Quelle est la bonne nouvelle à retenir en cette rentrée d'automne ?
Jean-Michel Schaeffer.
Il faut se féliciter que la France soit redevenue la championne d’Europe de la consommation de viandes de volailles en 2021 avec 28,5 kg par habitant. La consommation a globalement augmenté de 2,1 % (+3,6 % par an depuis dix ans), avec le poulet qui se taille la part du lion à 76 %. Seul, le Royaume Uni aurait fait mieux que nous en restant dans l’UE. Par ailleurs, la volaille reste la viande la plus abordable en termes de prix. La filière est armée pour répondre à cette demande et pour affronter les difficultés.
Certes la consommation augmente, mais que devient la production ?
J-M. S.
En raison de l’épizootie d’influenza aviaire, la production de chair devrait reculer de 9,7 % en 2022 par rapport à 2021. Douze millions de volailles de chair ont été abattues pour freiner l’épizootie et beaucoup d’autres non produites à la suite des restrictions sanitaires ou des manques d’oiseaux d’un jour. L’impact est très inégal selon les espèces. Les plus touchées seront le canard à rôtir (-30,3 %) et la pintade (-17,7 %), mais aussi la dinde (-17,7 %) qui est passée après le poulet pour redémarrer après l’influenza. Le poulet reculera de 3,3 %. L’interprofession estime les pertes liées à la grippe à environ 500 millions d’euros (M€), dont 370 M€ en sortie d’élevage et 110 M€ d’exportation de génétique.
Si la production baisse, c’est que les importations augmentent…
J-M. S.
La filière ne profite pas à plein de la reprise de consommation, de plus en plus approvisionnée par les importations européennes. Sur les cinq premiers mois de 2022, l’import représente 49,6 % de la consommation française de viande de poulet (44,3 % en 2021). Il vient principalement de Pologne (+22 %) et de Belgique (+21 %) où une part importante est originaire de pays Tiers. Ce qui nous inquiète le plus, c’est la déferlante ukrainienne vers l’UE de poulet à bas prix. On enregistre + 96 % au 1er semestre (72 400 tonnes d’équivalent carcasse), alors que le quota annuel sans taxe était de 70 000 tec. L’import direct vers la France augmente de 122 % mais il est faible (1 900 tec). Je dis « était », car depuis le 24 juin les vannes sont ouvertes pour le seul opérateur MHP. L’aviculture européenne est piégée par la suspension des droits de douane sur le poulet ukrainien, décidée pour une année. On s’attend à dépasser 150 000 tec en 2022.
Quelles sont les perspectives en termes de coûts et de prix ?
J-M. S.
Dans le cadre des négociations commerciales, depuis deux ans la filière volailles a déjà fait passer 30 à 35 % de hausses de prix aux distributeurs pour couvrir les hausses de matières premières. Mais cela ne suffira pas, en raison de la flambée de l’énergie qui touche tous les maillons. Après le premier mur des matières premières est arrivé le deuxième mur de l’énergie d’intensité variable selon les éleveurs et les entreprises. Nos premiers chiffrages (à affiner) seraient d’obtenir encore 5 à 7 % de revalorisations d’ici la fin de l’année pour juste compenser cette hausse.
Les hausses des prix de vente vont-elles se répercuter à l’amont ?
J-M. S.
C’est une nécessité, car sinon la contractualisation est en danger. Pour le moment, les organisations de production absorbent les hausses des coûts alimentaires, mais se retrouvent dans le rouge. Bientôt, ce sera le tour des éleveurs impactés directement par les hausses du gaz et de l’électricité. Officiellement il n’y a pas eu d’ouverture de négociations, mais le maillon aval va devoir bouger s’il veut abattre suffisamment de volailles en fin d’année. Sinon des éleveurs pourraient ne pas mettre en place de volailles.