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Réchauffement climatique: les viticulteurs vont devoir s'adapter

Les vignerons seraient plutôt des climatosceptiques. Pourtant, ils n’auront d’autres choix que de s’adapter au changement climatique. C’est ce qui est ressorti du séminaire consacré au projet de recherche Laccave qui étudie les effets de ce changement sur la vigne et le vin et les adaptations possibles et qui s’est tenu à Montpellier le 20 mars 2014.

Travailler sur l'atténuation des effets du changement climatique ne sera pas suffisant. Il faudra s'adapter
Travailler sur l'atténuation des effets du changement climatique ne sera pas suffisant. Il faudra s'adapter
© Cronenberger

Le changement climatique n’est pas la préoccupation principale des vignerons, selon de premières enquêtes menées dans les vignobles du Val de Loire et d’Alsace. « Si ceux-ci sont des observateurs précis des changements climatiques annuels, ils sont souvent des climatosceptiques », indique Geneviève Teil, sociologue à l’Inra et qui s’exprimait lors de ce séminaire qui dressait un état des lieux à mi-parcours du projet Laccave qui mise sur une approche pluridisciplinaire pour proposer aux acteurs de la filière des stratégies d’adaptation. « Pour les vignerons, le changement climatique n’est pas un phénomène nouveau. Il y a des cycles ainsi avec lesquels il faut composer », poursuit Geneviève Teil.

D’autres enquêtes locales menées également en Val de Loire, confirment cet état d’esprit. « Au moment de la plantation, aucun vigneron ne prend en compte le facteur climatique. Il leur est difficile de se projeter dans l’avenir et ils n’imaginent pas que les choses pourraient évoluer », souligne Gérard Barbeau de l’Inra d’Angers. D’autant plus que ce changement climatique, qu’ils constatent pourtant, ne serait-ce que par l’avancée des dates des vendange, serait plutôt une opportunité pour ces vignerons issus de vignobles septentrionaux. « Si on leur demande ce qu’est un bon millésime, ils répondent : une année sèche avec des températures élevées », ajoute Gérard Barbeau. Le changement climatique serait donc plutôt jugé positivement, surtout pour les vins rouges et les liquoreux. A condition toutefois qu’il reste dans les limites connues aujourd’hui. Mais rien n’est moins sûr. « A l’horizon 2050, soit un futur proche, la floraison, la véraison et la récolte pourraient encore avancer de 10 jours. Et à l’horizon 2100, ce sera 25 jours dont 14 au Sud et 30 au Nord », annonce Inaki de Cortazar, de l’Inra d’Avignon. Si l’on en croit les prévisions du Giec (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat), avec une augmentation des températures comprises entre +2 et +5°, selon les scénarios plus ou moins optimistes, d’ici la fin du siècle, les conditions climatiques risquent de devenir très défavorables pour de nombreux vignobles. Des prévisions à prendre au sérieux car les premières simulations sur l’évolution du climat, comme le rappelle Benjamin Bois, de l’Université de Bourgogne, datent de 1990. « Fort de ce recul, et pourtant réalisées avec les dinosaures d’ordinateurs de l’époque, on ne peut que constater qu’elles étaient fiables ».

Vers de nouveaux profils aromatiques ?

Tout cela pourrait bien avoir un impact sur la qualité des vins. « La précocité accrue liée à l’augmentation des températures pourrait entraîner une évolution des caractéristiques organoleptiques du vin avec le risque d’une perte d’identité, d’une moindre expression du terroir », indique Kees Van Leuwen, professeur à Bordeaux Sciences Agro. Et Jean-Marc Thouzard, co-animateur du projet Laccave de s’interroger : « Le consommateur acceptera-t-il de nouveaux profils aromatiques? » Cette hausse des températures, augmentant la richesse en alcool des vins, pourrait aussi entraîner des difficultés de fermentation et une baisse de l’acidité, avec un risque accru d’instabilité microbienne. Le changement climatique, c’est aussi une multiplication des périodes de sécheresse avec son cortège d’effets négatifs : perte aromatique pour les cépages blancs, moindre aptitude au vieillissement des vins liée à une diminution de la quantité de glutathion, voire une augmentation du risque de vieillissement prématuré. Sans oublier le développement de pathogènes. « Il est certain que nous allons assister au développement de nouvelles maladies et à l’apparition de nouveaux ravageurs », souligne Hernan Ojeda, de l’Inra de Pech-Rouge.

Faudra-t-il délocaliser le vignoble ?

Le constat peut paraître accablant mais il existe des pistes d’adaptation.
La première et sans doute la plus radicale est l’évasion soit la recherche de facteurs naturels moins contraignants. « Cette solution fait pouffer de rire les vignerons qui n’y croient pas du tout », indique Geneviève Teil. Pourtant, certains ont déjà opté pour cette solution. Moët et Chandon, en Argentine a choisi l’altitude à la place de la latitude. « La syrah a été plantée à 800 m en lieu et place du cabernet sauvignon installé à 980 m, le malbec a été remonté à 1067 m et le chardonnay et les pinots à 1200 m et plus », souligne Hernan Ojeda. Alternative moins extrême : la réorientation des rangs de vigne pour limiter l’impact du soleil sur le plan de palissage. On peut aussi jouer sur le matériel végétal en implantant des cépages adaptés, capables de produire moins d’alcool tout en conservant une bonne acidité. « En ce qui concerne les facteurs culturaux, l’irrigation de précision pourrait être utilisée et de nouveaux systèmes de conduite comme la taille minimale, l’ombrage des grappes adoptés », ajoute Hernan Ojeda.

A la cave, pour diminuer les teneurs en sucre, les techniques de désalcoolisation pourraient être mises en œuvre avant fermentation ou sur vins finis. L’acidification des moûts pourrait être également pratiquée. « Mais les options d’adaptation dépendront du niveau du changement climatique. Plus celui-ci sera élevé, moins il y aura d’options », prévient Hernan Ojeda. La mise en œuvre de ces différentes options ne devraient pas manquer d’interroger le système des AOC. « Celui-ci sera-t-il prêt à autoriser ces changements techniques voire même  à délocaliser le vignoble ? », se demande Jean-Marc Thouzard. Une réponse positive à cette question est sans doute moins certaine que la probabilité d’un réchauffement climatique…

 

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