Gagner du temps et de l’argent lors du relevage de la vigne
Certains vignerons ont, avec succès, réduit leurs interventions sur le relevage. Des économies qui peuvent représenter 335 euros par hectare et par an.
Certains vignerons ont, avec succès, réduit leurs interventions sur le relevage. Des économies qui peuvent représenter 335 euros par hectare et par an.
Que se passerait-il si nous limitions, ou même arrêtions purement et simplement de relever la vigne ? Certains viticulteurs l’ont tenté. Et ils ont partagé leur retour d’expérience l’été dernier lors d’une journée technique dans les Charentes. Parmi eux, Karine Robertière, viticultrice sur 40 hectares à Burie, en Charente-Maritime. Après avoir été opérée des deux épaules, elle s’est retrouvée en difficulté pour réaliser cette tâche. Et comme la main-d’œuvre pour une telle opération ne se bousculait pas au portillon, la viticultrice a trouvé une parade.
Dans un premier temps, elle a réalisé un essai sur une parcelle de trois hectares où elle a attaché « à plat, comme autrefois », dans le but de ne réaliser qu’un seul relevage. Puis elle est arrivée, avec le temps, à un système d’arcure semi-haute où les fils releveurs sont devenus fixes. « La vigne se débrouille toute seule », se réjouit Karine Robertière, qui ne prend même pas la peine de « tricoter », c’est-à-dire d’installer manuellement les rameaux entre les deux fils releveurs.
Un fil intermédiaire supplémentaire sur les nouvelles plantations
En revanche, il ne faut pas rater le premier rognage, qui prend plus d’importance et ne doit pas intervenir trop tard. « Il y a un peu plus de casse au début de végétation, mais on s’aperçoit que naturellement la vigne se renforce d’elle-même, témoigne la viticultrice. Les pousses deviennent plus solides face au vent que lorsqu’elles sont palissées. »
Karine Robertière est très contente de ce système, et ne reviendrait pas en arrière. Certes, il est nécessaire de rogner plus large pour avoir du bois à la taille, et ainsi accepter que les vignes ne soient pas « au carré ». Mais le gain de temps est important, et permet à la viticultrice de réaliser d’autres travaux, comme la complantation.
Elle a constaté, toutefois, qu’il manquait un fil intermédiaire dans sa configuration, pour que les vrilles puissent s’accrocher. Aussi, sur ses nouvelles plantations, elle installe dorénavant sept fils au lieu de six. Il y a ainsi le fil d’attache à 1 m, le fil pour l’arcure à 1,25 m, deux fils releveurs à 1,40 m, un fil intermédiaire à 1,50 m et deux fils de tête à 1,70 m.
« Nous ne formons pas le pied trop haut, et les trois premières années nous relevons les deux fils à 1,40 m pour palisser, de façon à pouvoir établir correctement le cep », note la viticultrice. Thierry Dufourq, ingénieur à l’IFV Occitanie, souligne que ce système fonctionne si l’on a un palissage en bon état, ce qui demande une révision hivernale. « Cela ne veut pas dire que l’on ne fait plus rien », avertit l’ingénieur.
En forme libre, c’est le rognage qui crée la structure
Antoine Babin, également viticulteur en Charente-Maritime, à Jarnac-Champagne, se repose pour sa part sur un système en cordon haut, entre 1,30 et 1,60 m, couplé à une taille mécanique. « C’est mon père et mon oncle qui ont commencé à mettre cet itinéraire en place quand le cognac était en pleine crise, rapporte-t-il. Il fallait baisser les coûts de production à tout prix pour survivre. » Depuis le jeune homme y est toujours resté. Et pour cause. Il n’opère ni relevage ni tirage de bois. Sur une année, il estime gagner en tout 80 heures de travail par hectare.
La végétation est contrôlée par le rognage. « Sur l’ugni blanc, qui a un port très retombant et s’allonge avant la fleur, je laisse d’abord les sarments retomber puis je passe avec une rogneuse qui revient par en dessous, à 50 cm du sol », décrit-il. Sur les cépages où le port est plus droit, comme le colombard, il passe plus tôt et plus court.
En moyenne, Antoine Babin ne réalise que trois rognages dans la saison, ce qui n’est pas davantage que sur un système palissé. « Sur ces formes libres, où l’on supprime complètement les fils releveurs, le rognage prend beaucoup plus d’importance, commente Thierry Dufourq. C’est lui qui crée la structure. » L’ingénieur recommande de son côté d’intervenir tôt et plus régulièrement, ce qui implique des passages supplémentaires. Mais qui sont réalisés de façon mécanique, et donc plus rentables qu’un relevage manuel.
Une dizaine d’heures par hectare habituellement consacrées au relevage
L’expert concède qu’il n’y a pas une seule et unique manière de procéder. « Chez ceux qui laissent les fils releveurs fixes, cela permet de maintenir le système végétatif », observe-t-il. Pour lui, le choix s’opère en fonction de différents aspects qui varient suivant les régions. « Ça n’est pas la même chose si l’on est dans un endroit venteux ou non, et si l’on cultive des cépages à port droit ou retombant », concède-t-il. De même, la forme libre associée à une taille mécanique n’est pas possible quand on est soumis à un cahier des charges AOC.
Malgré ces exemples, Laetitia Caillaud, conseillère à la chambre d’agriculture de Charente-Maritime, constate qu’il n’y a encore que peu de gens qui franchissent le pas. « Pourtant ce sont des systèmes cohérents et qui n’ont pas d’incidence sur la récolte », estime-t-elle. La conseillère a calculé que les viticulteurs charentais réalisent en moyenne 1,8 passage pour le relevage, avec une durée moyenne de 10,9 heures par hectare. En prenant un coût de main-d’œuvre de 17 euros de l’heure, cela donne un coût de relevage économisé qui équivaut à presque 335 euros par hectare et par an. « Sans compter que cette main-d’œuvre, on ne la trouve pas toujours… », enfonce Leatitia Caillaud.