Phytos : les gestes pour se protéger
Réduire l’exposition aux produits phytosanitaires des travailleurs agricoles passe entre autres par la sensibilisation et le port d’équipement. Voici les bons réflexes.
Si la France est un des plus gros consommateurs de produits phytosanitaires, c’est aussi le pays le plus avancé en termes de protection des travailleurs vis-à-vis de ces substances. « Nous avons aujourd’hui les moyens de protéger correctement l’opérateur face au risque engendré par ces produits », assure Agnès Lefranc, directrice de l’évaluation des produits réglementés à l’Anses. Il faut dire que de nombreux progrès ont été faits ces dernières années, notamment avec la création d’une nouvelle norme en 2017, qui définit ce qu’est la protection vestimentaire adaptée aux phytos. Malheureusement, force est de constater que tous les viticulteurs ne sont pas encore au point sur les recommandations. Dès lors, comment se protéger ? « Il faut commencer par l’amont, c’est-à-dire la prévention, indique Gérard Bernadac, médecin à la MSA, pour aller ensuite jusqu’aux équipements de protections individuels, ou EPI(1). » En cela, le Certiphyto est une base intéressante, même pour le personnel qui n’est pas amené à manipuler directement les produits.
L’employeur est responsable s’il n’a pas informé ses salariés
« Le risque diminue lorsque l’on est bien informé sur le sujet », acquiesce Julien Durand-Reville, responsable santé pour l’Union des industriels de la protection des plantes (UIPP). Gérard Bernadac rappelle par ailleurs que l’employeur peut être tenu responsable en cas d’accident s’il n’a pas donné d’informations sur les risques chimiques aux salariés. Pour évaluer ces derniers, les exploitants peuvent s’aider du logiciel Seirich, développé par l’INRS, qui a l’avantage d’indiquer en prime les produits CMR. « En règle générale, le délai de réentrée donne une bonne idée de la dangerosité d’un produit », avoue Agnès Lefranc. Cette dernière conseille également de suivre quelques règles de bon sens pour se protéger soi-même et ses employés, comme de raisonner l’utilisation des phytos et de bien lire les autorisations de mise en marché (AMM), qui sont des garde-fous. « Il faut aussi penser à la prévention primaire pour l’opérateur qui prépare la bouille, comme l’utilisation d’un circuit fermé qui évite d’être en contact », ajoute le médecin de la MSA. D’autres dispositifs existent, permettant de brancher directement le bidon au pulvérisateur. À défaut, mieux vaut privilégier l’emploi de formulations en microbilles, voire en granulé ou en liquide, par rapport aux poudres. Concernant l’usage des EPI, s’il est clair pour l’opérateur qui traite, il reste des points à améliorer vis-à-vis des ouvriers entrant à la suite dans les parcelles. Car à l’heure actuelle, ces derniers sont obligés de porter les mêmes équipements que l’opérateur lorsque court le DRE (Délai de rentrée), et n’ont pas d’obligation au-delà. Un point qui fait l’objet d’une réflexion entre la filière et l’Anses.
Faire attention à la phase de nettoyage du pulvérisateur
En attendant, il est conseillé dans les deux cas d’utiliser une combinaison, des gants et un masque (sans précision s’il doit être demi ou complet). Pour la combinaison, il est préconisé en agriculture d’opter pour un type 3 (étanche aux liquides) ou 4 (étanche au brouillard) lors de la préparation de la bouillie et du traitement s’il n’y a pas de cabine. « Et surtout pour le nettoyage, qui est la phase la plus contaminante, à cause des embruns du karcher », précise Gérard Bernadac. Depuis l’an dernier, la norme ISO 27065 détaille les préconisations spécifiques aux EPI destinés à l’utilisation de produits phytos. Les gants quant à eux doivent être en nitrile ou néoprène et à usage unique. « Nous travaillons également sur une norme internationale, afin d’avoir des gants spéciaux, étudiés pour les problématiques agricoles », annonce Julien Durand-Reville. Il s’agirait alors d’avoir plusieurs niveaux : des jetables pour les opérations ponctuelles (déboucher une buse), d’autres en nitrile pour la préparation de bouillie, et des gants partiels (paume des mains en nitrile et dessus en coton) pour les travailleurs. Quant aux masques, il est recommandé d’opter pour des cartouches pour la protection chimique type A2, ou A2P2 pour les formulations faisant de la poussière.
Pour ce qui est de la gestion des EPI, ceux qui sont lavables doivent être maniés séparément du linge de la famille, l’idéal étant d’avoir une machine dédiée. L’élimination des équipements se fait lors des collectes PPNU (Produits phytopharmaceutiques non utilisables) chez les distributeurs.
voir plus loin
Signaler en ligne un effet lié à un produit phyto
Depuis l’an dernier, l’Anses dispose d’une plateforme de phytopharmacovigilance permettant de déclarer un effet indésirable lié à l’utilisation d’un produit phytosanitaire. Cela peut concerner aussi bien un impact sur la santé humaine qu’un problème de phytotoxicité ou environnemental. Il s’agit d’ailleurs d’une obligation légale, même s’il est objectivement difficile pour les autorités de contrôler la bonne remontée des informations. « Tout ce qui est signalé est pris en compte par nos services ou nos partenaires », assure Agnès Lefranc, de l’Anses. La déclaration concerne les viticulteurs, comme les distributeurs et les conseillers agricoles.