Des outils pour combiner désherbage chimique et mécanique de la vigne
De nouveaux matériels comme le Grifherbi et l'Herbiduo permettant de coupler un travail du sol intercep avec une application d’herbicide de prélevée font leur apparition sur le marché. Les essais montrent un résultat gagnant sur le nombre de passages annuels et les doses d’herbicides.
De nouveaux matériels comme le Grifherbi et l'Herbiduo permettant de coupler un travail du sol intercep avec une application d’herbicide de prélevée font leur apparition sur le marché. Les essais montrent un résultat gagnant sur le nombre de passages annuels et les doses d’herbicides.
Avec la limitation du glyphosate, les solutions de désherbage en vigne s’amenuisent. Depuis quelques années, l’idée d’un désherbage mixte entre travail du sol et solutions chimiques a fait son apparition. Lors du Sitevi 2019, l’entreprise Corteva a présenté son concept Grifherbi : un cadre avec des lames et des disques émotteurs, sur lequel repose une cuve de pulvérisation pour le désherbage ainsi que des buses orientées sur le cavaillon.
« Au départ c’est une initiative régionale, d’un de nos commerciaux qui a eu cette idée en voyant que les itinéraires tout chimiques étaient de plus en plus décriés, explique Camille Jouan, responsable produit chez Corteva. Il s’est rapproché d’un concessionnaire pour lancer un prototype et nous avons décidé de le développer au niveau national. »
Séduit par le concept, Renaud Cavalier, conseiller en agroéquipements à la chambre d’agriculture du Gard, est venu prêter main-forte pour le développement. « Jusqu’ici l’itinéraire classique dans le bassin méditerranéen consistait à passer un glyphosate associé à un herbicide de prélevée avant le printemps. Mais avec les hivers de plus en plus doux, on constate qu’il y a davantage d’herbe. Dans ce cas, si le glyphosate fait correctement effet, il n’en est pas de même pour l’antigerminatif, qui ne fonctionne pas. Il ne sert strictement à rien s’il est positionné sur de l’herbe », analyse le conseiller.
Ne pas avoir à repasser l’intercep de tout le printemps
Ce dernier a partagé son expertise en matériel viticole avec le chimiste Corteva afin de rendre le prototype de Grifherbi plus efficace et moins onéreux. Avec un objectif en tête : optimiser le placement de l’antigerminatif. L’idée est donc de faire place nette avec l’outil de travail du sol intercep, et de positionner le prélevée sur une terre propre et meuble pour une efficience maximale. Ainsi, le sol devient propre et le reste pour trois mois. Car c’est surtout cela l’objectif : gagner du temps à un moment où il y a tout à faire, notamment la protection phyto.
Les buses sont placées à 40 cm derrière l’outil afin de déposer le produit sans l’incorporer. Et les jets se recroisent au niveau du cep pour avoir la même quantité de matière active répartie de façon homogène sur toute la surface. « Les premiers essais menés en 2019 et 2020 sont concluants, assure Camille Jouan. L’an dernier notre viticulteur partenaire a fait un passage avec le Grifherbi le 2 avril et a été tranquille jusqu’à la récolte. L’efficacité s’est montrée meilleure qu’avec une application classique de glyphosate associé à du flazasulfuron. »
Le kit Grifherbi imaginé par Corteva est disponible chez Buisard Distribution. Il est à monter soi-même sur son matériel. © Corteva
Selon les chiffres de Corteva, l’efficacité à 60 jours a été de 40 % sur ray-grass, 60 % sur morelle, 30 % sur érigéron et 60 % sur laiteron avec un passage chimique couplant glyphosate et flazasulfuron, là où l’on atteint respectivement 60 %, 50 %, 50 % et 70 % d’efficacité avec un travail du sol couplé à un flazasulfuron, et 80 %, 95 %, 90 % et 100 % d’efficacité lors d’un travail du sol couplé à une association de Boa et Cent 7.
Pour 2021, Corteva a créé une communauté de viticulteurs équipés (8 dans le Sud-Est, 1 dans le Bordelais et 1 en Bourgogne), afin de multiplier les retours d’expérience. Chacun notera, en comparaison avec sa modalité habituelle, la flore présente, le nombre de passage et le bilan carbone. L’objectif étant d’arriver à gérer le cavaillon avec seulement un travail du sol automnal et un Grifherbi dans l’année, soit deux passages de tracteur.
Le Grifherbi n’est pas commercialisé avec le cadre de travail du sol, « ce ne serait pas pertinent car chaque viticulteur a des besoins spécifiques en matériel », justifie Camille Jouan. Il s’agit donc d’un kit, distribué par Buisard, composé d’une cuve de 98 litres, une pompe de 8 l/min, un régulateur de pression, deux tronçons avec électrovanne, un bloc électrique en cabine et des buses IDKS Lechler (antidérive) montées sur des porte-buses orientables. Il faut compter environ 500 € pour un kit, à monter soi-même.
Un résultat satisfait jusqu’à 120 jours après application
En mars 2021, la Coopérative agricole Provence Languedoc (CAPL) a quant à elle présenté l’outil Herbiduo, fruit d’une collaboration entre le distributeur et le fabricant de matériel Hervé & Mauricio (Vaucluse). Les deux entreprises ont conjointement créé la société Natur’Agri, marque détentrice de l’Herbiduo. L’Herbiduo est également un kit, composé d’une cuve de 100 litres (il est possible de monter à 150 ou 250 litres), d’un système de fixation au cadre (démontable), une pompe électrique, un régulateur de pression, une soupape antiretour, un boîtier électrique en cabine et deux systèmes de fixation de buse, montés sur ressorts en cas d’accrochage. À la différence du Grifherbi, le kit de Natur’Agri est monté par la société dans ses ateliers.
Le viticulteur peut choisir de le poser sur son propre cadre intercep s’il est équipé, ou bien d’acheter un ensemble en fonction des besoins. Après deux ans d’essais et de développement, Thierry Favier, expert technique vigne à la CAPL, est affirmatif : « le résultat est très satisfaisant, même jusqu’à 120 jours après application ». Il est convaincu qu’un tel système permet de garder des vignes propres avec seulement deux passages dans l’année. « En passant au printemps avec l’Herbiduo, on fait place nette et l’application de racinaire permet de tenir jusqu’à l’été, dit-il. Ensuite c’est gagné, particulièrement en contexte méditerranéen. »
L’expert prévient toutefois, il faut que le sol soit relativement propre lors du passage de l’Herbiduo, sous peine de positionner le prélevée sur les touffes d’herbe arrachées. Ce qui nécessite impérativement un passage d’intercep à l’automne. « L’avantage est qu’à cette période le viticulteur est plus tranquille. Cet itinéraire évite d’avoir à passer l’intercep quatre à cinq fois au printemps alors qu’il y a déjà tout à faire », argumente Thierry Favier.
Un moyen de gagner des points d’IFT herbicide
Cela permet aussi de garder l’option du glyphosate, qui sera limité à un seul passage par an à 450 g/l, pour gérer les vivaces qui posent problème ou faire des rattrapages. En termes de matière active à utiliser avec l’Herbiduo, l’expert suggère de partir sur des substances peu dépendantes de la pluviométrie derrière, précisant que le programme doit être étudié en fonction des problématiques du viticulteur, de ses habitudes ou encore de l’âge des vignes.
Il préconise également de travailler entre 4 et 4,5 km/h et à un volume de bouillie de 50 l/ha. « C’est un outil qui a été pensé pour être polyvalent, conclut l’expert. Je pense qu’il sera une option intéressante face aux impasses techniques, mais aussi pour ceux qui entrent dans une démarche HVE et souhaitent réduire leur IFT herbicide car on ne passe plus qu’un seul herbicide et potentiellement à dose partielle. »