Donner un visage à des vieux ceps
Jean-Pierre Constans sculpte les ceps de vigne avec une technique bien particulière. Il cultive ainsi une forme de philosophie poétique en se mettant au service de la nature.
Jean-Pierre Constans sculpte les ceps de vigne avec une technique bien particulière. Il cultive ainsi une forme de philosophie poétique en se mettant au service de la nature.
Comme Monsieur Jourdain avec la prose, Jean-Pierre Constans a longtemps pratiqué la paréidolie sans le savoir. C’est une sorte d’illusion d’optique qui conduit à voir dans un paysage, un monument, un arbre, une plante… une forme humaine ou animale. "J’ai appris ce mot un peu bizarre assez récemment lors d’une exposition en expliquant ma façon de travailler à un visiteur, précise-t-il. C’est tout simple, je crée des sculptures avec des vieux ceps de vignes en essayant de faire ressortir ce que je vois dans le cep. Cela peut être un visage, une silhouette ou un animal. Certains voient des formes dans les nuages ou sur des rochers, moi c’est à partir des ceps de vigne."
Jean-Pierre Constans les ramasse en se promenant à côté de chez lui, vers Collioure dans les Pyrénées-Orientales. Il les fait ensuite sécher au fond de son jardin et s’il aperçoit l’esquisse d’une forme dans l’un d’eux, il l’extrait du tas, le nettoie et commence à chercher à faire un peu mieux ressortir sa première vision.
Et surtout, autre particularité, il essaie d’enlever le moins de bois possible. S’il a commencé à travailler un cep, à le tourner d’un côté et de l’autre et que finalement il perd cette première vision, il ne s’acharne pas. " Si le cep veut sortir de l’anonymat, il se montre à moi du bon côté et je l’aide à entamer une seconde vie. Mais je n’essaie pas de forcer la nature. J’attends que ça vienne."
Plus de 200 sculptures sont nées de son regard averti
Électrotechnicien à la retraite, Jean-Pierre Constans a toujours été bricoleur. Il sculpte les ceps depuis 1999 " pour son plaisir ", dans son minuscule atelier de 8 m2 au fond de son jardin. Il y consacre dix minutes, deux heures, parfois trois dans une journée. Mais il lui arrive aussi de ne pas pousser la porte de l’atelier pendant plusieurs jours. Certains ceps attendent ainsi leur révélation définitive pendant des mois, voire des années. Rien ne presse. Ce temps de maturation est même parfois nécessaire car Jean-Pierre Constans ne veut pas se tromper. Ses outils ? Rien que du très simple. Un vieil Opinel à moitié cassé et quasiment jamais d’assemblage de pièces pour rester au plus près de la forme naturelle. " Même si parfois je bouche un trou avec un peu de pâte à bois, j’interviens au minimum. Je mets très longtemps à me décider pour dire "ça y est c’est fini". Et là, je passe de la lasure pour laisser respirer le bois et je mets le tout sur un socle. "
À ce train de sénateur, Jean-Pierre Constans a tout de même réalisé près de 200 sculptures. Dernière singularité, il les conserve toutes chez lui, sauf la toute première qui est chez son fils, et surtout il ne vend rien. " Vendre ne m’intéresse pas. Mais j’expose régulièrement dans ma région. Au début, je ne voulais pas exposer. Je pensais que les gens allaient se moquer de mon travail mais un ami peintre a réussi à me convaincre et finalement l’expérience me plaît. "