Les biopesticides en embuscade
Des firmes planchent sur l’effet fongicide des algues. Sil n’est pas encore établi en conditions réelles, il est néanmoins source d’espoir dans la lutte anti-midiou. À condition de bénéficier de financements publics.
Des firmes planchent sur l’effet fongicide des algues. Sil n’est pas encore établi en conditions réelles, il est néanmoins source d’espoir dans la lutte anti-midiou. À condition de bénéficier de financements publics.
Et si dans un futur plus ou moins lointain, les algues remplaçaient le cuivre dans la lutte contre le mildiou ? C’est la question que l’on peut se poser, à l’aune de la dernière découverte d’ImmunRise Technologies. La startup a en effet identifié une microalgue au large des côtes bretonnes, recelant une molécule organique létale au mildiou. Du moins, dans le cadre d’essais menés in planta, sur feuille détachée. À un gramme par litre, l’efficacité est de 100 % sur mildiou, de 50 % sur botrytis (elle ralentit son développement sans toutefois l’éradiquer) ; et à deux grammes par litre, de 80 à 90 % sur Diplodia, responsable du BDA. L’idée serait donc de l’employer contre le mildiou, avec un effet collatéral préventif contre le botrytis et les maladies de dépérissement de la vigne.
Perméabilisation de la membrane cellulaire
Le mode d’action de cette molécule est original, puisque au lieu de s’attaquer au complexe III de la mitochondrie, elle agit sur la membrane cellulaire. Elle la déstabilise, ce qui la rend perméable et conduit à la mort instantanée de la cellule. Elle est efficace tant sur spores que sur cellule, et pourrait donc, en théorie, être employée tant en préventif qu’en curatif. « Mais une fois que le champignon pénètre dans la plante, c’est plus compliqué », souligne Laurent de Crasto, le cofondateur d’ImmunRise Technologies. En effet, l’entreprise et l’Inra n’ont pas encore établi si le produit était systémique ou non, mais il serait bien étonnant qu’il le soit.
Par ailleurs, pour l’instant, la molécule a une faible rémanence, de l’ordre de 4 à 5 jours. L’amélioration de la tenue du produit dans le temps, la recherche de la formulation qui apporterait la meilleure efficacité, des tests au champ puis toxicologiques sont donc au programme. De même que l’ajout de nutriments ou d’autres extraits ayant des propriétés biostimulantes. Si toutes les étapes s’avéraient positives, et dans le cas d’une autorisation commerciale provisoire, la firme pourrait envisager une mise sur le marché d’ici trois ans, pour un coût avoisinant les 45 euros/hectare/traitement. Mais de tels résultats nécessitent de rester prudents, car « bien que le produit ait présenté de très bons résultats au laboratoire, il est impossible de présager de son efficacité au champ », note Marie-Cécile Dufour de l’Inra de Bordeaux. Sans compter que la poursuite des recherches est corrélée à l’octroi d’un financement par FranceAgriMer.
Un projet au point mort faute de financement
De son côté, il y a deux ans, le laboratoire Phenobio achevait un projet de recherche européen dénommé ProEcoWine, et établissait qu’une micro-algue, cultivée au Portugal, était létale sur mildiou. À l’époque, trois essais sur vigne avaient été menés. L’un avait fonctionné, mais les deux autres n’avaient pu fournir de résultat, faute de pression fongique suffisante. De nouveaux tests au champ étaient donc nécessaires pour établir l’efficacité de la micro-algue en conditions réelles. Mais en absence de financement, le projet est resté au point mort. « Les différents partenaires attendaient le bon appel à projet européen, résume Xavier Vitrac, directeur général du laboratoire. Mais je n’ai pas de nouvelles depuis plus de dix mois. Je pense que le projet ne va pas se poursuivre. » Ce qui pose la question des critères de priorité des financements, à l’heure où les produits phytosanitaires sont de plus en plus décriés par les consommateurs, et les vignerons de plus en plus démunis…