Les piquets de vigne en acier Corten doivent encore faire leurs preuves
Déjà très utilisés en Italie, les piquets en acier Corten commencent à se développer dans les vignes françaises, en raison de leur esthétisme. Mais leur longévité reste à confirmer.
Déjà très utilisés en Italie, les piquets en acier Corten commencent à se développer dans les vignes françaises, en raison de leur esthétisme. Mais leur longévité reste à confirmer.
L’acier S300J2W, aussi appelé Corten, est un alliage spécial sur lequel l’oxydation naturelle au contact de l’air forme une patine qui lui permet de s’autoprotéger. Cette oxydation lui confère par ailleurs une couleur rouille caractéristique. « L’acier Corten présente une très forte résistance structurelle, est indéformable dans le temps, très esthétique et dix fois plus résistant à la corrosion que les aciers normaux », assure la société italienne Sika, fabricant de piquets en acier Corten. Depuis quelques années, des piquets de palissage en acier Corten commencent donc à être utilisés en France.
« Certains viticulteurs ne veulent pas de piquets galvanisés dans leurs vignes, pour des raisons esthétiques, explique Sébastien Lavaud, gérant de Lavaud Piquets. L’approvisionnement en piquets bois est compliqué. Le Corten se rapproche visuellement du bois, avec une résistance similaire aux piquets galvanisés. Depuis 2018, nous en fournissons dans le Médoc, à Saint-Émilion… » Dans les Pyrénées-Orientales, Hervé Sabardeil a fait le choix de piquets en acier Corten pour les trois hectares de vignes qu’il a plantées en 2021 à 1 250 mètres d’altitude. « Face à la neige et au froid, nous avons voulu un palissage qui résiste à la corrosion et soit solide, explique-t-il. Malgré leur coût plus élevé, nous avons choisi des piquets en acier Corten qui sont par ailleurs plus esthétiques que des piquets galvanisés. »
Un cas de détérioration rapide répertorié en vallée du Rhône
En Italie, piquets et fils de palissage en acier Corten sont largement employés et plébiscités. « Nous produisons des piquets de palissage en acier Corten depuis 1998, précise un responsable de la société italienne Sika. Il n’y a jamais eu de problème de durée de vie. » En France, du fait de leur développement récent, les viticulteurs n’ont pas de recul sur leur durée de vie. Jean-Marie Leclercq, consultant spécialiste du palissage des vignes, a toutefois constaté sur un vignoble du couloir rhodanien une détérioration très rapide. « En 2022, nous avons vu que des piquets en acier Corten installés en 2017 sur un sol limono-argileux de pH 7,79 étaient très détériorés dans leur partie enterrée, notamment à la limite sol-air », indique-t-il.
Des coupes transversales ont été réalisées sur trois piquets et six mesures par piquet ont été réalisées par le laboratoire de l’École nationale supérieure d’Arts et Métiers. « La perte moyenne d’épaisseur de Corten est de 111,4 microns par an, ce qui est colossal, souligne Jean-Marie Leclercq. Le sol est pourtant peu agressif, seulement un peu argileux, ce qui favorise l’humidité qui contribue à la corrosion. Il faut souligner que l’on parle d’un acier dont la résistance à la corrosion atmosphérique, c’est-à-dire pour la partie hors-sol, est améliorée. » Un principe de base est aussi que la stabilisation et l’étanchéité de la patine supposent d’alterner des temps d’humidité et de séchage.
Un acier fortement déconseillé à proximité de la mer
Des exemples d’altération rapide d’équipements en acier Corten (glissières d’autoroute, passerelle) ont déjà été rapportés, sans doute suite à l’action des sels de déverglaçage, à des ancrages non protégés et à des zones d’humidité permanente. Ce qui fait dire à Jérôme Courgey, consultant viticole en Champagne, que l’acier Corten « a de l’avenir, mais ce serait mieux s’il était zingué sur la partie qui est dans le sol, pour éviter qu’il ne s’abîme. »
Par ailleurs, selon la norme EN ISO 9223, les aciers autopatinables ne doivent pas être utilisés à moins de 2 km des côtes, sauf si les taux de chlorure dans l’air ne dépassent pas 300 mg/m²/jour, ce qui exclut les vignobles situés en bord de mer (Bandol, Banyuls…). « Notre garantie de trente ans pour nos piquets ne s’applique pas si les piquets ont été installés dans un terrain inadapté, par exemple un sol avec un pH inférieur à 5,6 ou à côté de la mer », précise en effet Maxime Cauliez. Si l’on choisit du Corten, Jean-Marie Leclercq préconise de demander un engagement écrit du fournisseur. « S’il faut changer des piquets, en plus de leur prix, le coût de remplacement est de 3 euros par piquet, ce qui représente environ 3 000 euros par hectare, calcule-t-il. Il faut donc un engagement du fournisseur sur la durée de vie des piquets qui doit être en adéquation avec la durée de vie prévue de la vigne. »
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Quel coût pour du Corten ?
À Lavaud Piquets, les piquets en acier Corten sont vendus environ 10 % plus cher que ceux issus de tôles prégalvanisées. « Le coût de piquets en acier Corten est équivalent à celui de l’acier galvanisé à chaud », estime Jean-Marie Leclercq. Comme pour l’ensemble des matériaux, le prix de l’acier Corten est plutôt en augmentation.
Une composition variable
Connu sous la marque Corten, brevet américain déposé en 1933 par US Steel, mais vendu aussi sous d’autres marques (Indaten, d’ArcelorMittal ; Diweten, de Dilling-GTS…), l’acier autopatinable est un acier dans lequel du cuivre, du phosphore, du nickel ou du chrome sont incorporés lors de la fabrication, en proportions variables. Ces alliages entraînent la formation d’une couche d’oxyde qui reste stable et adhère à la surface du métal. Une patine se développe en un à quatre ans lorsque l’acier est exposé à des cycles alternés de mouillage et séchage. Elle crée une barrière protectrice qui empêche l’oxygène, l’humidité et les polluants de pénétrer dans l’acier, permettant un taux de corrosion beaucoup plus faible que celui des aciers non alliés.