Utiliser l’eau de pluie pour préparer sa bouillie de pulvérisation, une idée à creuser !
Les propriétés de l’eau de pluie sont intéressantes pour constituer les bouillies de pulvérisation. Des années pluvieuses comme 2024 amènent à réfléchir à la possibilité de récupérer l'eau des toitures. Mais cela implique de bien raisonner son projet en amont.
Les propriétés de l’eau de pluie sont intéressantes pour constituer les bouillies de pulvérisation. Des années pluvieuses comme 2024 amènent à réfléchir à la possibilité de récupérer l'eau des toitures. Mais cela implique de bien raisonner son projet en amont.
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Dans une exploitation sur laquelle il y a généralement plusieurs bâtiments, il est possible de tirer avantage de la grande surface des toits pour récupérer l’eau de pluie. Celle-ci peut notamment servir pour le remplissage des pulvérisateurs et le nettoyage des machines, deux opérations qui nécessitent des quantités d’eau importantes, et qui sont coûteuses si on utilise de l’eau potable. Récupérer l’eau de pluie présente donc un intérêt économique, mais aussi qualitatif au vu des caractéristiques de celle-ci pour la pulvérisation.
Représentant 90 à 95 % du volume de bouillie, la qualité de l’eau est déterminante sur la réussite de l’application. C’est le cas du pH de l’eau qui a un effet sur la durée de vie et la stabilité de la matière active dans la bouillie. Généralement, les pesticides sont stables à des pH compris entre 5 et 6, ce qui correspond parfaitement à celui d’une eau pluviale propre qui est généralement autour de 5,6. Autre qualité nécessaire, l’absence de dureté de l’eau. Les sels minéraux, tels que le calcium et le magnésium, contribuent à la dureté de l’eau quand ils sont présents. Ces ions positifs peuvent interagir avec la matière active des pesticides et la rendre moins efficace, voire inactive. L’eau de pluie a l’avantage d’être douce.
Bien dimensionner son projet
Le potentiel récupérable en eau de pluie est lié aux surfaces des toitures, sachant que certains types de toits sont déconseillés. « La récupération des eaux de pluie n’est pas conseillée sur des toits amiantés par exemple », indique Isabelle Forgue, conseillère énergie au sein de la chambre d’agriculture du Doubs et Territoire de Belfort. En revanche, pas de contre-indication pour le photovoltaïque. Autre donnée à intégrer dans la réflexion : la pluviométrie locale, qui va influer sur les possibilités de récupération de l’eau de pluie.
Face aux quantités récupérables, il est nécessaire d’évaluer les besoins en eau. Si l’on utilise l’eau de pluie pour remplir son pulvérisateur, le calcul du besoin va se faire en multipliant le volume (litre) de bouillie épandue par hectare par la surface d’épandage (hectare) et par le nombre de passage annuel. À titre d’exemple, un agriculteur qui traite sur 200 ha à raison de 100 l/ha, consomme 20 m3 d’eau par passage. Pour 6 passages de pulvérisateur dans l’année, il lui faudra donc 120 m3 d’eau. Le calcul de l’eau de pluie récoltable (litre) se fait, lui, en multipliant la surface de toiture (m2) par la pluviométrie annuelle (mm). Pour un bâtiment de 400 m2 de toitures et une pluviométrie moyenne de 600 mm d’eau par an, l’agriculteur va récupérer 240 m3 d’eau chaque année, soit le double des besoins. Le surplus d’eau peut donc être utilisé pour nettoyer le matériel.
Bien choisir son matériel de récupération
Il existe deux types de systèmes récupération d’eau de pluie : les récupérateurs d’eau de pluie hors sol et les systèmes enterrés. Les premiers sont plus simples à installer, mais leur capacité est limitée. Les systèmes enterrés, plus coûteux, offrent une grande capacité de stockage et sont plus discrets. Différents matériaux sont proposés : thermoplastiques, thermodurcissables, acier revêtu ou galvanisé, et béton. Enfin, certains systèmes intègrent également un dispositif de filtration pour éliminer les débris et les contaminants, assurant ainsi la qualité de l’eau récupérée. Il est recommandé de comparer les différents modèles et de consulter un expert pour choisir le système le plus adapté à ses besoins.
Prévoir un dispositif de filtration
L’eau de pluie est une eau douce, mais lors de son acheminement depuis les toitures jusqu’au système de stockage, elle se charge d’éléments indésirables comme des métaux, matières organiques, micropolluants organiques ou chimiques, ou autres micro-organismes. En cas d’utilisation de cette eau pour remplir le pulvérisateur, il faut éviter d’avoir un niveau élevé de particules dans l’eau pouvant provoquer un engorgement ou une forte contamination de l’équipement, qui peut à son tour entraîner une application irrégulière ainsi qu’un bouchage de certaines buses.
D’autre part, les contaminants ont des charges électriques qui peuvent agir avec les matières actives et les rendre moins efficaces, voire inactives. Ainsi, la matière organique présente dans l’eau peut nuire à l’efficacité de la plupart des pesticides de contact et les herbicides sont particulièrement sensibles à cette caractéristique. Il faut donc veiller à ce qu’un système d’épuration empêche la pénétration de sable ou de salissures, et prévenir le colmatage des filtres des pulvérisateurs. La filtration à 1 mm est l’un des leviers pour assurer une bonne qualité de l’eau récupérée. En amont, le recours à un « by-pass » peut s’avérer propice lorsqu’il s’agit de dévier les eaux du toit souillées et déversées à flot lors des orages. Cela permet de ne récolter que les pluies ultérieures, une fois la toiture lavée.
Connaître la réglementation en vigueur
Selon l’article 641 du Code Civil, chaque propriétaire a le droit d’utiliser et de disposer des eaux pluviales tombant sur son terrain. Au niveau technique, les citernes doivent être non translucides et protégées contre les hausses de température, et un système de filtration est à prévoir. La déconnexion du réseau d’eau potable est obligatoire et doit se faire au moyen de disconnecteurs spécifiques de type AA ou AB. Le décret n° 2023-835 du 29 août 2023 qui régule l’utilisation des eaux de pluie en agriculture, précise que leur utilisation est possible sans procédure d’autorisation pour les usages non domestiques, y compris l’agriculture.