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Un éleveur bio expérimente le pâturage des porcs charcutiers

Carl Sheard est éleveur de porcs bio dans la région des Pays de la Loire. Il expérimente la pratique du pâturage des porcs en finition, en utilisant diverses combinaisons de cultures fourragères.

Accompagné par l’Itab, l’Idele et la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, Carl Sheard conduit un essai sur sa ferme située à Noyant-la-Gravoyère dans le Maine-et-Loire. L’objectif est d’évaluer l’intérêt du pâturage des porcs sur la période de finition (de 18 semaines d’âge à l’abattage). Premiers constats : après 6 semaines de pâturage, la végétation est bien consommée par les animaux et le sol de la parcelle reste préservé. La restriction alimentaire appliquée en parallèle sur l’aliment complet est partiellement compensée par le fourrage pâturé. Le taux de muscle des carcasses s’améliore par rapport aux résultats habituels de l’élevage.

Les parcelles sont aménagées pour faciliter le pâturage

La première phase de l’essai a consisté à mettre en place des clôtures appropriées et à aménager les parcelles de pâturage. Afin d’optimiser la valeur du fourrage, chaque parcelle est subdivisée en paddocks, avec une conduite au fil avant. La taille d’un paddock varie de 700 à 900 m2 environ. En parallèle, la quantité d’aliment concentré distribuée aux porcs est réduite de 30 % afin d’encourager la consommation de fourrages. La crainte principale de l’agriculteur était liée à la distance importante entre le bâtiment où sont logés les porcs et la parcelle (300 à 400 m). Des zones de circulation (bandes broyées) ont été aménagées en bordure des paddocks pour faciliter le déplacement des porcs et matérialiser les limites, constituées de clôtures électriques permanentes. Finalement, le groupe de porcs a rapidement adopté un comportement de pâturage. Les porcs se sont montrés extrêmement indépendants en établissant leur propre routine de pâturage sans trop de sollicitations de l’éleveur, trouvant seuls leur chemin entre les bâtiments et la parcelle fourragère.

Une gamme diversifiée de fourrages est mise à la disposition des porcs tout au long de l’année

La parcelle destinée au pâturage dispose d’une superficie de 5,7 hectares. Elle est divisée en sept bandes de 24 mètres de largeur séparées par des lignes d’arbres intraparcellaires. Quatre couverts différents sont implantés dans les bandes pour procurer des fourrages tout au long de l’année :

Un mélange pérenne « luzerne - trèfle incarnat - trèfle blanc - avoine – pois » à pâturer au printemps ou à récolter en enrubannage
Un mélange « ray-grass - trèfle - amarante - avoine » à pâturer au printemps ou à récolter en enrubannage
Un mélange « moha (1) - trèfles » à pâturer en été
Un mélange « maïs - haricot » à pâturer en automne.

D’autres cultures ont été envisagées et pourront être testées, comme la betterave fourragère

La durée de présence des porcs sur un paddock dépend de l’appétence du couvert et de la biomasse disponible. L’appétence est liée au choix des espèces et à leur stade physiologique. Dans l’essai, le groupe de cinquante porcs restait environ neuf jours sur un mélange moha-trèfles contre seulement trois à quatre jours sur un mélange maïs-haricot.

Les fourrages excédentaires récoltés en enrubannage peuvent être vendus au voisinage ou bien conservés pour être distribués aux porcs charcutiers en période hivernale lorsque les conditions météorologiques et la portance des sols ne permettent plus le pâturage.

Les performances des porcs dépendent de la restriction alimentaire appliquée

Les performances des porcs au pâturage ont été mesurées durant l’essai afin d’ajuster la conduite alimentaire des animaux. Le taux de muscle des carcasses était supérieur à la moyenne habituelle de l’élevage, sans doute grâce au rationnement alimentaire et à l’activité physique plus importante des porcs. Mais la restriction alimentaire très sévère (- 30 % par rapport à la ration habituelle) a pénalisé la vitesse de croissance et favorisé une forte hétérogénéité des porcs. Si l’objectif est bien d’économiser de l’aliment complet sur l’ensemble de la période de finition, il est indispensable d’adapter le niveau de restriction alimentaire à la quantité de fourrage disponible. Il faut aussi tenir compte du stade de végétation du fourrage qui conditionne l’appétence et donc la quantité ingérée par les animaux. Enfin, durant les journées où la météo ne permet pas le pâturage, il faudrait soit remplacer l’apport du pâturage par une distribution de fourrages récoltés soit distribuer une ration alimentaire complète.

(1) Le moha est une graminée estivale qui peut être semée en fin de printemps. Cette plante aime la chaleur et se développe rapidement en été.

Fiche élevage

L’élevage de Carl Sheard

45 truies en système naisseur-engraisseur
En agriculture biologique
Sol sablo-limoneux favorable à l’élevage plein air
Aliment complet acheté (sauf fourrages)
735 porcs/an vendus via Bio direct
16 porcs/an en vente directe

Partenaires

Itab, chambre d’agriculture des Pays de la Loire, Idele, Bio direct, Union européenne (financeur du projet OK-Net Ecofeed).

Côté web

Une vidéo permet de visualiser le comportement des porcs au pâturage sur une parcelle de maïs + haricot : https://www.youtube.com/watch?v=HdOmMI3vugg&ab_channel=ITABITAB

Trois questions à Carl Sheard

 

 
Un éleveur bio expérimente le pâturage des porcs charcutiers
© chambre d'agriculture des Pays de la Loire

« Le pâturage des porcs bénéficie d’une bonne image en vente directe »

Quelle était votre motivation pour mettre en œuvre le pâturage des porcs charcutiers en finition ?

C.S. - Dans mon système, les porcs sont élevés en plein air intégral jusqu’à l’âge de 18 semaines et ensuite ils rentrent dans un bâtiment avec courette. Je voulais leur offrir un vrai accès au plein air en finition. J’ai donc saisi l’opportunité de cette parcelle implantée en agroforesterie et située à proximité de mon bâtiment. Mon objectif est de valoriser des ressources fourragères par le pâturage pour économiser de l’aliment complet acheté.

Quels conseils donneriez-vous aux éleveurs qui souhaiteraient se lancer dans cette pratique ?

C.S. - Il est important d’adapter le niveau de restriction alimentaire à la qualité du fourrage, à la saison et à la vitesse de croissance des porcs, pour ne pas trop pénaliser les porcs les plus légers. Il faut également faire coïncider la période de pâturage avec le stade optimal de maturité du couvert végétal. Un fourrage trop sec devient vite moins appétant pour les porcs. Enfin, comme le sol est préservé après le passage des porcs, je conseille de privilégier des cultures pérennes plutôt que des cultures annuelles afin de limiter les coûts d’implantation. Pour garantir la durabilité des prairies, une conduite au fil avant/fil arrière serait préférable pour que les porcs n’aient pas besoin de repasser sur les paddocks déjà pâturés.

Quels sont selon vous les principaux atouts de votre système d’élevage ?

C.S. - Ce système d’élevage bénéficie d’une bonne image auprès de mes clients en vente directe. Je suis également persuadé du fait que la valeur nutritive de la viande est améliorée. Je pense qu’il serait possible de développer une valorisation commerciale spécifique pour ces porcs (ex : « porcs engraissés au pâturage ») en lien avec les attentes sociétales sur le bien-être animal. Ma motivation principale est de développer un système low cost nécessitant peu d’investissements. Mon ambition est de servir d’inspiration aux autres éleveurs de porcs bio. Je voudrais qu’ils puissent retirer certains éléments de mon expérience pour les mettre en pratique chez eux, sans forcément faire du copier-coller.

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