Galliance mise sur sa dinde bronzée La Nouvelle agriculture
Lancée fin 2018, la dinde à la marque La Nouvelle agriculture vise à retrouver de la valeur à travers un concept gagnant pour l’agriculteur, pour l’environnement et pour le consommateur.
Lancée fin 2018, la dinde à la marque La Nouvelle agriculture vise à retrouver de la valeur à travers un concept gagnant pour l’agriculteur, pour l’environnement et pour le consommateur.
Cela a commencé par le lapin en 2012, puis le porc en 2014 et le poulet en 2015. La fin de l’année 2018 a vu le lancement de la dinde bronzée produite selon le concept de La Nouvelle agriculture (LNA). Cette marque (et non un label) est née d’une idée simple, mais complexe à concrétiser. Il s’agit de produire plus sobrement et plus durablement des produits crus et cuits accessibles à tous les consommateurs, ayant du goût et évidemment bons pour leur santé. Le groupe Terrena cultive cette ambition depuis 2007. À peine recruté, le directeur général Alain Guillemin avait impulsé une remise en cause des systèmes de production, laquelle avait abouti au concept « d’agriculture écologiquement intensive (AEI) », en productions végétales et animales. Actuellement, l’abattoir Galliance de Moncoutant traite environ 70 000 dindes-semaine et comme l’ensemble du marché, sa dinde « déguste ». « On ne pouvait pas accepter de laisser tomber la dinde sans réagir, s’exclame Gérard Guilbaud, le président de Val’iance, le groupement des aviculteurs Terrena. D’autant que cette viande d’origine France a une place à défendre et même à prendre sur les débouchés de l’industrie. »
Trois objectifs de base à atteindre
La démarche LNA s’engage sur trois axes : des produits issus d’animaux élevés en raisonnant la médication, l’alimentation et les conditions de vie ; le bien-être animal qui va s’améliorer constamment sous la forme d’un contrat de progrès conclu avec l’ONG CIWF ; la traçabilité du champ jusqu’à l’assiette. Pour Gérard Rondel, directeur de la production avicole de Terrena, « LNA impose de revisiter toutes nos pratiques et de créer un système d’élevage cohérent qui permet d’atteindre ces trois objectifs, avec deux variables difficiles à faire avancer à la même vitesse : le bien-être animal et l’économie. C’est ce que nous faisons pourtant depuis 2008. Et l’on s’aperçoit qu’avec LNA nos producteurs retrouvent de la fierté et de la sérénité. » En dinde, Terrena a fait le choix d’une souche plus rustique à plumage coloré (mais à pattes et peau blanches), pour son image plus traditionnelle avec une viande au goût et à la couleur plus prononcés, notamment le rouge. Pour ne pas trop pénaliser le coût de production, la souche Cartier d’Hendrix Genetics présente des performances assez honorables. L’écart de poids potentiel vis-à-vis d’une médium Grade maker est de 8 % pour une femelle de douze semaines et de 14,5 % pour un mâle de dix-huit semaines, par contre le rendement filet est amélioré jusqu’à +1,5 %, complète Pierre Dulac d’Hendrix Genetics. La densité a été nettement abaissée – « pour le moment nous sommes fixés à 5,5 oiseaux par m2 » – de sorte que le confort augmente et que la gestion des litières soit plus sûre. « En agissant ainsi, on se donne aussi plus de chances de moins traiter avec des antibiotiques, mais on ne vise pas le zéro antibiotique à tout prix. »
Concilier économie et bien-être animal
Le mode d’élevage standard n’est pas fondamentalement remis en cause et n’est pas voué à disparaître. L’accès à un jardin d’hiver n’a pas été envisagé pour mieux maîtriser le sanitaire et l’ambiance. En revanche, l’animal n’est ni épointé ni dégriffé. Quand l’élevage se fait en lumière naturelle – c’est facultatif comme en poulet – « l’éleveur doit être capable de la gérer selon le comportement du lot, variable avec la saison », note Gérard Rondel. Pour Gérard Guilbaud, il est important de ne pas se déconnecter du marché avec des exigences trop fortes. « Il faut d’abord que l’on soit capable de créer de la valeur à tous les niveaux – C’est son credo – On a déjà perdu la bataille du prix. Il ne faudrait pas perdre celle de la valeur. »" Notre enjeu est de développer des filières différenciées en GMS et BtoB en quête de réassurance sur les modes d’élevage et de transparence ", réaffirme Erwan Pencalet, reponsable marketing frais de Galliance. Pour réassurer le consommateur sur l’étiquette, l’aliment est non-OGM, avec des céréales 100 % françaises et supplémenté en graine de lin durant la moitié de l’élevage. « Nous pouvons aussi tracer les matières premières des adhérents Terrena qui font de gros efforts depuis dix ans, précise Gérard Guilbaud, lequel considère LNA comme une démarche agricole globale. Pour réduire les phytosanitaires, nous allons cultiver plus de protéagineux, ce qui permettra de réimbriquer le végétal et l’animal au niveau global de la coopérative. »
Limiter les antibiotiques au maximum
Au premier semestre, une soixantaine d’éleveurs polyvalents étaient engagés dans la démarche, comme Quentin Debarre, éleveur polyvalent depuis dix ans et en Gaec à Saint-Aubin de Baubigné dans les Deux Sèvres. En mars dernier, il a démarré son troisième lot de dindes LNA dans une poussinière dynamique et obscure de 1 000 m2 rénovée en 2014. « Je n’ai pas modifié fondamentalement la méthode d’élevage, explique l’éleveur de 33 ans qui plébiscite la baisse de densité à 5,5 oiseaux par m2. La souche est plus active ; elle gratte plus la litière de paille recouverte de copeau. J’ai moins de mortalité au démarrage. » Le comportement du groupe est aussi différent : au lieu de venir s’agglutiner, les dindes bronzées d’un mois restent calmes et posées. Quentin Debarre précise que la prophylaxie est renforcée pour réduire au maximum la médication, notamment avec deux autovaccins E. Coli. « Pour démédiquer, il faut aussi faire un gros effort sur le nettoyage et la désinfection », complète Gérard Rondel. « Grâce à la moindre densité et au grattage naturel, je n’ai pas eu de souci de tenue de litière. Je ne repaille quasiment jamais, peut-être une ou deux fois durant tout le lot. » L’éleveur constate que la dinde LNA réclame plus d’attention que le poulet LNA, du fait de sa durée d’élevage et sa plus grande sensibilité aux écarts de température. « La période 8-9 semaines est la plus délicate. » Quentin ajoute des blocs à piquer pour enrichir le milieu. « Nous sommes en cours de testage du bon système de perchage, ajoute Gérard Rondel, notamment des plateformes." Malgré la baisse de densité, Quentin annonce 27-28 euros de MPA/m2 pour des femelles abattues vers 6,5-6,8 kg et des mâles vers 15-15,5 kg (à 138-140 jours), avec un indice de consommation de 2,45-2,5. « C’est une semaine de plus qu’en standard et la dégradation d’indice est liée à la graine de lin », conclut le responsable technique.
P.L.D.
Les volailles déballent leur intimité
Grâce à la technologie numérique de la blockchain exploitée par la société GS1, Terrena propose un système d’information en temps réel destiné aux consommateurs (monagriculteur.coop) et aux restaurateurs (jeproduis.coop) acheteurs de volailles et d’autres produits LNA. Les premiers peuvent scanner les produits en rayon avec leur smartphone (après avoir chargé l’appli) et accéder à des données sur le producteur (témoignage vidéo à l’appui) et sur la genèse de la volaille. Quant aux restaurateurs, ils se connectent sur www.jeproduis.coop. Un exemple concret de valorisation de la traçabilité engagée du champ à l’usine de transformation.