Grimaud Frères s'est lancé dans la sélection génomique de ses canards
La première génération de canetons pedigree prochainement sélectionnés sur leurs performances phénotypiques et leur patrimoine génétique est née en avril dernier. Une nette amélioration des gains génétiques est attendue.
La première génération de canetons pedigree prochainement sélectionnés sur leurs performances phénotypiques et leur patrimoine génétique est née en avril dernier. Une nette amélioration des gains génétiques est attendue.
Avec les outils de génétique moléculaire, la sélection du canard va-t-elle connaître la « révolution génomique » qu’a connue la sélection en bovin laitier à la fin des années 2000 ? Le sélectionneur français Grimaud Frères l’espère bien.
Lui qui y travaillait depuis de nombreuses années a voulu marquer le coup en annonçant une première mondiale. Le 22 avril est née sa première génération de canetons de lignée pure entièrement « génotypée ».
Du tissu biologique a été prélevé sur chaque animal et envoyé à un laboratoire spécialisé dans l’analyse d’ADN. Trois semaines plus tard, les résultats de génotypage sont revenus. Pour chaque caneton, une cartographie du génome a été établie à partir de 60 000 marqueurs génétiques SNP (prononcer « Snip ») – pour Single Nucleotid Polymorphism - judicieusement choisis et répartis sur les chromosomes. Un snip pouvant se trouver sous trois formes différentes, la combinaison des 60 000 constitue une signature moléculaire unique.
Gagner en précision de sélection
« En théorie, dès la naissance nous pourrions choisir les animaux qui présentent les combinaisons génétiques les plus proches de ce que nous recherchons, précise Guillaume Le Mignon, responsable des programmes de génomique chez Grimaud Frères. Mais nous ne le ferons pas. Car pour prédire les valeurs génomiques attendues, il faut une connaissance très précise et permanente de la population qui a servi de référence. Nous allons donc ajouter la sélection génomique à celle sur l’ascendance et sur les performances (phénotypage). »
Alors pourquoi donc ajouter cette méthode ? Parce que l’information génomique devrait améliorer la précision des valeurs génétiques et à terme accroître le progrès génétique annuel des caractères sélectionnés. Ce progrès dépend de trois paramètres qui se multiplient : la variabilité génétique du caractère à améliorer, l’intensité de sélection appliquée et la précision des valeurs génétiques estimées. L’ensemble est divisé par l’intervalle de génération. Plus il est long et plus le progrès est ralenti.
En ayant plus d’informations génétiques dès la naissance, notamment sur des caractères difficiles à mesurer ou dits à faible héritabilité, il sera possible de mieux trier les canards pedigree pour augmenter l’intensité et la pression de sélection, ainsi que réduire l’intervalle de génération. C’est le cas des caractères de ponte portés par les mâles.
« Avant, nous étions incapables de distinguer deux frères sur la base des seules performances de ponte de leur mère. Avec la génomique, on pourra les différencier tôt. » Par ailleurs, il sera plus facile de maintenir la variabilité génétique et de mieux maîtriser la consanguinité.
Des impacts commerciaux dans 3 à 5 ans
Guillaume Le Mignon reste prudent sur les gains attendus pour les canards commerciaux qui seront issus des processus de sélection et de multiplication au mieux dans trois années. Néanmoins, « le retour d’expérience sur le poulet montre que le gain génétique annuel peut être de 5 à 10 % sur des caractères difficiles à améliorer. » C’est le cas pour la reproduction, les caractères de santé et de bien-être, ou la qualité de la viande.
La sélection génomique en trois étapes
Le génotypage des canetons constitue presque l’aboutissement de la mise en place de la sélection génomique, étape à l’issue de laquelle est réalisée la prédiction de la valeur génomique à partir des variations des snips.
Au préalable, il a fallu constituer la population de référence afin d’établir de manière fiable les équations entre génotypage (les Snips) et phénotypage (les performances). « Notre base compte environ 1000 individus reproducteurs dont l’ADN a été recueilli pendant 5 ans », précise Guillaume Le Mignon.
Et encore avant, il a fallu créer la « puce à ADN » contenant les 60 000 snips jugés d’intérêt. « Le processus a été long. Un consortium français a d’abord créé une puce à haute densité de 600 000 marqueurs commune à toutes les espèces de canards. Puis, pour réduire le coût du génotypage par caneton, nous avons créé en interne notre puce dite de moyenne densité, dix fois moins chère qu’une puce HD, avec les snips correspondant le mieux à nos attentes. »