AOC, l’irrigation dans les tuyaux
En décembre dernier, Jean-Luc Dairien, directeur de l’Inao, confiait être en négociation avec le ministère de l’Écologie pour que les AOC en manque d’eau puissent compenser l’excès de stress hydrique par de l’irrigation. Et ce, dès cet été. Si les négociations sont toujours en cours à l’heure où nous bouclons, voici d’ores et déjà quelques clés pour appréhender cette technique.
En décembre dernier, Jean-Luc Dairien, directeur de l’Inao, confiait être en négociation avec le ministère de l’Écologie pour que les AOC en manque d’eau puissent compenser l’excès de stress hydrique par de l’irrigation. Et ce, dès cet été. Si les négociations sont toujours en cours à l’heure où nous bouclons, voici d’ores et déjà quelques clés pour appréhender cette technique.







C’est aux pieds du mont Sainte-Victoire, sur une terre tirant vers le rouge brique, que s’étend le vignoble de Rousset-sur-Arc. Sur cette zone méditerranéenne des Bouches-du-Rhône, en AOC côtes-de-provence Sainte-Victoire, la vigne souffre presque tous les ans de contrainte hydrique sévère. Depuis de nombreuses années, les apporteurs de la cave de Rousset ont recours à de l’irrigation, pour éviter les blocages de maturation. Une irrigation, obtenue les années sèches sur dérogation, et pilotée finement avec l’ICV, en fonction d’un profil produit défini à l’avance. « Grâce à cela, nous obtenons des produits finis exceptionnels ; nos vins sont médaillés, se réjouit Alex Ventre, le président de la cave. Ici, sans irrigation, il est compliqué de faire des rosés. »
La plupart des apporteurs de la cave sont donc équipés d’un réseau de goutte à goutte aérien, installé à demeure sur le fil porteur. Les trous sont disposés tous les mètres et les vignerons les positionnent entre deux ceps, afin « que les racines s’étalent », précise Alex Ventre. Ces tuyaux sont raccordés à des bornes du Canal de Provence, qui donne toute satisfaction aux viticulteurs. « Le maillage est très intéressant, le réseau a été renforcé il y a vingt ans, précise le président. Les bornes sont importantes, et nous avons le débit et la pression d’approvisionnement souhaités, quand nous le voulons. »
Une installation qui revient à environ 3 500 euros par an
À titre personnel, il est équipé d’une borne de 15 kg, qui lui revient à environ 320 euros à l’année pour environ 300 m3. Un coût qui s’ajoute à celui du matériel. En moyenne, il faut compter 1 500 à 2 000 euros par hectare, plus la pose, soit un total d’environ 3 500 euros/ha. « Certes, c’est un investissement, mais il est à amortir sur dix ou quinze ans, tempère Alex Ventre. Et surtout, cela permet d’éviter les blocages de maturité, d’obtenir un rendement et une couleur satisfaisants, et de pérenniser la vigne. » Pour autant, il estime que l’irrigation n’est pas un produit miracle : « il ne faut pas compter que sur ça. C’est un outil qui sert à réguler, et à complémenter les pluies ». Avant de démarrer la campagne d’irrigation, Alex Ventre entretien son réseau, pour se prémunir des bouchages. « Il faut nettoyer le filtre, puis ouvrir les bouts de ligne, préconise-t-il. On ouvre alors la borne. Cela chasse toutes les impuretés. Cette opération prend environ une journée pour dix hectares. »
Des bulletins hebdomadaires par zones
À partir de début juin, et jusqu’à mi-août, la cave reçoit toutes les semaines un bulletin de préconisation édité par l’ICV. Pour chacun des trois secteurs définis, se trouvent un relevé pluviométrique, l’évolution de la réserve utile et du diamètre des ceps de vigne ainsi que le bilan hydrique. À partir de toutes ces données, l’ICV préconise, ou non, un apport et une dose. « En règle générale, suivant les zones, deux à quatre apports annuels (entre début juillet et mi-août) sont nécessaires », estime Guillaume Barraud, le consultant de l’ICV en charge de cette zone.
Pour établir ces bulletins, l’institut se base sur le modèle de bilan hydrique classique, avec les données de Météo France réajustées avec la pluviométrie mesurée par les vignerons de la cave. À cela s’ajoutent des mesures de la conductivité du sol. Des sondes capacitives, situées sur les zones de vigueur « critique », suivent l’évolution de la teneur en eau du sol tous les 10 cm, sur un mètre de profondeur. « Cela permet de savoir si l’eau est en profondeur ou en surface, et ainsi d’affiner les recommandations », poursuit le consultant. Enfin, un dendromètre, le PlantSense, mesure la croissance du tronc en continu. « Dès qu’il y a un arrêt de croissance, cela signifie que la vigne sera en contrainte hydrique quinze jours après, interprète Guillaume Barraud. S’il n’y a pas de pluie dans ce laps de temps, il faudra irriguer. » Grâce à cela, l’eau est apportée au bon moment et à la juste dose.