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Faire du neuf avec du vieux

Étudier la diversité des cépages ancestraux et étrangers. C’est l’une des voies explorée pour contourner les effets du changement climatique.

Revisiter les cépages secondaires. C’est la voie sur laquelle l’appellation côtes-du-rhône a choisi de travailler. Parmi ses onze cépages rouges, cinq sont délaissés depuis les années 80 car trop tardifs, peu colorés et acides. Il s’agit de la counoise N, du muscardin N, du brun argenté, du piquepoul noir et du terret noir. "Avec le changement climatique qui s’est déjà opéré en trente ans, la donne a changé pour ces cépages, explique Viviane Bécart, ingénieur viticole au service technique de l’ODG. Ils mûrissent désormais correctement à 12,5 degrés, quand le grenache arrive à plus de 15 degrés dans les mêmes conditions." Au début des années 2000, le Syndicat des côtes-du-rhône a prospecté des vieilles parcelles. Un conservatoire a été créé et aujourd’hui la counoise N, le muscardin N et le brun argenté ont chacun un clone agréé. Reste encore un frein à leur (re) déploiement puisqu’ils n’ont pas de vignes mères en pépinières.

Le réveil du tardif à Saint Mont

Quand le cépage " à réveiller " n’est pas inscrit au décret de l’appellation, le parcours est plus complexe. C’est le cas du tardif, à Saint Mont. Ce cépage, qui a obtenu son inscription en juillet 2017, attend désormais son classement. Il a été découvert en 1999 dans une vieille parcelle gersoise lors d’une campagne de prospection. Inconnu dans la région, il s’est avéré identique à un seul cépage de la collection de l’Inra à Vassal. Mis en conservatoire en 2002 par les producteurs Plaimont, le tardif a été étudié en collaboration avec l’IFV Sud-Ouest. " Il nous intéresse surtout pour deux raisons, indique Olivier Bourdet Pees, directeur des Producteurs Plaimont. Sa richesse en rotundone lui confère des notes poivrées, et surtout, il semble présenter un cycle long et une richesse en sucre très inférieure au témoin tannat à l’approche de la maturité, en dégustation de baies. Il paraît donc bien adapté à la perspective du changement climatique. " La demande officielle de révision du décret de l’appellation Saint-Mont, pour intégrer le tardif comme cépage accessoire, a récemment été déposée. " Compte tenu du fait que l’Inao a été associé très tôt à tous ces essais, on espère que ce sera rapide, disons à l’horizon de deux à trois ans, car les dix années de travaux nécessaires ont été largement menés chez nous, poursuit-il. On souhaite vraiment être entendus." Il y a vingt ans, le tannat était vendangé à 12,5 degrés. Aujourd’hui, il arrive à 15. " Plutôt qu’une réponse technologique, comme la désalcoolisation, on pense que la réhabilitation d’un ancien cépage autochtone, mieux adapté, est bien plus pertinente. L’idée n’est pas de modifier radicalement le profil de nos vins mais peut être de le faire évoluer et en tout cas d’élargir la gamme. De toute façon, les vins ont déjà changé et ils vont encore changer. En outre, le consommateur peut aussi être tenté de découvrir des assemblages nouveaux notamment sur des vins jeunes et gourmands. "

Cépages étrangers espagnols et grecs

Autre voie d’investigation, celle des cépages étrangers. À Bordeaux, l’observatoire Vitadapt a été implanté depuis 2009 à l’ISVV, avec le soutien du CIVB et de la région. Constituée de 52 cépages différents installés sur SO4, la parcelle comprend les cépages bordelais " classiques ", des variétés du Sud-Est de la France et des cépages étrangers (Espagne, Italie, Grèce, Portugal, Bulgarie, Géorgie). " Cet essai, décrit Agnès Destrac-Irvine, de l’Inra, vise à étudier le comportement des variétés bordelaises dans un contexte de changement climatique, mais aussi à étudier les possibilités d’adaptation et le potentiel qualitatif d’éventuels candidats dans l’encépagement existant. " Le but est aussi d’établir une chronologie de précocité des 52 cépages. La dégustation à l’aveugle des premières vinifications n’a pas permis de reconnaître l’expression des vins de bordeaux sur les cépages blancs espagnols et grecs reconnus tardifs. Pour autant, ces cépages ont montré des propriétés œnologiques intéressantes à exploiter. " Ces micro-vinifications et les dégustations associées seront reconduites sur plusieurs millésimes avant d’en tirer des conclusions ", ajoute Agnès Destrac-Irvine.

L’IGP côtes de gascogne, qui a aussi mené un essai sur les cépages étrangers, avait dès le départ formulé une double demande. " On voulait apporter une réponse à nos futurs besoins, notamment vis-à-vis du changement climatique, se remémore Alain Desprats, directeur du syndicat/ODG des vins IGP côtes de gascogne. L’autre priorité était d’identifier des cépages au potentiel aromatique proche de celui de nos vins actuels, sur des notes d’agrumes très fraîches, avec une bonne vivacité en bouche, afin de préserver notre profil aromatique typique et unique. Cet essai s’inscrit dans la durée car la pression vis-à-vis du changement climatique n’est pas aussi forte ici que dans d’autres vignobles où les cépages habituels sont déjà arrivés à certaines limites. Nous produisons des vins plutôt légers en alcool, mais il faut réussir à conserver cette spécificité de plus en plus recherchée, toute comme une certaine fraîcheur/vivacité. " Compte tenu des deux objectifs, une recherche bibliographique a été lancée au niveau international par l’IFV Sud-Ouest. Résultats : neuf cépages étrangers potentiels ont été retenus pour être étudiés.

À savoir : verdejo et alvarinho (Espagne), verdelho (Portugal), scheurebe (Allemagne), arvine (Suisse), malvasia d’Istrie (Croatie), rkatsiteli (Géorgie), vermentino (Corse), ainsi qu’un métis blanc, croisement de merlot et ugni-blanc. Le programme d’expérimentation, qui est mené en partenariat avec la chambre d’agriculture du Gers et l’Association de restructuration du vignoble gersois, a démarré en 2012 avec l’implantation des cépages en surgreffage dans une parcelle d’une dizaine d’années. Ces vignes étrangères donnent leurs premiers vins et en 2018 des dégustations en assemblage avec le colombard et gros manseng, les cépages habituels de l’IGP, seront organisées. Pour l’heure, l’essai se poursuit et la demande d’intégration au cahier des charges n’est pas encore programmée.

Et les consommateurs ?

Une étude a tenté de voir quelle serait l’évolution du goût des consommateurs, avec l’évolution du climat. Un groupe de 200 consommateurs réguliers de vins rouges bordelais et acheteurs réguliers a dégusté quatre vins, dont un dit du " changement climatique " (vin B), à l’aveugle. Ils devaient donner leur préférence gustative mais aussi dire à quel prix ils étaient vraiment prêts à acheter leur vin préféré.

Le vin A, qualifié de " traditionnel ", faisait 14 degrés avec des arômes de fruits frais et un pH de 3,45. Le vin B titrait 15 degrés avec des arômes de fruits cuits et un pH de 3,62. À la première dégustation, les consommateurs ont préféré le vin B. Mais surprise, à la seconde dégustation, ils ont commencé à le rejeter, exprimant une certaine saturation. Entre-temps ils avaient consommé les vins chez eux plusieurs fois par jour pendant une semaine. L’offre " changement climatique " n’apparaît donc pas toujours en adéquation avec la demande. Ce constat d’instabilité des préférences devra être précisé dans le temps.

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