Météo de Serge Zaka - Sécheresse hivernale : la pousse des céréales et prairies sévèrement ralentie dans le Sud
Depuis la fin de l’année 2021, la France est concernée par une succession d’anticyclones. Quelques incursions pluvieuses ont réussi à se faufiler sur le nord du pays. A part pour la journée du 14 février, le sud-est de la France jouit d’un ciel désespérément bleu si bien que certaines villes de l’Hérault n’ont pas reçu plus d’un millimètre de pluie depuis Noël !
Depuis la fin de l’année 2021, la France est concernée par une succession d’anticyclones. Quelques incursions pluvieuses ont réussi à se faufiler sur le nord du pays. A part pour la journée du 14 février, le sud-est de la France jouit d’un ciel désespérément bleu si bien que certaines villes de l’Hérault n’ont pas reçu plus d’un millimètre de pluie depuis Noël !
Quels sont les impacts de cette sécheresse hivernale sur le début de la saison culturale ? A quoi s’attendre pour la suite ?
Pas de pluie depuis Noël
En janvier, un anticyclone persistant concerne le Maghreb, la Péninsule Ibérique et la France (voir la carte de la pression moyenne ci-dessous). Il n’est tombé aucune goutte de pluie sur de nombreuses régions du sud-est de la France. Février, le ciel reste désespérément bleu. La situation semble continuer jusqu’à début mars. Les perturbations passent sur le nord de la France (et plus largement sur le nord de l’Europe). A part le 14 février, il n’a pas ou très peu plu depuis fin décembre sur l’ensemble du sud-est de la France.
Cette sécheresse hivernale est remarquable voire exceptionnelle par sa durée. D’après Météo-France, elle n’est cependant pas inédite, même si quelques records de longueurs sont battus. Depuis 1958, ce type de sécheresse hivernale s’est produite (par exemples) : 4 fois à Toulon (40 jours en max en 2005) jusqu’à 7 fois à Marseille (54 jours en 1982-1983). La date de retour est d’en moyenne une fois tous les 10 ou 20 ans. Seules janvier 1993, 1983 et 2000 sont plus sèches que janvier 2022. Cette sécheresse hivernale deviendra inédite s’il ne pleut pas d’ici le 20 mars.
Depuis le 1er janvier, les déficits sont importants :
- -99% à Sète : 0.8mm de pluie en 2022 (-80% depuis le 1er décembre 2021).
- -95% à Montpellier : 5.2mm de pluie en 2022 (-80% depuis le 1er décembre 2021).
- -76% à Avignon : 22.2mm de pluie en 2022.
- -75% à Montélimar – Ancone : 27.3 mm de pluie en 2022.
- -73% à Nimes – Courbessac : 30.1mm de pluie en 2022.
- -69% à Nice : 35.5mm de pluie en 2022.
- -69% à Perpignan-Rivesaltes : 36.1mm en 2022.
- -66% à Marseille : 27.2mm de pluie en 2022.
- -38% à Carcassonne-Salvaza : 76.3 mm en 2022.
La cartographie des précipitations depuis le 1er décembre est parlante pour identifier la zone en sécheresse de surface.
Menace sur la production de fourrageCette sécheresse hivernale a - pour le moment - très peu d’impact sur l’agriculture puisque nous ne sommes pas encore dans le cœur de la saison culturale. Elle occasionne actuellement un retard du calendrier cultural (fertilisations, fauches, éventuellement semis si la durée s’allonge etc.) dans les zones indiquées par la cartographie ITK ci-dessous. Le niveau de la réserve utile du sol est assez faible pour une fin d’hiver : autour de 70% de remplissage à Montpellier par exemple pour une norme autour de 85% à 100%. Ce retard peut se rattraper, sans dégâts sur l’agriculture, s’il pleut suffisamment la première quinzaine de mars (au minimum 20 millimètres répartis).
Cependant, si la pluie ne revient pas d’ici la mi-mars, nous passerons d’un décalage du calendrier cultural à des pertes potentielles notamment sur la production de fourrages. D’autant plus qu’avec le réveil de la végétation et la hausse des températures, l’évapotranspiration va augmenter. Les dernières réserves du sol vont diminuer plus rapidement au mois de mars.
Les précipitations sont également légèrement déficitaires sur le nord-ouest de la France. Mais ce déficit devrait, à priori dans l’immédiat, ne pas poser de problèmes pour la production agricole.
Si cette sécheresse continue de s’étendre en mars, elle aura de nombreux impacts :
- Fertilisation : le décalage des fertilisations de printemps est à prévoir. L’activité des micro-organismes est en effet fortement ralentie durant la sécheresse.
- Production animale : La repousse prairiale printanière, généralement la plus importante de l’année, et donc les stocks de fourrages pour l’été, sera fortement impactée. Cela pourrait engendrer des problématiques de réserve de fourrages durant la saison estivale.
- Production végétale : Les semis de printemps peuvent être fortement affectés en cas de sol sec. Si les semis de printemps ne sont pas décalés, les champs seront clairsemés voire re-semés. Si la sécheresse dure jusqu’à fin mars, le tallage du blé d’hiver sera à son tour affecté par le manque d’eau et de fertilisations.
- Production viticole et arboricole : Peu d’impact dans un premier temps, puisque les racines vont chercher l’eau en profondeur (sauf si la sécheresse perdure jusqu’à début avril).
- Ecobuage : de nombreux écobuages non maitrisés ont été constatés. Les indices FWI (inflammabilité de la foret) sont très élevés quand le Mistral ou la Tramontane soufflent. Ces valeurs extrêmes ont été rarement ou jamais atteintes en hiver (voir les figures ci-dessous).
Le niveau des nappes phréatiques en baisse
Le niveau des nappes phréatiques était plutôt bon au 1er janvier sur le dernier rapport du BRGM. Mais, la sécheresse ne s’était pas encore installée. Nous n’avons pas d’informations quant aux évolutions depuis ; les données n’étant malheureusement pas actualisées.
Etant donnée la situation hydrique en surface, on peut s’attendre à une baisse du niveau des nappes phréatiques. Cette baisse devrait fortement s’accélérée à partir de la mi-mars si la pluie ne refait pas son apparition.
Le mois de mars sera décisif
Dans les 8 prochains jours : il n’est pas prévu de pluies conséquentes sur les régions concernées. A partir du 3 mars, des situations plus favorables à la pluie se dessinent sur le sud-est mais la prévisibilité reste mauvaise et mal cernée.
Les scénarios majoritaires de prévisions saisonnières s’orientent vers le sec et doux. Mais il faut les considérer avec précaution. Ce n’est qu’une tendance. Pour l’été, rien n’est joué. Tout dépendra des précipitations printanières, la situation agroclimatique est encore rattrapable.
Carte des cumuls de pluie prévus jusqu’au 4 mars (modèle européen de l’ECMWF) :