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Relever le défi d’une installation hors AOC connue

Jeune viticulteur installé en périphérie toulousaine, Bertrand Henry a fait le pari de produire des vins hors de toute appellation reconnue. Malgré les difficultés, il table sur la fibre locale pour séduire des consommateurs en quête du « petit vin du coin ».

Contrairement à certains villages de renom tels que Saint-Émilion ou Vosne-Romanée, les visiteurs ne s’attendent pas à trouver des vignes à Lavelanet-de-Comminges, au sortir de l’agglomération toulousaine. Pourtant, c’est bien ici que s’épanouissent les ceps plantés par Bertrand Henry, au domaine de Cadeillac. Le jeune viticulteur s’est installé sur les terres familiales en 2005, alors recouvertes de maïs. Mais peu à peu, ce dernier a laissé place à la vigne. « J’ai fait les choses petit à petit, en replantant d’abord 50 ares de cabernet sauvignon », se rappelle le vigneron. Rapidement suivis par 2 hectares de syrah, 2 de merlot et 1,5 de marselan. Il mène alors une vie de double actif et jongle entre les 15 hectares de maïs restants et les saisons de taille, en attendant que la vigne entre en production. Puis le regroupement avec les quelques vignerons alentours au sein de la cave coopérative de Peyssies lui apparaît comme une évidence. Mais les choses tournent court plus vite que prévu. En 2012, poussé par le départ ou par l’arrachage de la plupart des coopérateurs, il décide à son tour de quitter la cave. Dès lors, les choses se compliquent puisqu’il lui faut vinifier et commercialiser ses vins. Et il lui faut surtout faire preuve d’une totale indépendance pour prendre les décisions qui s’imposent, que ce soit à la vigne ou au chai. « Je n’étais pas dans une reprise d’exploitation, explique-t-il. Je n’avais donc personne pour me dire quoi faire mais je n’avais personne non plus pour me guider sur le bon chemin. » Hormis un vigneron voisin, ex-membre de la coopérative, auquel il a racheté quelque huit hectares. « Il m’a appris à tailler et m’a conseillé sur la gestion des maladies mais pour le reste, c’était beaucoup plus compliqué », commente Bertrand Henry. Faute de conseils, le viticulteur a dû tout apprendre seul et construire sa réflexion à partir de témoignages et de lectures diverses.

« Vigneron indépendant… de bout en bout ! »

Lorsqu’il a besoin d’un appui technique, Bertrand Henry doit se tourner vers les appellations les plus proches : gaillac et fronton. Et cette contrainte géographique vaut aussi pour le matériel. « Dès qu’il me faut quelque chose, je dois prévoir une demi-journée de déplacement à cause du temps de trajet. Donc quand un rotor de pompe casse en plein milieu des vinifications, cela devient vite compliqué », résume-t-il. Et ce d’autant plus que l’absence de vignerons à proximité interdit tout échange. « Impossible de travailler en Cuma, déplore-t-il. Cela oblige à une totale indépendance vis-à-vis des équipements, or j’aurais parfois préféré partager l’investissement. Comme dans le cas de la prétailleuse, qui ne me sert qu’une semaine par an. » Bertrand Henry se définit donc comme un « vigneron indépendant… de bout en bout ! » Mais en dépit des inconvénients, il a choisi de voir cet isolement comme une chance. « Au moins, je n’ai pas de concurrence directe. Si les gens veulent un vin de la région, c’est moi qu’ils viennent voir », déclare-t-il dans un sourire. Malgré cela, la valorisation de produits en IGP vin de pays du comté tolosan reste compliquée et c’est bien sur la commercialisation que le bât blesse. « Mes vins ne se vendront jamais tout seul étant donné que je n’ai aucune force d’appellation », souligne le vigneron. Conscient du problème, Bertrand Henry mise pleinement sur la carte locale, son « seul point positif », avec des cuvées telles que « le petit vin du coin ». Il vend d’ailleurs une grande partie de sa production en direct, que ce soit en bouteilles, en BIB, ou même en vrac. Il s’est aussi tourné vers les cavistes et les restaurateurs de la région toulousaine. Et à travers ce réseau de prescripteurs, il promeut la proximité mais aussi « l’authenticité, tant du terroir que des cépages ». Un message renforcé par l’utilisation de certaines variétés propres au Sud-Ouest, telles que le jurançon noir ou l’abouriou. « Je fais déjà des cuvées monocépages et j’aimerais approfondir le travail là-dessus. Mais ce n’est malheureusement pas un argument commercial car je suis dans une région où la culture du vin a disparu. Les consommateurs ne sont pas très sensibles à ce sujet », observe-t-il.

Capter à la fois les ruraux et les jeunes urbains

Pour relever le défi ardu de la commercialisation, Bertrand Henry ne manque pas d’énergie. Toujours dans une optique locale, il attire la clientèle au domaine grâce à diverses manifestations telles que des portes ouvertes ou la sortie du vin primeur. « C’était une première tentative cette année et il y a eu beaucoup plus de monde que prévu », constate-t-il enthousiaste. L’adhésion au réseau « Bienvenue à la ferme » attire également bon nombre de visiteurs. Le vigneron compte d’ailleurs renforcer le volet œnotouristique en intégrant la démarche des pique-niques vignerons, portée par la fédération des vignerons indépendants, dès 2017. D’ici là, un nouveau caveau de dégustation devrait également voir le jour pour mettre l’accent sur les vins en bouteilles. Car pour l’heure, le vrac constitue encore une part importante des ventes. « Les cuvées haut de gamme restent beaucoup plus difficiles à vendre que le vrac ou les cuvées d’entrée de gamme, moins valorisées. Or, dans des années comme 2016 où la météo entraîne des baisses de volume, cela pose un réel problème », précise Bertrand Henry. En attendant l’ouverture du caveau de dégustation, le vigneron travaille à grand renfort de newsletters et de posts sur les réseaux sociaux. « Hors de question de me contenter de flashs de pub et d’offres promotionnelles. Mon objectif est de fidéliser une clientèle à long terme. Récemment, j’ai adressé une newsletter à mes clients pour faire le bilan météo et expliquer le déroulement du millésime 2016. Je veux montrer aux gens comment sont faits mes vins », indique le vigneron. En résumé, il cherche à être moderne… avec modération ! Pour séduire à la fois la clientèle rurale de proximité et les jeunes urbains de l’agglomération toulousaine. Et pour plaire au plus grand nombre, il n’hésite pas à adapter son offre. La preuve avec les 50 ares de chenin plantés en 2016. Rendez-vous dans quelques années pour vérifier le succès de ce petit blanc du coin.

repères

Domaine de Cadeillac

IGP vin de pays du comté tolosan

SURFACE 14,5 hectares

SOLS galets (alluvions de Garonne)

DENSITÉ DE PLANTATION 4 400 à 5 000 pieds à l’hectare

RENDEMENT VISÉ 70 hl/ha

ENCÉPAGEMENT merlot, syrah, cabernet sauvignon, cabernet franc, marselan, jurançon noir, alicante, abouriou, gamay teinturier, chenin

CIRCUITS DE DISTRIBUTION vente directe (60 %) et CHR (40 %)

PRIX DES BOUTEILLES de 4,50 à 15 euros

VENTE en bouteilles, en BIB (3 € le litre) et en vrac (2 € le litre)

CHIFFRE D’AFFAIRES 2016 80 000 euros

avis d’expert

« Définir ses spécificités pour donner une identité au produit »

« Appellation ou non, chaque vigneron doit se poser la question de ses spécificités. Pour ceux qui ne peuvent s’appuyer sur aucune appellation ou classement, il est d’autant plus important de mettre en avant les particularités du terroir, l’histoire de la famille ou encore la philosophie du domaine. Ce sont les éléments qui vont permettre de donner une identité propre à chaque produit. Ensuite, de nombreux outils peuvent être employés. Lorsque l’on est isolé, il est clair que jouer la carte locale est une très bonne idée, car il n’y a aucune concurrence directe. En revanche, c’est au vigneron de faire des efforts pour attirer la clientèle. Cela passe par exemple par l’œnotourisme, et s’il y a des chambres d’hôtes, c’est idéal ! Il faut aussi travailler sur le web. Pour construire une communication structurée et efficace, il est indispensable d’avoir un site web responsive (NDLR : adaptable à tous types de supports), sur lequel on ajoute du contenu régulièrement, c’est-à-dire au moins une fois par mois. Les articles parus doivent ensuite être redirigés vers les réseaux sociaux pour donner envie aux gens de s’abonner à un format newsletter. À partir de là, les vignerons doivent soigner leur communication pour transformer ces clients potentiels en véritables acheteurs. Il ne faut pas oublier que le web est un outil génial qui permet à chacun d’être visible. En revanche, cela demande beaucoup de travail et de la persévérance. »

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