Un impact méconnu des pépins sur la sucrosité du vin
Les pépins jouent un rôle clé dans la perception sucrée des vins secs. C’est ce que nous enseignent de récents travaux menés à l’ISVV de Bordeaux. Les chercheurs ont mis en évidence la présence de deux nouvelles molécules du vin : l’epi-DPAG et l’AGG.
Les pépins jouent un rôle clé dans la perception sucrée des vins secs. C’est ce que nous enseignent de récents travaux menés à l’ISVV de Bordeaux. Les chercheurs ont mis en évidence la présence de deux nouvelles molécules du vin : l’epi-DPAG et l’AGG.
« Cela fait plusieurs années que nous travaillons sur la saveur sucrée des vins secs, rappelle Axel Marchal, chercheur à l’ISVV de Bordeaux. De manière empirique, nous avions observé une augmentation de la sucrosité des rouges durant la macération post-fermentaire à chaud. » Ce que viennent confirmer les travaux de thèse récemment menés par Blandine Cretin. Au cours de ses essais, la scientifique a pu mettre en évidence la présence de deux nouvelles molécules dans le vin. Il s’agit de l’acide epi-DPA-3’-O- β-glucopyranoside (epi-DPAG) et de l’acide gallique-4-O-β-glucopyranoside (AGG).
Ces deux composés proviennent directement des pépins et participent à la saveur sucrée des vins secs. Pour arriver à ces conclusions, l’équipe de recherche a d’abord comparé des modalités écoulées juste après la fermentation alcoolique (FA) à d’autres écoulées après dix jours de macération post FA. « Nous avons constaté une réelle différence en termes gustatifs, observe Axel Marchal, qui a encadré la thèse. Mais cela pouvait provenir uniquement de l’autolyse des levures, dont nous avons démontré il y a quelques années le rôle édulcorant. Il nous fallait creuser. » Les scientifiques ont donc ajouté des lies dans la modalité écoulée juste après FA et malgré cela, la dégustation a confirmé davantage de sucrosité dans le lot avec macération.
L’epi-DPAG, une molécule présente dans les rouges comme dans les blancs
« Nous avons donc reconduit une expérience historiquement décrite dans un vieux traité de vinification et relatée par Émile Peynaud dans Le Vin et les Jours », poursuit Axel Marchal. À savoir, comparer une vinification classique avec vendange éraflée et foulée, à un itinéraire avec vendange éraflée et épépinée. « Quand on ôte les pépins, les indicateurs classiques restent stables, souligne-t-il. L’indice de polyphénols totaux (IPT) ne diminue pas significativement. En revanche, on obtient des vins paradoxalement plus astringents, avec moins de sucrosité. » Bien sûr, ces expériences ont été menées avec des pépins considérés comme mûrs par leur vinificateur. Par la suite, les chercheurs se sont appuyés sur des techniques séparatives pour mettre en lumière la présence d’epi-DPAG et d’AGG.
Sur une soixantaine de vins analysés, ils notent des concentrations moyennes de 8 microgrammes par litre (mg/l) d’epi-DPAG dans les rouges, contre 4 mg/l dans les blancs. De son côté, la teneur en AGG avoisine 100 mg/l dans les vins rouges alors qu’elle est quasi nulle dans les blancs. « Nous avons fait des tests en solutions modèles, en rajoutant ces deux molécules à des concentrations semblables à celles que nous avions trouvées dans un quart des vins analysés », commente Axel Marchal.
Du point de vue sensoriel, le panel de dégustateurs a noté une différence significative, avec davantage de sucrosité par rapport à la modalité témoin. Mais est-ce dû à ces seules molécules ou est-ce un effet cocktail, interroge l’œnologue. « Car nous avons trouvé deux autres composés liés à la saveur sucrée, mais peu présents dans les pépins. » Reste à déterminer les facteurs viticoles pouvant impacter les concentrations en epi-DPAG et en AGG, ou les pratiques œnologiques à même de favoriser leur libération. Enfin, les chercheurs poursuivent leurs travaux pour déterminer la stabilité de ces deux molécules dans le temps.
comprendre
L’ISVV de Bordeaux mis en évidence deux nouvelles molécules présentes dans les pépins, et en partie responsables de la saveur sucrée des vins secs. Si ces composés ont pu être quantifiés dans le vin, leur seuil de perception reste à déterminer.
L’epi-DPAG (l’acide epi-DPA-3’-O- β-glucopyranoside) a été dosé autour de 8 mg/l dans les vins rouges et 4 mg/l dans les blancs.
L’AGG (acide gallique-4-O-β-glucopyranoside) a une teneur proche de 100 mg/l dans les rouges. En revanche, il est quasiment absent dans les vins blancs.