Ondes, vigne et vin
Nombre de scientifiques s’accordent aujourd’hui à dire que tout n’est qu’ondes et vibrations. En œnologie, elles peuvent favoriser l’extraction ou stériliser le milieu. À la vigne, leur application booste les défenses immunitaires. Voici l’état actuel des connaissances.
Nombre de scientifiques s’accordent aujourd’hui à dire que tout n’est qu’ondes et vibrations. En œnologie, elles peuvent favoriser l’extraction ou stériliser le milieu. À la vigne, leur application booste les défenses immunitaires. Voici l’état actuel des connaissances.
L’univers est empli d’ondes et de vibrations, et la vigne elle-même en produit. C’est ce qu’ont récemment établi plusieurs équipes de chercheurs. L’Inra a notamment créé la surprise en identifiant des ultrasons émis par la plante, que ce soit un arbre ou la vigne, peu avant une embolie. Et ce, tant en laboratoire qu’en conditions réelles. « La transpiration du végétal tire l’eau du sol vers les feuilles et permet la circulation de la sève brute dans les tissus conducteurs, indique Guillaume Charrier, de l’Inra de Bordeaux. Lorsqu’il y a des épisodes de sécheresse, la tension devient trop forte, ce qui crée des bulles d’air. » Le son identifié par les scientifiques trouve là son origine : quand l’eau passe de la phase liquide à gazeuse, elle émet un bruit, décelable avec des micros acoustiques. Les cycles de gel/dégel conduisent à une tension similaire à la sécheresse, avec la même conséquence : la survenue d’une embolie gazeuse et l’émission d’ultrasons. Une avancée scientifique qui pourrait conduire à l’élaboration d’outils pour contrer l’embolie. « Mais il faudrait arriver à détecter le tout début de l’épisode, nuance Guillaume Charrier, car l’embolie est presque instantanée. Par ailleurs, en viticulture, il serait peu pertinent d’employer ce critère pour gérer l’irrigation, car l’embolie survient bien après que le rendement et la qualité soient impactés ». De même, ce symptôme n’est pas très intéressant dans le cas du gel. « La vigne a de gros vaisseaux, mais est capable de tous les réparer au printemps, grâce à la poussée racinaire », poursuit le chercheur. Il n’en reste pas moins que la vigne émet des ultrasons. Et pas seulement.
Comme les animaux, les végétaux produisent des courants électriques
Elle diffuse également, à l’instar de l’ensemble du monde végétal, des ondes électriques. C’est ce qu’ont mis en lumière plusieurs universités italiennes travaillant sur l’électrophysiologie des plantes. Ces courants, dus aux changements d’état des cellules, se propagent dans la plante et permettent à ses différentes parties de communiquer. La jeune start-up EchoGreeN, créée en février 2017, a décidé de surfer sur les avancées dans ce domaine pour développer des solutions concrètes en agriculture. « L’idée est de poser des électrodes sur le végétal pour récupérer le signal et l’interpréter, à l’instar d’un électrocardiogramme pour l’animal », explique Philippe Lehrmann, cofondateur et président de la société. Le développement commercial sur la vigne l’est un de ses premiers objectifs. « L’outil devrait permettre de réaliser du monitoring et des diagnostics de stress », poursuit le dirigeant. Les premières applications concerneraient notamment la détection précoce d’un ravageur et de la contrainte hydrique. Cela permettrait, par exemple, d’économiser des traitements et de piloter l’irrigation de manière plus fine et plus aisée. Les travaux préliminaires réalisés par la firme sont d’ailleurs encourageants, et ont permis de prouver que les ondes varient selon les situations vécues par la plante.
Convertir des pics d’électricité en diagrammes intelligibles
« Nous avons observé que le signal n’est pas le même si l’on pince la feuille, si on la coupe ou encore si on la brûle, relate Philippe Lehrmann. On imagine donc que pour une maladie ou un ravageur donné, les signaux sont également distincts. »
Si de nombreux points techniques sont encore à développer, un prototype du capteur a déjà vu le jour. Il se présente sous la forme d’un boîtier, de la taille d’un paquet d’allumettes, duquel partent deux électrodes insérées dans la plante, qui permettent d’acquérir le signal et d’éliminer le bruit de fond (réseau EDF, wi-fi…). Ces capteurs autonomes devront être répartis dans une parcelle afin de créer un maillage et d’échantillonner les signaux des différents ceps. « Nous avons également observé que les plantes se transmettent le message entre elles, ce qui ouvre des perspectives intéressantes en termes de précision des mesures », complète le fondateur.
Une présérie du produit est prévue pour 2018, et la campagne 2019 permettra l’acquisition de données et la création des outils d’interprétation. Ce qui laisse présager un lancement de la solution dans deux ou trois ans a minima. Issus de cursus agronomes, les dirigeants d’EchoGreeN gardent en tête la problématique économique, et s’efforcent à développer une technologie ayant un coût accessible. « À terme, nous pensons que le coût du service doit être similaire à un ou deux traitements, et que l’investissement soit amorti sur trois ans tout au plus », avance Philippe Lehrmann.
L’utilisation des ondes émises par la vigne semble avoir de beaux jours devant elle.
Des vibrations en guise de confusion sexuelle
De son côté, l’équipe italienne de Valerio Mazzoni, à la Fondazione Edmund Mach, planche sur la confusion sexuelle de Scaphoideus titanus par le biais de… vibrations ! Elle a en effet établi que mâles et femelles communiquent par ce biais avant l’accouplement : les premiers émettent des vibrations perçues par les secondes, qui leur répondent. La nature de ces vibrations (intensité, longueur d’onde, fréquence) renseigne le mâle sur la localisation de la femelle et sur sa disponibilité. En émettant des vibrations, il est donc possible de brouiller la communication entre les deux sexes et d’ainsi diminuer le nombre d’accouplements.
Une technique pour le moins novatrice, et pour laquelle les résultats en laboratoire et en cages au champ sont probants. Lors des tests, 90 % des insectes soumis à des vibrations ne se sont pas accouplés, tandis que sur le témoin, seules 20 % des cicadelles sont restées vierges. « La méthode devrait fonctionner au champ, mais il faut trouver la bonne technologie », considère Valerio Mazzoni.
Ce qu’il tente de faire. Son équipe a cette année franchi l’étape du terrain, et a commencé à emmagasiner des données. Pour ce faire, elle a disposé des petits secoueurs tous les cinquante mètres, dans une parcelle d’un hectare de cabernet franc. Ces mini-shakers, nommés Tremos et fournis par l’entreprise CDC-Europe, sont totalement silencieux. « Nous devons poursuivre nos essais sur plusieurs campagnes, indique le chercheur, car il n’y a qu’une seule génération de Scaphoideus titanus par an. Néanmoins, nous avons démarré les comptages et le niveau de population est moindre sur la zone d’essai que sur le témoin. »
Découvrir les conditions optimales d’accouplement de Scaphoideus
Les secoueurs doivent être actionnés durant toute la saison d’accouplement des insectes, à savoir de fin juin, à fin septembre environ. Une fois allumés, ils fonctionnent 24 heures/24. « Mais cela fait partie des pistes d’optimisation, note le chercheur. Nous ne connaissons pas l’impact de la pluie, de la chaleur, du froid, etc. sur l’accouplement de Scaphoideus. Mais une fois que nous les aurons identifiés, il sera possible d’optimiser le système et de ne l’activer que lorsque les conditions d’accouplement seront réunies. » Par ailleurs, il souligne qu’à l’instar des autres modes de confusion sexuelle, la vibration ne sera réellement efficace que si tout un îlot lui est consacré et non une ou deux parcelles.
L’équipe souhaite encore étudier l’impact de ces vibrations sur la vigne et les autres insectes. Et les décliner à la lutte contre la punaise diabolique. De même, la technologie doit être améliorée et disponible à petit coût. De ce fait, une arrivée dans les vignobles semble envisageable d’ici cinq à dix ans.
Une onde est une déformation, ébranlement ou vibration dont l’élongation est une fonction périodique des variables de temps et d’espace, indique Le Petit Robert.
Elle est caractérisée par sa façon de se propager, son amplitude, sa longueur d’onde et sa fréquence.
Il existe différentes catégories d’ondes, au nombre desquelles on compte les ondes oscillantes, les solitaires, les ondes de choc ou encore les ondes de probabilité.
Dans ce dossier, nous nous sommes plus particulièrement intéressés à deux autres familles : les ondes acoustiques et électromagnétiques. Parmi ces dernières, nous nous sommes focalisés sur les micro-ondes, les ultraviolets et les infrarouges.