La réserve utile, pour anticiper le stress hydrique
Connaître la réserve utile (RU) de ses parcelles permet d’évaluer leur sensibilité au stress hydrique. Mais elle est parfois difficile à évaluer, compte tenu de la variabilité de la profondeur des racines de la vigne et de la nature complexe des sols viticoles.
Connaître la réserve utile (RU) de ses parcelles permet d’évaluer leur sensibilité au stress hydrique. Mais elle est parfois difficile à évaluer, compte tenu de la variabilité de la profondeur des racines de la vigne et de la nature complexe des sols viticoles.
À la sortie de l’hiver, il existe une certaine quantité d’eau disponible dans le sol ; c’est la réserve utile. Plus précisément, souligne Thierry Dufourcq de l’IFV, « c’est la quantité maximum qu’un sol peut contenir et restituer à la plante ». La réserve utile est propre à chaque parcelle car elle dépend de la texture, de la densité du sol mais aussi de la profondeur d’enracinement. "Pour les sols viticoles, il est parfois difficile de savoir quel est ce volume exploré par les racines", poursuit l’expert. Ainsi, les sols superficiels avec une dalle calcaire ont une réserve faible mais un accès à l’eau des racines par capillarité. De leur côté, les graves filtrants disposent d’une réserve faible, mais souvent accompagnée d’un enracinement profond. Quant aux sols argileux, ils bénéficient plutôt d’une réserve importante, mais avec un développement racinaire faible. Au final, la réserve utile des sols viticoles s’avère très variable, de 50 à 250-300 mm.
Le triangle des textures (voir graphique) permet d’estimer sa réserve utile. Mais cela suppose de connaître les caractéristiques du sol, l’épaisseur des différents horizons, les textures, la profondeur d’enracinement et le taux de cailloux. Le calcul se fait horizon par horizon et la somme obtenue sur les différents horizons est réduite par le taux de cailloux. « Ce calcul, facile à mettre en œuvre en grandes cultures, est plus compliqué dans les vignobles car les parcelles sont très hétérogènes et surtout, la profondeur d’enracinement est difficile à estimer », nuance Thierry Dufourcq. Or les racines très profondes jouent un rôle fondamental dans l’alimentation en eau de la vigne. Pour pallier ces difficultés, Jean-Christophe Payan, de l’IFV, préconise de prélever de la terre sur les différents horizons distingués et de procéder à une mesure en laboratoire. "Un calcul qui nécessite souvent l’intervention d’un technicien viticole", prévient-il.
Connaître la réserve utile d’un sol viticole va permettre de le classer dans une zone de sensibilité au stress hydrique. « On parle de forte sensibilité pour une réserve utile de moins de 100 mm, de sensibilité de 100 à 200 mm et de faible sensibilité au-delà de 200 mm, décrypte Jean-Christophe Payan. Cette donnée doit ensuite être confrontée à des données climatiques et à des observations de terrain, qui vont permettre de savoir si la vigne est en situation ou non de stress hydrique. » Mais cela ne signifie pas nécessairement qu’il faut apporter de l’eau, la vigne supportant bien la contrainte hydrique jusqu’à un certain seuil, variable selon le type de vin recherché. "Les vins rouges acceptent bien la contrainte surtout après la véraison", indique ainsi Thierry Dufourcq.
Ce niveau de contrainte peut aussi être mesuré directement sur la plante grâce au potentiel hydrique foliaire de base. « L’ajustement des besoins en eau de la vigne (environ 1,5 mm/jour en pleine végétation, soit sur une période de trois mois environ 180 mm) n’est donc pas aussi impératif qu’en grandes cultures, observe Olivier Jacquet de la chambre d’agriculture du Vaucluse, mais la connaissance de la réserve utile, corrélée à d’autres critères et observations, peut permettre d’adapter les modes de conduite et le cas échéant d’envisager l’irrigation si cela est possible. »
TEMOIGNAGE
Gilles Sipeyre, vigneron dans le Gard
« Des sondes pour évaluer l’évolution de la réserve en eau »
« La réserve utile des sols viticoles est un critère important. Mais plus que son niveau de départ à la sortie de l’hiver, il m’importe de suivre son évolution et l’arrivée possible de stress hydriques préjudiciables pour mes vignes. Plus de 70 % de mon vignoble est tributaire de l’eau pour arriver à un certain niveau de production et surtout de maturité.
Afin d’évaluer cette évolution, j’ai mis en place sur la parcelle la plus sèche du vignoble, avec la compagnie du Bas Rhône Languedoc et l’appui technique de la chambre d’agriculture du Gard, six sondes tensiométriques, trois à 30 cm et trois à 70 cm. Je mesure ainsi toutes les semaines la tension en eau du sol. Au-delà de 80 centibars (moyenne établie sur les deux profondeurs), je déclenche l’irrigation (sur la base d’un apport journaliser de 2 mm par jour) car la vigne va être en souffrance. Je bénéficie, en complément, d’informations fournies par la chambre d’agriculture qui a installé sur plusieurs sites des sondes capacitives afin de mesurer la teneur en eau du sol sur plusieurs profondeurs.
Toutes ces données ainsi que l’observation des apex me permettent de juger de l’état de stress hydrique de mes vignes et d’ajuster ainsi, si besoin, les apports d’eau. »
Trois autres méthodes pour évaluer le stress hydrique
Au-delà et en complément de la connaissance de la réserve en eau du sol, plusieurs indicateurs permettent d’évaluer le niveau de stress hydrique de la vigne : le potentiel hydrique foliaire de base et la méthode des apex qui donnent une indication à la parcelle, et le bilan hydrique qui fournit une tendance pour des parcelles ayant une même réserve et la même pluviométrie dans une petite région.
Le potentiel hydrique foliaire de base mesure l’état hydrique de la vigne. Réalisé à l’aide d’une chambre à pression, il détermine un niveau de stress (en bar ou en mégapascal) qui est ensuite confronté à des seuils de référence qui permettent de situer la vigne dans une contrainte hydrique inexistante, faible, modérée, sévère.
Le bilan hydrique caractérise l’état hydrique du sol à tout moment, en considérant que la réserve du sol se remplit avec les pluies et se vide sous l’effet de la transpiration de la végétation et de l’évaporation. L’Inra et l’IFV ont développé des approches de modélisation du bilan hydrique du sol.
La méthode dite des apex, développée par la chambre d’agriculture de l’Hérault, permet en 5 minutes de juger de l’intérêt de l’irrigation. Le principe de base est que le ralentissement ou l’arrêt de croissance est la réponse du végétal à une contrainte hydrique. 4 à 5 mesures sont nécessaires pour interpréter la dynamique de croissance : la première 10 jours après la floraison, puis tous les 10 jours environ.