Le transport de la vendange au service de la qualité
Les vignerons ont mis un point d’honneur à s’équiper de machines à vendanger et de matériels de chai dernier cri pour maintenir la qualité de la récolte de la parcelle à la cuve. Mais le transport de la vendange constitue également un maillon important.
Les vignerons ont mis un point d’honneur à s’équiper de machines à vendanger et de matériels de chai dernier cri pour maintenir la qualité de la récolte de la parcelle à la cuve. Mais le transport de la vendange constitue également un maillon important.
Machines à vendanger dernier cri, parfois avec une solution de tri embarqué, équipements de réception et de tri au chai... Les solutions pour bien traiter la récolte, à la vigne comme à la cave, ne manquent pas. Elles figurent souvent parmi les priorités d’investissement des viticulteurs, des Cuma et des ETA. Le transport de la vendange arrive en second lieu. Pourtant, avec les exploitations grandissantes et les distances croissantes entre les parcelles et le chai, le transport de la vendange peut, s’il est négligé, être un facteur de dégradation de la récolte, avec des effets néfastes comme l’oxydation ou l’apparition de goûts végétaux.
Le choix du mode de transport est bien sûr à prendre en considération en fonction du budget que l’on peut y consacrer et de la distance à parcourir. Même si la surface à récolter est importante, il n’est pas forcément utile d’investir dans du matériel très coûteux, si la distance entre les parcelles et le chai est faible et le temps de transport – donc le risque de dégradation de la récolte – est réduit.
Des petites et des grandes bennes
Ces dernières années, les constructeurs de bennes à vendange constatent une évolution concernant les volumes de benne. « Les bennes de 40 à 50 hl, autrefois très plébiscitées, tendent à disparaître au profit de deux types de contenance, explique Alban Drion de la société Gimbre. D’une part, les petits contenants, 20 à 30 hl, qui se remplissent en une fois, ce qui limite le temps d’exposition à l’air et donc l’oxydation. Mais qui nécessitent plus de tracteurs et de main-d’œuvre. Le second type, ce sont les grosses capacités de 80 à 120 hl, qui se développent pour les vignobles à rendement élevé. » En parallèle de cette tendance, la technicité évolue à la hausse : cela se répercute sur le prix. « Le vigneron qui a investi à la récolte et au chai pour faire de la qualité n’achètera plus une benne à 10 000 euros, mais plutôt à 25 000, explique Marc Lefébure, dirigeant de Sthik. Et l’inox devient de plus en plus prégnant. » Au point que certains constructeurs, comme Sthik, ne proposent plus de bennes en peinture alimentaire. Plus faciles d’entretien, les bennes en inox sont cependant plus chères de 15 à 20 % par rapport aux bennes à peinture en polyuréthane certifiée alimentarité.
Il existe plusieurs familles de bennes de transport de vendange : benne simple, à bec (pouvant être vibrant), à sortie directe, à pompe, etc. Quel que soit le type de benne, la plupart des constructeurs proposent en option des systèmes – grilles avec réservoirs tampons – pour séparer les jus des grappes. Allant de 8 à 15 % du volume total, le volume de ces réservoirs est à décider à l’achat, en fonction du type de vendange, du cépage et de sa propension à libérer du jus. De plus en plus plébiscitée, notamment en vins blancs et rosés, cette séparation présente plusieurs avantages. Les grappes laissées "au sec" se montrent plus stables pendant le transport. Cela évite aussi la prise de couleur des rosés quand le contact perdure entre le jus et la pellicule. En cépages blancs, cela prémunit de la macération et « limite les bourbes, notamment en sauvignon, explique Raphaël Fairé, du groupe Chalvignac (bennes Simonneau). La séparation des jus présente également un intérêt dans le débit de chantier. En poussant les jus directement dans la cuve sans passer par le pressoir, on peut réduire le temps d’égouttage et ainsi gagner du temps au pressoir, qui est souvent le facteur limitant dans la chaîne cinématique de la récolte jusqu’à la cuve. Potentiellement, on va mettre plus d’hectares dans un pressoir. » Certains vignobles vont jusqu’à mettre les jus des bennes dans une cuve distincte. Avec la séparation des jus, il faut cependant consacrer un peu plus de temps au lavage qu’avec une benne non équipée.
Un couvercle pour limiter l’oxydation
Autres équipements de plus en plus demandés : les bâches et les couvercles. Si les premières évitent les projections de boue dans la vendange, les seconds présentent l’avantage supplémentaire d’être la plupart du temps étanches. D’une part, il n’y a plus de jus et de raisin qui tombe sur la route. D’autre part, cela limite l’oxydation de la récolte. Les vignobles haut de gamme vont jusqu’à injecter du gaz inerte, le plus souvent du dioxyde de carbone, dans la benne étanchéifiée pour freiner encore davantage l’oxydation. Cela complexifie sensiblement la logistique puisqu’il faut surveiller et changer au besoin les bonbonnes de gaz. Prévoir également à l’achat de la benne un emplacement pour le stockage des bonbonnes. L’alternative consiste à mettre, après s’être équipé des protections nécessaires, de la carboglace dans la remorque. Outre la libération de gaz carbonique, la carboglace refroidit la vendange. Sur le véhicule de transport, il est préférable et plus sécuritaire d’avoir un support pour stocker les caisses de carboglace. « Nous construisons même des bennes isolées, qui permettent de réduire les dépenses énergétiques en cave », poursuit Raphaël Fairé, qui constate que dans de plus en plus d’exploitations, une partie des opérations qui s’effectuaient en cave se font désormais à la parcelle.
Plus qu’un équipement de transport
Outre le transport, les remorques de vendange font bien souvent partie de la cinématique de traitement de la récolte au chai. Les bennes à pompes permettent de pousser la récolte jusque dans le pressoir directement. « Avec une pompe à ogive, on peut transférer la récolte jusqu’à 9 m de haut », explique Loïc Devès, de la société éponyme. « La pompe à ogive est très rustique et offre une forte poussée, poursuit Alban Drion. Il faut veiller cependant à ne pas monter trop en pression pour éviter certains effets indésirables sur la vendange. C’est pourquoi le dimensionnement de la pompe doit être adapté au chai. En augmentant la cylindrée, on propose une poussée plus douce. » Les pompes à ogive connaissent néanmoins un succès déclinant, ayant tendance à triturer la vendange.
Le constructeur Sthik se distingue en proposant depuis quelques années un nouveau type de pompe, dite trilobe, sur laquelle deux brevets ont été déposés. Plus coûteuse et plus lourde (+ 50 % par rapport à une pompe à ogive de débit équivalent), cette pompe procure un déchargement plus respectueux, plus régulier, générant moins d’à-coups et moins de triturations. La pompe trilobe compose aujourd’hui pour deux tiers des ventes des bennes à pompe du constructeur.
Plusieurs constructeurs proposent par ailleurs une pompe à rotor hélicoïdal, dit en queue-de-cochon, moins bruyante et plus respectueuse que la pompe à ogive.
Des vis de gros diamètre sur les bennes à sortie directe
Dotées d’une vidange par une vis sans fin, les bennes à sortie directe connaissent un certain regain ces dernières années, avec l’arrivée de vis de plus grande dimension. « Aujourd’hui, les vis de diamètre 400 mm et à grand pas (200 mm chez Gimbre) ont remplacé les vis de 300 mm, voire moins, confie Alban Drion. Les sorties directes ont tendance à générer du jus, à poser des soucis de tri et à développer des goûts herbacés. Avec des vis plus grosses, un pas plus important et une sortie conique, on limite ces effets délétères. » Le régime de la vis est piloté par un variateur hydraulique ou électrique. Le premier procure plus d’autonomie, puisque animé par le tracteur, mais se révèle plus bruyant – le moteur est allumé – que le variateur électrique à brancher à une prise de la cave. Attention cependant à bien débrancher avant de repartir à la parcelle.
Le bec vibrant prépare le tri
Outre les remorques à vis ou à pompe, le marché est largement composé de bennes classiques et de benne à bec. Ces dernières permettent de verser la récolte à une certaine hauteur (1 à près de 2,50 m selon les modèles), qui peut être accrue, comme pour toutes les autres remorques à vendange, par un châssis élévateur. La dimension du bec, plus ou moins rétréci, se décide généralement en fonction de la largeur des équipements de réception ou de tri dans lesquels elles vont benner. Ces bennes sont en effet bien adaptées au tri, le bennage pouvant être contrôlé par une commande à l’arrière ou une télécommande. En option, ces bennes sont vibrantes (via un excentrique animé électriquement ou hydrauliquement), afin de mieux étaler la récolte en sortie de bec pour le tri qui suit.
Proposant une vidange semblable aux bennes classiques, les caissons peuvent être chargés et déchargés par un camion doté d’un bras ampliroll et se destinent principalement aux vignobles à fort rendement et/ou parsemés. Simples, ces caissons peuvent cependant accéder à certaines technologies, comme l’inox ou le couvercle étanche, qui facilitera notamment le chargement du contenant plein.
Le train roulant n’est plus négligé
Composé du châssis porteur, de la flèche et des pneumatiques, le train roulant est un élément considéré de près aujourd’hui par les vignerons. Fini l’essieu soudé au châssis. La suspension d’essieu par lames de ressort de type demi-tandem est devenue un prérequis dans la grande majorité des achats. Outre le confort pour le chauffeur, la suspension absorbe les cahots des chemins et respecte la vendange récoltée à sa maturité optimale. Entre 8 et 10 tonnes de capacité, se pose la question de l’équipement de la remorque en simple ou double essieu. Si le véhicule est plus lourd et plus cher, l’équipement en double essieu présente l’avantage de rendre la remorque moins tirante. Avec le poids réparti sur quatre roues au lieu de deux, la benne est mieux suspendue et le sol de la parcelle moins tassé. Sur les doubles essieux en suspension mécanique, le choix se fait entre les tandems et les boggies. Les premiers disposent d’une suspension indépendante pour chaque demi-essieu. Les seconds partagent des lames de ressort pour chaque paire de demi-essieux, qui agissent comme un balancier, divisant par deux le ballant à chaque passage de trou. À l’avant du châssis, les lames de ressort sur la flèche se sont également démocratisées.
Certains constructeurs proposent aussi une suspension de flèche et/ou d’essieux. Le confort et le respect de la vendange n’en sont que meilleurs. Si le prix est sensiblement plus élevé, le confort est devenu un critère important, maintenant que les tracteurs spécialisés peuvent être dotés de pont avant suspendu et donc avancer à des vitesses élevées. Et qui dit vitesse élevée, dit oxydation réduite.
Côté pneumatique, les désuets pneus diagonaux laissent placent aux radiaux semi-basse pression ou basse pression. Apportant plus de confort, ils permettent de répartir la charge sur une plus grande surface et donc de réduire le tassement.
Une nouvelle réglementation européenne
Depuis quelques années, la réglementation française autorise l’homologation à 40 km/h des remorques agricoles. Dans les faits, très peu de bennes à vendange le sont, du fait du surcoût, avec des équipements de freinage à redimensionner. Une réglementation européenne en cours d’instauration pourrait peut-être accélérer la situation. Depuis le mois d’août, une première étape de cette réglementation impose la barre antiencastrement. Cette barre doit être homologuée par l’Utac. S’il est possible d’acheter des barres antiencastrement du marché, plusieurs constructeurs (Sthik, Simonneau) ont fait le choix de concevoir et d’homologuer les leurs, pour qu’elles soient adaptées aux contraintes de vidange spécifiques aux bennes à vendange.
La seconde phase, à l’horizon 2025, concerne d’autres équipements, dont le système de freinage qui devra être à double ligne, pneumatique ou hydraulique. La réception à 40 km/h pourrait peut-être alors se généraliser à ce terme.