Quatre paramètres qui impactent la sucrosité dans les vins
D’où vient la sucrosité dans les vins secs ? Un panel de chercheurs a tenté de répondre à cette question lors des rendez-vous Techniloire le 28 janvier dernier. Voici ce qu’il faut en retenir.
D’où vient la sucrosité dans les vins secs ? Un panel de chercheurs a tenté de répondre à cette question lors des rendez-vous Techniloire le 28 janvier dernier. Voici ce qu’il faut en retenir.
1 La souche de levure
De récents travaux menés par l’équipe d’Axel Marchal, enseignant-chercheur à l’ISVV, ont permis de lever une partie du voile sur la contribution de l’autolyse des levures à la perception sucrée. « Nous avons créé une souche de levure mutante en supprimant le gène Hsp12, qui génère des peptides contribuant à la sucrosité du vin », expose Axel Marchal. Résultat, les vins produits à partir de la souche mutante ont été jugés moins sucrés que ceux produits à partir de la souche sauvage par un panel de dégustateurs entraînés. La souche de levure peut donc avoir un impact sur la perception sucrée. Pour autant, il est difficile de savoir si celle que l’on choisira permettra de maximiser cette saveur, la protéine Hsp12 n’étant pas un critère de sélection chez les fournisseurs de levures. « D’autres essais ont mis en évidence des différences significatives de pratiques favorisant l’autolyse des levures, comme les macérations post-fermentaires à chaud, sur la sucrosité des vins », ajoute par ailleurs l’enseignant-chercheur.
2 Le contact avec les parties solides
Toujours à l’ISVV, des expérimentations menées dans le cadre de la thèse de Blandine Crétin ont montré que les vins témoins présentaient davantage de sucrosité que les modalités épépinées. « Deux composés d’impact ont été identifiés dans les pépins, l’astilbine et l’epi-DPA-G. Leurs concentrations sont très variables d’un vin à l’autre », relate Axel Marchal. Des recherches parallèles ont mis en évidence la présence d’astilbine, parfois en teneur importante, dans la rafle. « Prudence toutefois, un pourcentage de rafles trop élevé ou une mauvaise maturité de la rafle peut favoriser l’amertume », avertit Axel Marchal. Les chercheurs ont par ailleurs étudié le rôle des remontages pendant les vinifications en rouge sur l’extraction de ces composés d’impact.
« Contrairement à ce que l’on pourrait penser, une extraction douce, à 2/3 du volume par jour jusqu’à 1 040 de densité, favorise la présence d’epi-DPA-G dans les vins », commente l’enseignant. Les chercheurs supposent qu’à force de lessiver le chapeau de marc, la molécule finirait par se refixer sur les parties solides, comme c’est par exemple le cas avec les anthocyanes. Une seconde hypothèse suggère qu’une extraction forte enrichirait le milieu en composés interagissant avec l’epi-DPA-G, réduisant sa teneur dans le milieu. Des hypothèses qui n’ont pas pu être vérifiées.
3 L’espèce de chêne lors de l’élevage
Dans le cadre de sa thèse, Delphine Winstel, en postdoctorat à l’ISVV, a prouvé que la sucrosité était indépendante de la présence de composés volatils comme la vanilline ou la whisky-lactone. « En revanche, elle est fonction des teneurs en triterpènes dans le bois, qui varient selon l’espèce de chêne. Le chêne sessile en possède davantage que le chêne pédonculé », rapporte-t-elle. Ces triterpènes appartiennent à la famille des QTT, une catégorie de molécules qui n’avait jusqu’ici jamais été mentionnée dans la littérature.
Les travaux de la chercheuse ont permis d’en identifier 23, ouvrant la voie à de nouvelles méthodes de sélection de bois pour le monde de la tonnellerie. « La composition triterpénique n’est pas modifiée par le type de chauffe. En revanche, la perception sucrée est accentuée avec la chauffe, tandis que celle de l’amertume est réduite, ce qui confirme les suppositions empiriques des tonneliers », complète Delphine Winstel. Une thèse débutée en 2021 à l’ISVV sur l’amertume des blancs secs et moelleux devrait apporter de nouveaux éclairages sur le lien entre composition moléculaire et perception sensorielle.
4 La présence d’arômes fruités
À l’ESA d’Angers, Ronan Symoneaux, chargé de recherche en évaluation sensorielle, explore le lien entre expression aromatique et perception sucrée. « Le sucre interagit avec d’autres composantes de la matrice, et très probablement avec les arômes. En analyse sensorielle, on observe clairement que les arômes fruités favorisent la perception sucrée », assure l’expert. Mais ces relations, particulièrement complexes, ne sont pour l’heure pas caractérisées au regard de la science.