L’autovaccination ORT s’anticipe
Dans un contexte de démédication, l’administration d’un autovaccin contre Ornithobacterium rhinotracheale est de plus en plus pratiquée en dindes.
Dans un contexte de démédication, l’administration d’un autovaccin contre Ornithobacterium rhinotracheale est de plus en plus pratiquée en dindes.
La bactérie Ornithobacterium rhinotracheale est devenue un pathogène majeur dans les élevages de dindes. En plus des problèmes respiratoires, elle cause parfois des lésions purulentes aux tendons, dénommées ténosynovites. Les troubles locomoteurs induits peuvent occasionner un taux de saisies important, de 1 à 3 %. En plus de la perte de revenu, cela représente une source de stress pour l’éleveur et beaucoup de temps passé à trier les animaux. « Administré entre trois et cinq semaines, — le plus tôt possible en cas de challenge précoce —, l’autovaccin ORT vise à réduire les signes cliniques de ténosynovites et les taux de saisies qui lui sont associés. En revanche, il n’empêche pas l’infection et donc pas forcément la toux qui suscite parfois des interrogations de la part des éleveurs. Il évite l’aggravation des signes respiratoires », a précisé Sophie Lagadec, vétérinaire Sanders Bretagne, à l’occasion de la journée de l’association des techniciens de Ploufragan. L’autovaccin est un vaccin inactivé fabriqué dans un laboratoire agréé à partir d’une souche (voire de plusieurs souches d’Ornithobacterium) isolée (s) dans un élevage et administré uniquement dans ce même élevage. Faisant part de son retour d’expérience sur la pratique des autovaccins, Sophie Lagadec a prodigué quelques conseils autour de la vaccination ORT, de la décision d’opter pour l’autovaccin jusqu’au chantier de vaccination.
Anticiper la décision de vacciner. « Lors d’analyses pour une suspicion d’ORT, il est vivement conseillé de demander au laboratoire de conserver la souche isolée en souchothèque. » Si la problématique Ornithobacterium se confirme, la décision de réaliser un autovaccin sur le lot suivant devra se faire bien avant le départ du lot en cours. Il faut au minimum cinq semaines pour fabriquer un autovaccin.
Bien choisir les organes à prélever. La pose du diagnostic et le choix des prélèvements à partir desquels sera isolée la souche sont très importants. En Pays de la Loire et encore plus en Bretagne, les cas d’Ornithobacterium sont essentiellement liés au sérotype 1. Il représente les deux tiers de la souchothèque du fabricant de vaccins Biovac, suivi des sérotypes 4, puis 2 et 3. "Dans 95 % des cas, on ne retrouve qu’un seul sérotype par poumon, selon les études réalisées par Biovac. En revanche, il existe une plus forte variabilité des souches au niveau de la trachée et il n’y a pas toujours de concordances entre les organes poumon et trachée. On ne peut donc pas uniquement se fier à des prélèvements au niveau de la trachée (écouvillons trachéaux). Il est important d’associer des isolements pulmonaires. » La vétérinaire recommande d’envoyer les animaux au laboratoire d’analyses ou les organes entiers présentant des lésions (pattes en cas de ténosynovites). "Il pourra alors réaliser des prélèvements au cœur des lésions profondes (isolement pulmonaire)."
Préparer le chantier de vaccination. Les volailles doivent être à jeun depuis la veille au soir. Pour éviter toute douleur liée à l’injection de l’adjuvant huileux, le vaccin doit être porté à une température de 28-30 °C. L’autovaccin est administré par injection sous-cutanée. Cela exige de bien maîtriser le geste technique. « L’idéal est de faire appel à une équipe spécialisée. Ce n’est pas à l’éleveur de piquer, son rôle est plus valorisé dans la surveillance du bon déroulement du chantier et dans la gestion des parcs (positionnement des barrières pour séparer les sujets vaccinés des non vaccinés, avancement des dindes vers les parcs pour faciliter l’attrapage…). » La vétérinaire souligne également l’importance du confort de travail pour les intervenants : place suffisante pour se changer et poser le matériel, lieu de préparation du vaccin dégagé et propre, utilisation d’une valise thermostatée pour conserver le vaccin à température… « Cela permet un gain de temps dans le déroulement du chantier et permet une gestion plus aisée de la biosécurité. »
Un impact financier souvent sous évalué
Le coût d’un autovaccin contenant une souche d’Ornithobacterium approche 1,30 euro/m2, mâles et femelles compris. Pour un lot de 7 500 dindes, la vétérinaire compte environ 675 euros pour l’autovaccin et 570 euros pour la prestation d’injection. Ce coût est à relativiser et à mettre en parallèle avec les frais de traitements et les saisies liées à la présence de ténosynovites. « On peut très vite atteindre 2 euros/m2. L’impact financier est dans certains cas largement sous évalué », souligne-t-elle. « Un taux de saisies de 1 % correspond à une perte de marge d’environ 1 euro/m2. » C’est sans compter également le temps passé au tri des animaux. « En réduisant les troubles, l’autovaccin apporte une 'bouffée d’oxygène' à l’éleveur. Plus serein, il peut davantage travailler d’autres leviers contre les problématiques respiratoires : technique, ventilation, méthode de décontamination, vaccination contre les pathologies virales respiratoires… »