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Torres fait face au changement climatique

L’entreprise espagnole est très impliquée sur la thématique du changement climatique. Son service R & D travaille sur deux axes : limiter l’impact de ses pratiques et anticiper pour s’adapter aux conséquences.

« Tout a démarré en 2008, débute Mireia Torres Maczassek, responsable du service recherche et développement et représentante de la cinquième génération de Torres au sein de la société. Avec 26 entreprises, nous avons créé un groupe de recherche sur le changement climatique, doté d’un budget de 26,9 millions d’euros sur quatre ans. Et ça a été un véritable succès. » Le groupe a travaillé sur des thématiques communes telles que l’influence du changement climatique sur la maturation des baies, la modification et l’expression des gènes, l’influence de l’altération des moûts sur le fonctionnement des levures ou la résistance des bactéries lactiques aux nouvelles conditions. Mais ensuite, chaque entreprise s’est focalisée sur des sujets de prédilection, que ce soit l’irrigation et les opérations au vignoble, l’adaptation variétale, les allergènes, etc. Avec à la clé, plusieurs découvertes. Les chercheurs ont notamment observé l’impact d’un excès de température et d’un déficit de pluviométrie sur différents composés de la baie pendant la maturation. Ils ont regardé comment améliorer certaines analyses, la fermentation et la gestion du vignoble, optimiser le traitement des eaux résiduelles, etc.

D’un point de vue concret, le groupe a identifié une levure (Saccharomyces cerevisiae) produisant davantage de polysaccharides et de mannoprotéines, qui est commercialisée par Agrovin. Il a en outre déniché une bactérie lactique (Œnococcus œni) efficace quelles que soient les conditions du milieu (comme un degré alcoolique élevé) et menant à bien la malo en quatre ou cinq jours à peine. Parallèlement à cela, Torres a mené divers essais au vignoble. La maison a notamment étudié l’impact du mode de conduite sur la maturation. Avec des enseignements intéressants.

Ainsi, le gobelet est le mode de taille convenant le mieux au réchauffement climatique. Il repousse la date de maturité de cinq jours par rapport à un témoin conduit en cordon avec un bras de 60 cm. « Mais la mécanisation des vignes en gobelet reste très compliquée, rappelle Mireia Torres Maczassek. Il faudrait donc trouver quelque chose d’intermédiaire, entre le gobelet et le cordon de Royat. » Ce pourrait être le cordon à 90 cm, car il retarde également la maturation.

Vers des vignes plus larges et en altitude

Par ailleurs, les plus grands espacements interrang permettent de gagner plusieurs jours de cycle. À 3 m de large contre 2,2 m pour le témoin, on bénéficie de trois jours supplémentaires. À l’inverse, une plus forte densité (interrang de 1,1 m) avance la maturation. En outre, une haie foliaire plus basse, à 0,8 m contre 1,2 m, favorise une maturation plus tardive de quatre jours. Enfin, l’impact du porte-greffe n’est pas négligeable. Le 41 B avance la date de maturation par rapport au R 110, quand le 140 Ruggeri la retarde.

Autre avancée : les paillis à base de paille dans l’interrang sont intéressants pour la conservation de l’humidité. « Mais ils provoquent un compactage des sols et empêchent de réaliser la fertilisation », regrette Mireia Torres Maczassek. Elle fonde davantage d’espoirs dans la relocalisation de certains vignobles en altitude. Le groupe a ainsi acquis deux propriétés, l’une à 950 mètres de haut, et l’autre à 1 100 mètres, pour observer le comportement de la liane dans de telles situations. « Les vignes à 950 mètres donnent de bons résultats, se réjouit Mireia Torres Maczassek. Je suis sûre que les vignobles d’altitude ont de beaux jours devant eux, notamment pour la production de vin mousseux. » En revanche, le vignoble à 1 100 mètres n’est pas satisfaisant, les conditions étant encore trop froides. Au-delà de ces découvertes, Torres continue à mener d’autres expérimentations. La firme essaie par exemple de trouver des porte-greffes résistants à la sécheresse ou encore d’isoler une levure capable de diminuer le degré alcoolique de plus de 0,5 %.

Capter et transformer le CO2 fermentaire

Limiter l’empreinte carbone est le second axe de travail de l’entreprise, qui ambitionne de réduire ses émissions de 30 % d’ici 2020 (par rapport à 2008) sous l’impulsion du président, Miguel A. Torres. Et sur le sujet, la firme ne manque pas d’idées. Tout d’abord, elle planche sur la captation, le stockage et la réutilisation du CO2 fermentaire. Diverses voies de CCR (Carbon Capture and Reuse-captation et réutilisation du carbone) sont explorées, en collaboration avec des instituts de recherche et des entreprises. Citons la création de carbone végétal (biochar), la fertilisation par CO2, la réalisation de bicarbonate de soude par ajout de lessive de soude, ou encore la production de micro-algues.

« Mais il faut regarder les techniques dans leur globalité, nuance Christoph Kammüller, directeur de la communication internationale de Torres. Car si les micro-algues permettent de diminuer les émissions de gaz, elles sont alimentées par une pompe qui nécessite de l’électricité. Ce n’est donc pas forcément la panacée. » La production de méthane par électrolyse du CO2 et action de bactéries anaérobies est également au programme, notamment pour alimenter des engins. Torres teste ainsi un prototype de tracteur New Holland, propulsé par ce gaz. Selon les premiers résultats, la technologie diminuerait les émissions de CO2 de 80 % ! D’autres actions ont déjà franchi le seuil de la R & D. Torres s’est ainsi équipé de chaudières à biomasse, permettant de valoriser souches et sarments, ainsi que des déchets forestiers. Une mesure qui a permis de diminuer la consommation de gaz de 95 %. De même, la bodega produit 25 % de ses dépenses en électricité grâce à 18 000 m2 de panneaux photovoltaïques et à une chaudière à biomasse. La cave a été refaite. Elle est à présent équipée de climatisation solaire et dotée d’une meilleure isolation, tout comme les cuves extérieures. Et un système de géothermie a été pré-installé. 40 % de l’eau souillée est récupérée puis traitée biologiquement, pour des utilisations postérieures en jardinerie ou pour le nettoyage de la cave. Au niveau du packaging, en moyenne, la bodega a diminué le poids de ses bouteilles de 13 %. Et elle a recours à des voitures électriques ou hybrides ainsi qu'à un train de tourisme électrique. Mais Torres ne compte pas s’arrêter en si bon chemin ; de nombreuses innovations sont encore à attendre… 

Récupérer les variétés ancestrales

Un autre axe important du service R & D concerne la récupération de variétés ancestrales. Lancé en 1983, ce programme vise à identifier des variétés préphylloxériques d’intérêt. Pour ce faire, Torres publie régulièrement des annonces dans la presse locale afin que chaque propriétaire, ne serait-ce que de quelques ceps, contacte la bodega. Souvent, il n’y a qu’un seul pied inconnu. Que Torres s’empresse de faire identifier par les ampélographes de l’Inra de Montpellier (ou par test ADN si besoin). Et ensuite, d’assainir lorsque le pied est virosé, puis de multiplier. Les variétés les plus intéressantes sont ensuite plantées et microvinifiées dans un chai dédié. 

À ce jour, 46 variétés ancestrales ont été récupérées, dont six recèlent une bonne résistance à la sécheresse et aux fortes températures, ainsi que d’indéniables qualités œnologiques. Il s’agit de garro, querol, moneu, gonfaus, forcada et pirene. Torres a obtenu leur approbation par le ministère de l’Agriculture. Ne reste plus qu’à les faire entrer dans le cahier des charges des appellations.

Repères

Torres

Entreprise familiale créée en 1870

Nombre de salariés 1 300 personnes, dont 300 commerciaux en Chine

Nombre d’hectares en propre 2 000 ha en Espagne, 400 ha au Chili et 32 ha en Californie

Nombre de salariés du service R & D  12

Chiffre d’affaires 266 millions d’euros

Visionnez le diaporama de notre visite sur vigne.reussir.fr

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