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« J'économise environ 1000 euros par hectare et par an avec des vignes hautes »

Denis Clavel, vigneron dans le Gard, conduit ses IGP en vignes hautes depuis plus de dix ans. Un système peu répandu, pourtant économe et qualitatif. Reportage.

Denis Clavel assure que le système en vigne haute est une solution pertinente pour les IGP.
Denis Clavel assure que le système en vigne haute est une solution pertinente pour les IGP.
© X. Delbecque

Il y a des rencontres qui nous marquent. Celle qu’a faite Denis Clavel, vigneron à Saint-Gervais, dans le Gard, l’a amené à changer radicalement le mode de conduite de ses vignes en IGP. « Lors d’un dîner avec d’autres viticulteurs, un professeur de viticulture nous a expliqué comment, après avoir fait le tour du monde et étudié les différents systèmes de conduite, il voyait la viticulture du futur », se remémore-t-il. D’abord sur la défensive, il a petit à petit trouvé ses arguments forts pertinents. Au point de vouloir essayer.

Le principe est simple : il s’agit d’un mode de culture sur un fil en hauteur, non palissé et conduit en taille minimale. En 2010, il essaie donc la technique sur une première parcelle de merlot, qu’il plante à la densité habituelle (2,50 m par 1 m) pour pouvoir revenir à un système normal si besoin. « J’ai testé la taille minimale en parallèle sur une parcelle de merlot palissé, et il m’est apparu que la vigne haute était plus qualitative », retrace le vigneron. Il faut dire que le raisin est beaucoup moins sensible aux attaques de botrytis, selon les observations de Denis Clavel. Car les grappes pendent à bonne distance du sol, installées sous une voûte formée par la frondaison. Les sarments les plus vigoureux poussent par le dessus, puis finissent par retomber naturellement avec le poids des grappes. Pendant que les moins vigoureux poussent par en dessous, s’affaiblissent et finissent par sécher et disparaître. Et ainsi de suite pour faire un cycle.

Une très grande résilience face au gel de printemps

Outre l’aspect qualitatif, Denis Clavel trouve de nombreux avantages dans ce mode de conduite. D’un point de vue budgétaire, d’abord, puisqu’il estime économiser environ 1000 euros par hectare et par an. Mais aussi du point de vue de la physiologie de la vigne. Il constate notamment très peu de mortalités dues aux maladies du bois, ce qu’il impute au fait que les plaies de taille ne sont jamais localisées sur du vieux bois. Couplé au fait que la taille mécanique (avec un avancement à 2 km/h) lui permet d’attendre les pleurs pour opérer. De même, ce type de conduite permet de garder beaucoup de bourgeons latents. La vigne s’équilibre par elle-même et les yeux ne débourrent que si la plante sait qu’elle peut les nourrir. « Ainsi, en cas de gel, les repousses sont fructifères, apprécie le vigneron. Une année nos muscats ont entièrement gelé, et nous avons eu malgré tout un rendement presque normal. » Le dernier argument, qui n’est pas des moindre dans le cadre du changement climatique, est celui d’une plus faible sensibilité à l’échaudage. Car les raisins, installés sous la voûte de végétation, sont naturellement à l’ombre.

Le système de Denis Clavel est maintenant bien rodé, puisqu’il l’a étendu sur sa vingtaine d’hectares de vignes en IGP. Il plante dorénavant à 2 800 pieds par hectare, soit une distance interrang de 3 m et 1,25 m entre les ceps. Le vigneron installe le fil porteur à 1,30 m de haut, et des piquets bois tous les cinq plants. « Au niveau de l’amarre, je pose un contre-piquet, que je double. Il faut faire attention car cela représente beaucoup de poids », explique-t-il. D’ailleurs, le fil porteur est un câble métallique, plus résistant qu’un simple fil. Ce dernier s’insère aux piquets par des rainures et des encoches dans le bois. Le vigneron installe également, à l’horizontale, des tronçons de cornière de 30 cm, soutenant à chaque bout un fil métallique tendu en parallèle du câble porteur. L’allure du palissage faisant finalement penser à une sorte d’étendoir à linge, où le cordon prend place sur le fil du milieu.

 

 
Sur les vignes hautes, les sarments retombent naturellement avec le poids des grappes et forment une voûte.
Sur les vignes hautes, les sarments retombent naturellement avec le poids des grappes et forment une voûte. © X. Delbecque

La première année, la vigne est tuteurée à l’aide de tiges en cannes de Provence. Puis la deuxième année, le long du câble porteur (au milieu), à la manière d’un cordon unilatéral. « Avant je laissais la vigne se débrouiller toute seule, mais maintenant je coupe le sarment juste avant le pied suivant, sinon on peut se retrouver avec des cordons de plus de 10 mètres de long ! », précise le vigneron.

La canopée dense rend la protection phytosanitaire plus délicate

Une fois le système établi, il est relativement économe en main-d’œuvre. Pour gérer la conduite de la vigne, Denis Clavel s’est équipé d’une écimeuse pendulaire Collard, qu’il monte sur son porteur Braud et passe au moment du débourrement. C’est ce qui fait office de taille. Il épampre le bas des ceps à la machine et n’a pas besoin de le faire sur le tronc, car la vigne favorise les nombreux bourgeons du haut. Un seul passage rapide manuel est réalisé au printemps, avec un petit sécateur à main, pour couper les éventuels pampres ayant résisté et les quelques sarments qui poussent sous la voûte et que l’écimeuse ne peut gérer. « En revanche, la gestion phytosanitaire demande un peu plus d’attention, met en garde le vigneron. Mieux vaut avoir un bon pulvé et doser correctement les produits. » Cela vient notamment du fait que la vigne prend la forme d’un gros buisson dense au début de la pousse végétative. La récolte, également mécanisée, ne cause pas de problème particulier. Bien que la vigne soit haute, la tête de récolte de la Braud SB 56 reste adaptée. « J’y installe huit secoueurs, ça va très bien », commente Denis Clavel.

 

 
La taille minimale est réalisée avec une écimeuse pendulaire au moment des pleurs de la vigne.
La taille minimale est réalisée avec une écimeuse pendulaire au moment des pleurs de la vigne. © D. Clavel

Le vigneron prévient toutefois que l’inconvénient majeur de ce mode de conduite est le risque de produire trop. « Nous avons testé l’enherbement naturel en totalité, mais la vigne était trop contrainte, nous sommes revenus au travail du sol en totalité », remarque-t-il. L’an dernier il a tenté un éclaircissage chimique, avec de bons résultats sur caladoc, « mais c’est une technique vraiment très délicate ». Cet hiver, il teste le couvert temporaire : un mélange de seigle et de vesce un rang sur deux qui sera détruit au printemps. Denis Clavel avertit également sur le risque d’entrer trop vite en production et d’épuiser durablement la vigne. « Cela peut être un facteur d’échec, estime-t-il. Car des vignerons m’ont dit que le système n’avait pas marché chez eux. Peut-être aussi qu’il n’est pas adapté à tous les contextes. En tout cas, chez moi, j’en suis très satisfait. » Tout comme sa fille Claire, qui a officiellement repris les rennes du domaine mais poursuit les replantations en IGP de cette manière.

Le système le plus résistant face à la sécheresse

Une équipe de chercheurs de l’université de Davis, en Californie, a étudié différents systèmes de conduite de la vigne dans le cadre du changement climatique. Ils sont arrivés à la conclusion que le simple fil en hauteur est mieux adapté que nos palissages traditionnels. Ils ont comparé pour cela six modes de conduite pendant deux ans (cordon et guyot en espalier plat, cordon avec palissage en V de 60° ou 80°, cordon sur fil simple à 1,70 m et cordon quadrilatéral à 1,50 m). Pour chacun, les scientifiques ont appliqué des quantités d’irrigation correspondant à 100 %, 50 % et 25 % de la perte en eau par évapotranspiration. Il ressort que les systèmes cordon sur fil simple en hauteur et cordon quadrilatéral peuvent améliorer le fonctionnement de la canopée. Le cordon en hauteur est celui qui a montré les meilleurs rendements, mais également un accroissement des flavonols et anthocyanes dans les peaux. Les chercheurs expliquent que la dégradation chimique est moindre que sur les systèmes en espalier, où les grappes sont surexposées aux radiations solaires.

Domaine Clavel

Superficie 105 hectares

Dénominations AOP côtes-du-rhône, côtes-du-rhône village saint-gervais et chusclan, IGP oc

Encépagement grenache, syrah, mourvèdre, carignan, cinsault, merlot, caladoc, artaban, roussane, marsanne, viognier, chardonnay, clairette, muscat petit grain, bourboulenc, floreal

Effectif 8 ETP

Production 4000 hl/an

Commercialisation CHR, export, vente directe et un peu de vrac

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