Autoconstruction de matériel viticole : attention à la sécurité !
Benoît Moreau, conseiller national en prévention des risques professionnels à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole fait le point sur les dangers de l’autoconstruction de matériel viticole et les réglementations à respecter.
Benoît Moreau, conseiller national en prévention des risques professionnels à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole fait le point sur les dangers de l’autoconstruction de matériel viticole et les réglementations à respecter.
Que dit la réglementation sur l’autoconstruction de matériel ?
L’accident récent dans les Pyrénées-Atlantiques, d’un viticulteur mort dans ses vignes par strangulation avec le câble métallique tiré par un enrouleur fait maison attelé à son tracteur, illustre la dangerosité de certaines pratiques. La loi n’interdit pas l’usage de matériel construit par soi-même, pourvu qu’il ne soit utilisé que par son fabricant et lui seul. L’autoconstructeur n’a pas le droit de le vendre, de le laisser à titre gratuit, de le louer, ni de faire travailler l’un de ses salariés avec ce matériel. En cas d’accident, sa responsabilité sera engagée.
Tous les fabricants doivent respecter la directive européenne Machines 2006-42 également appelée Nouvelle approche. Avant la diffusion d’un produit, son concepteur doit avoir étudié toutes les hypothèses d’accident, y avoir apporté des réponses concrètes et être en mesure de prouver le sérieux de sa démarche. Ce processus d’amélioration permanente s’effectue lors de la réalisation du matériel, ainsi qu’avec les rapports d’experts en accidentologie. À cela s’ajoutent des normes européennes harmonisées entre tous les pays de l’Union. Ces contraintes correspondent aux règles de l’art à l’instant T et sont destinées à être sans cesse améliorées.
Quels sont les outils autoconstruits les plus dangereux ?
Ceux qui servent à tirer des fils occasionnent les accidents les plus graves. Joël Donadi, conseiller prévention de la MSA en Gironde, est intervenu sur un autre accident d’enrouleur. Le viticulteur tirait des fils avec une tarière bricolée, animée par la prise de force du tracteur positionné en bout de rangée. Nous supposons que son pied a été happé par un bout de cep accroché à un fil. La personne a été retrouvée autour de cet outil.
Jacques Vermorel, conseiller prévention de la MSA Ain-Rhône alerte les viticulteurs notamment du Beaujolais sur des pratiques qu’il qualifie « d’aussi ingénieuses que dangereuses ». Ce vignoble passe pour partie de la culture en gobelet au palissage. Lors de la phase intermédiaire, les viticulteurs fixent les sarments provisoirement avec de la ficelle bleue de balle ronde. Pour la retirer et l’enrouler, certains emploient une jante de voiture ou détournent des faneuses. Nous avons constaté des accidents mortels avec des personnes happées par la ficelle ou la machine, et tuées au niveau de la prise de force.
Nous constatons également des accidents sur du matériel pas standardisé attelé au tracteur ou la mise en place d’un ancien modèle bricolé pour fonctionner avec un attelage récent. De même, Jean-François Rosselle de la MSA en Champagne met en garde contre la suppression fréquente de marchepieds par les concessionnaires ou des viticulteurs sur les enjambeurs, pour permettre l’adaptation de matériels.
Enfin, comme le souligne Joël Donadi, les viticulteurs restent également très exposés dans leurs ateliers à des outils hors d’âge conçus alors sans protection de sécurité. Utilisés ponctuellement et très résistants, ils ne sont jamais remplacés. Nous constatons aussi des accidents causés par des solutions construites par des artisans ou des petits industriels aux bureaux d’études réduits ou inexistants qui n’ont pas intégré entièrement la démarche 2006-42.
Intervenez-vous préventivement ?
Oui, nous conseillons les constructeurs et les viticulteurs de manière préventive et gratuitement. Par exemple, notre collègue Didier Bertrand, pour le Berry et la Touraine, est intervenu sur un bricolage dangereux d’un miniscooter de vigne électrique.
Pour gagner en productivité et permettre à deux opérateurs de couper la vigne de part et d’autres du passage de l’engin prévu pour une seule personne, le viticulteur avait attelé, derrière le scooter, un second siège posé sur deux roues. Les deux personnes se tournaient le dos. Or, seul le conducteur déclenche l’avancée de la machine. Lors d’un redémarrage, le second opérateur droitier, qui, en l’occurrence ne portait pas de protection à la main gauche, pouvait être surpris ou déséquilibré et se couper un doigt avec son sécateur électrique.
Que recommandez-vous pour les appareils dangereux ?
Pour dérouler les fils de palissage, des industriels réalisent des produits plus aboutis, et capables a priori de réduire les risques d’accident au travail. Dans le Beaujolais, nous avons assisté aux premiers essais d’un nouvel enrouleur très intéressant. Les tests ont révélé encore quelques risques. Le constructeur s’est empressé d’apporter des actions correctives. Beaucoup d’accidents pourraient être évités par l’achat d’enrouleurs sécurisés en commun. La sécurité a un prix, certes, mais son coût peut être mutualisé.