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Comprendre les enjeux de la future PAC en 6 questions

Conditionnalité environnementale renforcée, paiements verts revisités… L’Europe fixe de nouveaux objectifs à la PAC, et laissera plus de latitude aux États membres dans la déclinaison nationale des mesures pour les atteindre.

Les éco-régimes sont de nouvelles aides qui seront financées par le premier pilier et rémunéreront des pratiques environnementales vertueuses allant au-delà de la conditionnalité. © G. Omnès
© G. Omnès

1 Quel agenda pour la PAC ?

Le nouveau cycle de la PAC devait débuter en 2021, mais son entrée en vigueur est désormais prévue pour 2023. Les discussions liées au Brexit ont retardé l’établissement du budget européen, qui n’a été acté qu’en juillet dernier. Fin octobre, le Parlement européen et le Conseil des ministres ont adopté leur position sur la nouvelle PAC, ouvrant le « trilogue » entre les trois institutions européennes. Cette phase de discussion doit permettre d’arriver à un consensus sur les points de désaccord. Par ailleurs, chaque État membre doit élaborer son plan stratégique national (PSN) qui précisera la façon dont la PAC sera mise en application dans le pays. Les PSN seront négociés dans chaque État courant 2021, pour approbation par la Commission européenne en 2022.

2 Quel sera le budget ?

C’est la bonne surprise : le budget de la PAC a été relativement préservé pour la prochaine période. Il s’élève, sur sept ans, à 336,4 milliards d’euros (Md€), dont 258,6 Md€ pour le premier pilier (voir lexique ci-dessous) et 77,8 Md€ pour le second pilier (voir lexique ci-dessous). C’est une légère baisse seulement par rapport à 2014-2020 (en euros courants et à périmètre identique, c’est-à-dire sans le Royaume-Uni). Le budget pour la France est de 62 Md€, dont 11,4 Md€ pour le second pilier et 51 Md€ pour le premier pilier, qui perd 1 Md€ par rapport à la période précédente.

 

3 Quels sont les principaux changements attendus ?

La philosophie de la nouvelle PAC est de passer d’une obligation de moyens (des mesures fixées dans un cadre européen et appliquées par les États membres) à une obligation de résultat. Cette subsidiarité (voir lexique ci-dessous) accrue laisse une plus grande latitude aux États membres dans le choix des modalités d’application de la PAC. Ils devront toutefois atteindre les objectifs fixés par l’UE, qui portent notamment sur des aspects environnementaux. L’évaluation se fera au moyen d’indicateurs spécifiques, dont le choix sera hautement stratégique. Sur ce point comme sur beaucoup d’autres, il reste de nombreuses inconnues.

4 La PAC sera-t-elle plus verte ?

La nouvelle PAC s’inscrit dans le cadre du Pacte vert (Green deal) édicté par la Commission européenne. Elle devra donc contribuer à lutter contre le changement climatique et tenir compte des stratégies Biodiversité et « De la ferme à la table » (Farm to Fork) présentées par Bruxelles. Ces feuilles de route fixent, à échéance 2030, des objectifs ambitieux : atteindre 25 % de la SAU européenne en bio, réduire l’usage des produits phytosanitaires chimiques de 50 % et celui des engrais de 20 %. Ces stratégies proposées par Bruxelles n’ont toutefois pas encore de valeur légale. La conditionnalité  (voir lexique ci-dessous) se verra renforcée : elle intégrera les règles du verdissement (voir lexique ci-dessous) instaurées en 2015 (diversité de l’assolement, surface d’intérêt écologique et maintien des prairies). Cela signifie que leur respect ne déclenchera plus l’attribution d’une aide spécifique (le « paiement vert » disparaît), mais sera indispensable pour toucher l’ensemble des aides PAC.

5 En quoi consistent les éco-régimes ?

Les éco-régimes sont de nouvelles aides qui seront financées par le premier pilier. Le Conseil des ministres propose que 20 % au minimum y soient consacrés, 30 % pour le Parlement européen. Les deux institutions devront se mettre d'accord sur un chiffre commun lors des discussions dites de "trilogue". Ces éco-régimes visent à rémunérer des pratiques environnementales vertueuses allant au-delà de la conditionnalité. Ces aides se distingueraient des mesures agro-environnementales par le fait qu’il y aurait une réelle incitation, et pas seulement une compensation de la perte de revenu ou des coûts additionnels générés par la mise en œuvre de la mesure.

Il reviendra à chaque État membre d’établir la liste de mesures intégrées à ce régime, avant validation par la Commission européenne. Bruxelles a commencé à faire circuler des exemples de mesures potentielles, parmi lesquelles l’agriculture biologique, des rotations allongées avec une certaine proportion de légumineuses, les jachères mellifères, la séquestration de carbone… Les modalités de mise en œuvre de ces éco-régimes restent à définir.

6 Vers une « nationalisation » de la PAC ?

Au cours des précédentes réformes, l’octroi d’une grande latitude aux États membres dans l’application des textes communautaires avait déjà amoindri la dimension « commune » de la PAC. Cela concernait notamment les modalités d'attributionde certaines aides directes (maintien ou non des aides couplées, application ou non d’un paiement redistributif, etc.). La réforme à venir entérine cet état de fait : les États membres auront une grande marge de manœuvre pour décider des mesures à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés à l’échelle européenne.

Pour la période à venir, cette liberté devrait s’étendre à l’application des normes environnementales, à commencer par les mesures retenues dans les éco-régimes, voire la définition de la conditionnalité. Chaque État devra élaborer un planstratégique national (PSN). Celui-ci détaillera quels moyens le pays met en œuvre pour atteindre les objectifs européens. Les négociations vont donc se déplacer à l’échelle nationale, et elles promettent d’être âpres. Cette subsidiarité accrue fait peser le risque de distorsions de concurrence au sein de l’UE, selon le niveau d’exigence adopté par chaque État. Le ministre de l'Agriculture français affirme quant à lui se battre pour que les normes environnementales soient les mêmes dans tous les Etats membres. Mais ce n'est pas gagné...

Les mots de la PAC

Premier pilier (P1) et second pilier (P2) : la structuration de la PAC en deux piliers date de la réforme de l’agenda 2000. Le P1 inclut les aides directes (paiement de base, paiement vert, paiement redistributif, paiement aux jeunes agriculteurs, aides couplées) et les mesures de régulation des marchés. Il est financé exclusivement par le budget européen. Le P2 est dédié aux mesures environnementales et territoriales, et peut être cofinancé par les États membres. Il inclut l’ICHN (Indemnité compensatoire de handicaps naturels) et les mesures agro-environnementales et climatiques (Maec), ainsi que les outils de gestion de crise, dont la subvention à l’assurance climatique.

Découplage : le système de soutien par les prix (prix minimal garanti, restitution à l’export, taxe sur les importations…) a évolué après 1992 vers des aides « compensatoires » (pour compenser la perte du revenu liée à la baisse des prix garantis). Ces aides directes, financées par le P1, ont peu à peu été déconnectées du type de production et de l’historique de rendement, devenant une aide forfaitaire à l’hectare. C’est ce que l’on appelle le découplage. La France a toutefois maintenu des aides couplées, liées au type de production (principalement fléchées vers l’élevage).

Conditionnalité : obligatoire depuis la réforme de 2003, la conditionnalité consiste à conditionner le versement des aides au respect par les agriculteurs de règles relatives à l’environnement et à la santé (directive Nitrates, Habitat, Bonnes conditions agricoles et environnementales…).

Verdissement : il correspond à l’instauration, à partir de 2015, du « paiement vert ». 30 % des aides directes du premier pilier sont versées aux exploitants respectant certaines pratiques bénéfiques à l’environnement. En grandes cultures, il s’agit de la diversification de l’assolement et de la mise en place de surfaces d’intérêt écologique (SIE). Contrairement aux règles de la conditionnalité, le non-respect du verdissement ne met pas en péril l’ensemble des aides de l’exploitation.

Subsidiarité : c’est la marge de manœuvre laissée aux États membres dans l’application des mesures de la PAC (application ou non de certaines mesures, part de chaque aide sur le budget total…). La subsidiarité a augmenté au fil des réformes. Certains observateurs y voient un facteur de distorsion de concurrence entre les pays de l’UE.

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