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Les automoteurs à l’assaut des fortes pentes

Travailler dans les fortes pentes reste un exercice délicat. Les constructeurs rivalisent de solutions les plus sécurisantes possibles.

Le prototype de machine à vendanger développée par l'Allemand Hoffmann dispose d'une tête de récolte déportée qui peut travailler le rang juste au-dessus du talus dans les vignes en terrasse.
Le prototype de machine à vendanger développée par l'Allemand Hoffmann dispose d'une tête de récolte déportée qui peut travailler le rang juste au-dessus du talus dans les vignes en terrasse.
© DR

Chaque année, les faits divers font état de tracteurs renversés dans les vignes. L’interdiction des traitements phytosanitaires par hélicoptère en 2012 n’a fait qu’empirer la situation. « Aujourd’hui, dans les vignes à très fortes pentes, les traitements sont réalisés à l’aide de chenillettes à conducteur marchant ou porté, explique Philippe Ravillon, dirigeant de la concession éponyme dans la Marne. Mais ces outils étroits et assez hauts sont sensibles au renversement. Et en pulvérisation, les opérateurs sont directement exposés. » Malgré tout, les chenilles constituent une solution plus adaptée aux pentes que les roues. Offrant une plus grande surface de contact au sol, elles permettent de mieux respecter le sol, procurent une meilleure tenue de cap et une plus grande stabilité sur terrains irréguliers. « Dans les parcelles à 50 % de pente en galets, il m’est impossible d’accéder avec mon tracteur à roues, un Carrarro à centre de gravité bas, du fait de la période particulièrement sèche, regrette Henri Schoepfer-Muller, vigneron en Alsace, alors que je pourrais encore y aller avec un tracteur à chenilles. » Seules limites aux chenilles, l’impossibilité de rouler sur la route et le ripage lors des demi-tours qui arrache les bandes enherbées. « Sur le 3 X 3 Track, nous avons résolu ce problème en ne faisant reposer la chenille à l’intérieur du virage que sur le galet arrière, dès lors que l’on braque à fond », explique Réné Grosjean de la société GRV. Les chenilles engendrent également un surcoût à l’achat. À titre d’exemple, compter un surplus de 11 000 euros pour un 3 X 3 Track par rapport à un modèle à roue équivalent.

D’autres prennent le risque d’intervenir avec des enjambeurs classiques quand les conditions sont bonnes. « Certains véhicules à roues peuvent évoluer dans des pentes importantes, avoue Réné Grosjean. Notre enjambeur Multitools a montré de bonnes aptitudes dans des pentes à 56 %. C’est un engin à centre de gravité bas qui passe partout à partir du moment où les vignes sont implantées à 1,60 mètre et plus et où les tournières atteignent 4,50 mètres de large pour faire les demi-tours. » L’Irstea travaille sur un modèle impliquant différents capteurs pour prévenir tout risque de renversement (voir p. 40). "Mais même avec des conditions favorables, il y a toujours cet effet de cabrage au démarrage en montée qui peut mettre en péril l’équilibre du tracteur, poursuit Réné Grosjean. Ce n’est pas le cas sur le 3 X 3 Track, un enjambeur trois rangs doté d’une roue centrale et de chenilles à l’arrière. »

Compromis entre stabilité et maniabilité

Entre enjambeur et interligne, les arguments se confrontent. « Avec une largeur hors-tout débutant à 72 centimètres, nos tracteurs interlignes à chenilles peuvent travailler dans des vignes à 1,10 mètre. En dessous, nous préconisons les enjambeurs avec cabine dans le rang qui se montrent plus stables face au risque de renversement latéral et affichent une emprise sur la végétation réduite à 60 centimètres », explique Jean-Paul Bès de Drago France. En revanche, les modèles interligne se montrent plus maniables en bout de rang et nécessitent des tournières moins importantes, un atout dans certaines parcelles champenoises de la taille d’un jardinet.

La cabine se démocratise

Pour répondre au manque lié à la disparition des hélicoptères des vignes, certains constructeurs se mettent à proposer des cabines ou redessinent leurs cabines. « Nous proposons depuis peu sur les interlignes une cabine de 75 centimètres de large pressurisée classée en catégorie 4, donc adaptée à la pulvérisation, explique Jean-Paul Bès. Ainsi, l’opérateur est isolé de l’extérieur lors des traitements. »

Il n’en reste pas moins que l’opérateur reste exposé au risque de renversement. « D’où l’idée de piloter à distance, voire de robotiser le tracteur poursuit le dirigeant de Drago France. Nous étudions des solutions de guidage par GPS pour automatiser la conduite. L’opérateur continuerait à surveiller le travail, mais depuis la bordure de vigne, à une distance sécuritaire aussi bien par rapport au risque de retournement que du brouillard phytosanitaire. »

Un prototype baptisé Minitrac avait déjà été présenté par Philippe Gauthier, un technicien marnais, au Viteff 2013. L’appareil sans cabine combine GPS et caméras embarquées, l’opérateur visualisant sur l’écran de la radiocommande le positionnement de son automoteur. « L’idée a été rachetée par Yanmar, explique Philippe Ravillon, qui poursuit son développement et entend industrialiser le produit. » De son côté, le CIVC travaille également sur un chenillard autonome.

Enfin, des chenillettes radiocommandées existent déjà et peuvent recevoir, outre une tondeuse, toutes sortes d’outils. Offrant un centre de gravité très bas, elles peuvent intervenir dans des pentes dépassant les 110 % : compter 50 000 euros pour un modèle de 1,30 mètre de large et 40 chevaux.

Et la récolte ?

Plusieurs enjambeurs à roues peuvent disposer de têtes de récolte. GRV devrait présenter au prochain Sitevi une tête de récolte adaptable sur le Multitools, mais aussi sur son enjambeur à chenilles 3 X Track. Si ces solutions trouvent leur intérêt dans les vignes orientées dans la pente, elles trouvent leurs limites dans un autre type de vignobles pentus, ceux en terrasses. Il est en effet difficile de mécaniser la récolte des rangs dont le talus vient lécher le pied des vignes. La solution pourrait bien arriver d’Allemagne, à 300 kilomètres de la frontière française. Markus Hoffmann travaille sur la mise au point d’un automoteur de récolte construit sur la base d’une chenillette Andreoli de 100 chevaux. Henri Schoepfer-Muller a eu le privilège de tester ce prototype l’automne dernier sur son exploitation alsacienne. « J’avais déjà réfléchi à un appareil de ce type sans pousser plus loin l’idée, explique le vigneron. Markus Hoffmann l’a fait et nous avons pu l’essayer. La tête de récolte se déplace latéralement ce qui permet de travailler tous les rangs. Elle se compose non pas de secoueurs mais de roues étoilées qui vibrent et font tomber les baies : cela fonctionne mieux que les secoueurs classiques, car cela ne fait pas de bouillie. L’engin est capable d’évoluer dans des pentes à 70 % et tourne sur place en bout de rang. La benne de 500 kg est positionnée au centre, assurant sa stabilité et se vide latéralement. » Hormis quelques bois cassés liés à de réglages à peaufiner, l’engin a donné entière satisfaction. Les 60 ares de la démonstration ont été récoltés en 3 heures, quand il en faut 4 habituellement en vendange manuelle à 18 personnes. Une présérie devrait parcourir les vignes allemandes avant une commercialisation en 2016, à un tarif autour de 160 000 -170 000 euros, un prix qui n’effraie pas Henri Schoepfer-Muller, d’autant plus que la tête de récolte se démonte pour utiliser la chenillette à d’autres usages.

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