.
Malgré ses ambitions internationales, Sofiprotéol poursuit ses investissements industriels en France, comme ici à l'usine de Bassens
en Gironde avec 50 millions investis
en deux ans.
© C. Helsly - Sofiprotéol

Un jour ou l'autre, la plupart des agriculteurs, des éleveurs et des salariés de l'agroalimentaire français ont eu affaire avec Sofiprotéol, de près ou de loin. Parti de cinq salariés, ce modeste établissement financier est devenu un géant agro-industriel multiforme qui pèse aujourd'hui 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires agrégé, regroupe presque une centaine de sites industriels et emploie plus de 8200 personnes, dont 5600 en France.

Il est actif dans treize métiers des secteurs végétaux et animaux : trituration de graines oléagineuses et raffinage d'huile, raffinage et conditionnement d'huile alimentaire, production de biodiesel, oléochimie, nutrition animale, abattage et transformation de viandes de porc et volaille, d'oeufs, santé animale.

Avec son activité bancaire, il « accompagne » aussi environ 140 sociétés employant 60 000 salariés, dans des secteurs plus ou moins liés aux oléagineux. L'origine agricole de ses dirigeants et de son actionnariat explique la continuité de la stratégie : défendre sur le long terme les intérêts économiques de la filière oléagineuse, à travers des investissements financiers ou industriels. Pour comprendre ce qu'est aujourd'hui Sofiprotéol, un retour en arrière s'impose.

Émergence d'une dimension industrielle


Dès sa création en 1983, l'établissement outrepasse son rôle de banquier en reprenant les outils du CNTA, un acteur industriel majeur de la transformation des graines tombé en faillite. S'alliant à des industriels, il met la main sur des outils de trituration. Au fil des ans, Sofiprotéol prend d'autres participations dans des entreprises qu'il finira par contrôler et investit dans des outils de trituration. Il s'intéresse très tôt à la maîtrise des débouchés vers l'alimentation humaine (huile d'olive Oliprovence en 1984), annonçant l'achat de Lesieur et de Puget vingt ans plus tard.


Son approche de l'amont est différente. Préfigurant la stratégie de filière qui sera développée plus tard, sa branche bancaire lance une politique de soutiens (prêts et participations minoritaires) chez des acteurs amont ou aval, en rapport avec le secteur : sélection végétale, coopératives, organismes stockeurs, fabricants d'aliments incorporant des oléoprotéagineux (comme Doux et Guyomarc'h), entreprises innovantes. Sofiprotéol tisse ainsi son réseau.


La fin des années 1980 marque un tournant. Face aux difficultés à valoriser les quantités croissantes d'huile de colza (liées à une mauvaise image en alimentation humaine) et à la perspective de la PAC de 1992, la bonne idée des dirigeants est de trouver un nouveau débouché.

Les recherches démarrées en 1987 avec l'Institut Français du Pétrole aboutissent à l'ester méthylique d'huile de colza - le diester - incorporable dans le carburant diesel. L'autre coup de génie est de convaincre la Commission européenne d'autoriser les cultures sur jachères à des fins non alimentaires. En 1992, la branche Diester Industrie est sur les rails avec une première usine.


À partir des années 1990, une autre initiative des dirigeants est d'accélérer la complémentarité et la cohérence. Dans une logique de valeur ajoutée, les activités sont reliées les unes aux autres, les coproduits des uns servant de matière première aux autres.

Issue de l'industrie du diester, la glycérine va donner naissance à l'activité oléochimie (création de Novance en 1996), avec comme débouché les graisses spéciales, la cosmétique, le plastique biodégradable. Pour mieux valoriser ses tourteaux de trituration et ses drèches de biocarburants, Sofiprotéol investit dans la nutrition animale en 1998, via le groupe Glon Sanders.


À partir du milieu des années 2000, Sofiprotéol renforce encore ses métiers des huiles (sa branche Saipol), des biocarburants et de la chimie verte (sa branche Diester industries). Le rachat de Lesieur en 2003, puis de Puget, le font vraiment entrer dans l'univers de la consommation grand public.
Avec une volonté de transversalité entre secteur végétal et secteur animal, le groupe met les bouchées doubles sur l'animal en s'appuyant sur la holding Sofial, issue de la prise du contrôle de Glon Sanders (65 % du capital acquis en 2007 puis 95 % en 2012) motivée par le manque d'ambition internationale de Glon Sanders et par un développement trop centré sur la France.

En 2008, Sofiprotéol entre aussi pour 12 % au capital du sélectionneur néerlandais Hendrix Genetics (pondeuse, dinde, poisson, porc), après lui avoir cédé la sélection porcine France Hybrides. Après la chimie verte, Sofiprotéol a également misé sur la méthanisation, via diverses participations (Biogasyl, Fertigaz...)

En route vers des horizons plus larges et plus lointains


Pour compenser des débouchés français ou européens qui arrivent à maturité, le groupe se fixe de nouveaux objectifs après 2006. Il faut trouver des relais de croissance et de nouveaux marchés, par extension géographique du modèle en filière et par l'innovation financée par ses fonds d'investissements ou ses entreprises.

La zone visée est celle de la Mer noire, du pourtour méditerranéen et de l'Afrique subsaharienne. En Roumanie, la société de trituration Expur est rachetée en 2010, puis deux marques d'huiles leader en 2013. En 2012, Lesieur Cristal passe sous son contrôle au Maroc, avec l'objectif de supplanter les fournisseurs américains de soja avec du tournesol local et d'approvisionner en huile les pays plus au sud. La première usine d'aliments Sanders tournera en Algérie à la fin de l'année. Sofiprotéol compte aussi sur le marché de l'huile de palme en Malaisie, récupéré en 2009 avec le rachat du belge Oléon. Ses capacités de production vont tripler.


La santé animale est un des relais de croissance identifiés. Après un début d'internationalisation (rachat d'Alsteo en 2013), Sofiprotéol s'est récemment allié avec le groupe pharmaceutique français Ceva - neuvième mondial- pour assurer son développement international sur la gamme hygiène. Le TH5 sera bientôt vendu en Chine.


Mais tout n'est pas rose, malgré les très bons résultats de son établissement financier. Son modèle économique est ébranlé par le contexte économique franco-européen. En 2012, l'international ne pesait que 21 % du chiffre d'affaires, mais 31 % de l'Ebtida. Le résultat net agrégé a reculé de 6 millions d'euros en 2012, pour se situer à 28 millions. En 2013, il a repassé le seuil des 34 millions pour 7 milliards d'activités (en baisse de 300 millions). Ces évolutions s'expliquent par un recul simultané des résultats des filiales végétales (biodiesel surtout) et animales. Des outils ont été cédés (trois usines de diester en Europe) ou fermés (abattoir de Boynes) pour s'adapter aux marchés.


Pour rebondir, le nouveau directeur général et son équipe ont lancé le plan stratégique à cinq ans « cap 2018 », avec cinq lignes directrices : poursuivre la stratégie en filière, garder le leadership sur la France (investir sur ses points forts), optimiser en interne (« l'excellence opérationnelle »), innover pour préparer les débouchés du futur, accélérer l'internationalisation. Enfin, le mode de gouvernance va évoluer cette année. Le défi majeur de Sofiprotéol sera de concilier sa place de champion national de l'agrobusiness et défenseur des racines avec celui de prétendant dans la cour des acteurs internationaux.

Changement de gouvernance en 2014

 

Alors qu'il rassemblait des filiales et de nombreuses sociétés agrégées, Sofiprotéol deviendra un groupe consolidé d'ici à la fin de ce semestre. Avec cette nouvelle organisation, le groupe aura le pouvoir lever plus facilement des financements. Pour le président Xavier Beulin, il s'agissait de « solidifier nos bases et de se reposer les questions essentielles sur nos grands métiers ».


« Pour plus de transparence et de clarté », indique le directeur général, la banque de développement et le pôle d'activités industrielles deviennent deux filiales distinctes rapportant à une holding de tête. Cette holding sera une société en commandite par action (SCA). La SCA sépare le pouvoir des actionnaires (« commanditaires ») et celui des gestionnaires (« commandités »).

Les actionnaires seront le fonds de développement interprofessionnel (Fidop), actionnaire historique, et une fondation reconnue d'utilité publique ayant des missions à but non lucratif. Une partie du capital de la fondation proviendra du Fidop, sachant que ces fonds sont inaliénables et les dons défiscalisés à 60 %. La Fédération des producteurs d'oléagineux (Fop) sera représentée dans la société commanditée. Les interprofessions Onidol et Unip seront actionnaires directs de la banque de développement.

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