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Jouer la carte des thiols pour valoriser ses muscats

En Roussillon, la cave de Terrats développe un nouveau produit pour atténuer le poids du muscat-de-rivesaltes dans sa commercialisation. Une décision qui nécessite d’adapter les itinéraires techniques, à la vigne comme au chai.

Face à la crise dans laquelle est plongé le muscat-de-rivesaltes, les entreprises des vignobles du Roussillon cherchent des voies de sorties. Certaines valorisent des millésimes sur les marchés haut de gamme, d’autres vantent la réalisation de cocktails à base de muscat. Les vignobles de Terrassous ont retenu un choix radical; celui de créer un nouveau produit qui abandonne les caractéristiques habituelles du muscat. « C’est une idée qui a déjà été mise à l’œuvre dans le Gers, il y a une trentaine d’années, lorsque les stocks de colombard et d’ugni blanc se comptaient en dizaines de milliers d’hectos », confie Hervé Lasserre, directeur de la cave de Terrassous. L’idée est donc de créer un nouveau produit à base des cépages habituellement dédiés au muscat-de-rivesaltes. « Nous avons déjà beaucoup repensé les profils organoleptiques des muscats ces dernières années mais là nous allons plus loin en produisant des muscats thiolés », ajoute-t-il. Pour cela, il faut parvenir à inhiber le plus possible les terpènes, ces composants qui sont la signature organoleptique du muscat, au profit des thiols qui amènent des arômes plus fruités, plus frais, plus sauvignon en somme. Cet effacement s’obtient à la fois par un travail à la vigne et au chai.

Des vendanges précoces et mécanisées pour atteindre un degré cible

" À la vigne, les viticulteurs appliquent un protocole précis qui prévoit des apports d’azote et de soufre à certains stades, notamment à la véraison », précise Hervé Lasserre. Ces apports renforcent les précurseurs de thiols dans les baies. La deuxième partie se joue à la vendange. Les rendements sont plus importants, jusqu’à 70 hl/ha, « si l’état sanitaire est irréprochable ». Par contre, le degré cible est fixé à 12 % vol, avec des vendanges relativement précoces et mécanisées. Au chai, « le travail du froid a été renforcé sur les moûts et des levures particulières ont été choisies. Nous avons travaillé avec une winemaker qui a déjà produit des sauvignons en Nouvelle-Zélande et en Afrique du Sud », dévoile le directeur de la cave.

Du côté du marketing, la cave travaille avec une agence pour trouver un nom au produit. La marque en création se gardera bien de faire référence au muscat qu’elle contient pourtant, histoire d’éviter d’embarquer l’image d’un produit vieillissant. « Quand on achète du Colombelle ou du Tariquet, on se moque de savoir quel cépage on y trouve ! », ajoute Hervé Lasserre. 15 000 à 20 000 cols sont attendus pour les premières années de commercialisation mais à terme, la cave espère en produire 80 000 à 100 000 bouteilles, soit 40 % des volumes de muscat qu’elle produit actuellement.

voir plus loin

Bien choisir sa souche de levure

En 2005, Isabelle Cutzach-Billard, docteur et consultante chez ICB œnologie a travaillé sur la révélation des thiols volatils dans les muscats secs élaborés à partir de muscat petit grain et d’alexandrie. Ces essais, menés à la cave de Baixas, dans les Pyrénées-Orientales, ont mis en évidence des influences à plusieurs niveaux. Trois souches de levures commerciales ont été testées. L’œnologue a effectué un dosage des thiols volatils (4MMP, 3MH et A3MH) en fin de FA ainsi que de certains esters fermentaires et du phényl-2 éthanol, molécule responsable de l’arôme de rose si typique des muscats. Les analyses révèlent que les concentrations des thiols volatils peuvent varier du simple au double d’un moût à l’autre selon la souche de levure utilisée. Le cépage lui-même influence la synthèse de ces composés. « Le muscat petit grain semble présenter un potentiel aromatique thiol plus important », révèlent les travaux d’Isabelle Cutzach-Billard. Enfin, le process a une influence non négligeable. « Idéalement le TAP à la récolte ne doit pas dépasser 12,5 % vol, indique-t-elle. En cave, un débourbage à 200 NTU et des températures de fermentation entre 18 et 20 °C favorisent la synthèse des thiols. » Dans ses conclusions, l’œnologue mettait à l’époque en avant l’intérêt de mener des essais plus approfondis pour déterminer les précurseurs inodores des thiols étudiés. Mais ces essais n’ont jamais été conduits.

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