Un bon début pour la pulvé par drone
Le traitement par drone génère moins de dérive qu’une application au sol, et se révèle plus efficace que l’hélicoptère. Telles sont les conclusions de l’Agroscope en Suisse après deux années de tests.
Le traitement par drone génère moins de dérive qu’une application au sol, et se révèle plus efficace que l’hélicoptère. Telles sont les conclusions de l’Agroscope en Suisse après deux années de tests.
Les drones de pulvérisation suscitent beaucoup d’intérêt. Mais cette technologie est toute récente, et les données sur les performances techniques en vignes sont quasiment inexistantes. C’est pourquoi l’Agroscope, centre de recherche suisse, s’est penché sur la question. À travers le projet Vidrone, les scientifiques ont étudié durant deux ans l’intérêt de drones agricoles en viticulture, plus précisément des modèles de la firme suisse AgroFly et du Agras de l’entreprise chinoise DJI. « En 2018, nous avons réalisé des essais de dérive à trois moments de la saison, des mesures de qualité de dépôt et un suivi d’efficacité sur quelques parcelles », détaille Pierre-Henri Dubuis, ingénieur à l’Agroscope de Changins. Et les premiers résultats sont plutôt encourageants, car le drone révèle des performances à mi-chemin entre l’hélicoptère et un traitement au sol. Sur la question de la dérive, traiter avec un tel matériel n’est pas plus impactant qu’avec un pulvérisateur classique à jets portés. Les mesures à une distance de 1 à 5 m de la cible montrent des résultats similaires à la méthode de traitement de référence.
La majorité des dépôts de bouillie se situe sur le haut du feuillage
Et mieux encore, la dérive est plus faible que la normale lorsque l’on s’éloigne à partir de 10 m. Cela s’explique notamment par le flux d’air vertical créé par les hélices, alors que le flux d’un pulvérisateur classique est horizontal. « Nous avons conclu que le drone ne génère pas de dérive supplémentaire par rapport aux solutions habituelles depuis le sol, rapporte Pierre-Henri Dubuis. Cela veut dire qu’il n’y aura sûrement pas besoin d’évaluation spécifique pour les produits phytosanitaires que l’on peut utiliser avec ces machines, contrairement à ce qui existe pour l’hélicoptère. » Du point de vue de la qualité d’application en revanche, les drones ont encore des marges de progrès à faire. Les résultats de 2018 affichent des doses de produit 5 à 20 fois moins importantes sur la zone des grappes avec ces engins par rapport à un pulvérisateur à jets portés sur chenillette. La meilleure modalité était équivalente à un traitement par hélicoptère. Sans surprise, la majorité des dépôts est située sur les feuilles du haut, et l’on ne dénombre que peu d’impacts sur le dessous des feuilles. Ce qui fait dire aux scientifiques que ce type d’application est plus adapté à des produits pénétrant que de contact. « Mais la technologie évolue très vite, et il y a une grosse marge de progression en jouant sur les réglages, je suis persuadé que nous aurons bientôt des résultats plus réalistes », estime le chercheur suisse. En 2017, il avait d’ailleurs réalisé un essai avec AgroFly sur des réglages avec des trajectoires, hauteurs et vitesses optimisées pour atteindre le bas. « Et les valeurs en termes de qualité d’application devenaient très intéressantes, assure-t-il. Elles se rapprochaient de ce que l’on connaît. » L’épandage par drone était alors bien meilleur que l’hélicoptère, avec deux fois plus de bouillie sur les grappes et les feuilles de la zone des grappes. Le dépôt n’était plus que de moitié par rapport à un jet porté.
Les buses antidérive entraînent des pertes d’efficacité au vignoble
« En affinant le positionnement des buses pour utiliser le courant d’air créé par les pales, nous devrions encore gagner en qualité », poursuit Pierre-Henri Dubuis. Les scientifiques ont également suivi des parcelles en 2018 entièrement traitées au drone. Dans un contexte de faible pression parasitaire, où moins de 5 % des grappes sont détruites sur le témoin non traité, les deux drones et la référence au sol se valent. « Mais on ne peut pas tirer de conclusions dans un tel cas », prévient l’ingénieur. Sur une des parcelles en revanche, le témoin a été attaqué par le mildiou avec une intensité de 100 % sur feuilles et sur grappes. Les différences apparaissent alors. Bien que le drone ne soit pas aussi efficace que le pulvérisateur traditionnel, il a permis de limiter l’intensité sur grappes aux alentours des 10 %. « Ce n’était pas catastrophique, mais le mildiou était toutefois très présent, notamment sur feuilles », se remémore le scientifique. Autre fait intéressant rapporté par les chercheurs, l’emploi de buses antidérive n’est pas recommandable sur le drone. Les pompes embarquées sur les engins sont trop faibles, et ne forment pas de belles gouttes mais plutôt de grosses taches, ce qui a conduit dans les essais à des baisses d’efficacités notables. L’expérimentation menée par l’Agroscope a aussi été l’occasion d’évaluer les aspects pratiques. En situation réelle, il est possible de traiter un hectare en une heure et demie environ. Mais cela demande une bonne organisation du travail pour optimiser la phase de remplissage de la cuve, qui est répétitive et chronophage. Mieux vaut déléguer cela à une entreprise, sans quoi le traitement peut prendre jusqu’à trois heures par hectare.
Pour l’heure le drone est rentable seulement sur les vignobles en pente
Une centaine de litres de bouillie par hectare est un bon compromis entre une bonne couverture et une quantité d’eau optimisée. « L’utilisation de soufre et de cuivre n’a pas posé de problème technique, même si cette histoire de mauvaise répartition sous la feuille les rend moins adaptés à la pulvérisation par drone », ajoute Pierre-Henri Dubuis. L’entreprise AgroFly a proposé ses premières prestations l’an dernier, pour un coût de 650 CHF/ha, soit 573 euros. « Ce n’est pas concurrentiel avec un tracteur, mais c’est intéressant pour les vignerons qui sont en coteaux », estime l’ingénieur. L’Agroscope va poursuivre les travaux sur les drones en 2019. L’idée étant de jouer sur les différents paramètres d’amélioration pour être efficace en toute situation, ainsi que d’essayer une installation de bras pendulaires pour traiter en perpendiculaire.
Bien que le drone ne soit pas aussi efficace que le pulvérisateur traditionnel, il a permis de limiter l’intensité sur grappe aux alentours des 10 %
voir plus clair
Trois ans d’essai pour l’hexagone
En France, l’article 82 de la loi issue des États généraux de l’alimentation a ouvert une voie pour le traitement des vignes par drone. À la demande de la profession, le gouvernement l’a autorisé pendant trois ans à titre expérimental. Delta drone, partenaire français d’AgroFly, a d’ores et déjà prévu des essais en Alsace pour transposer ce qui a été fait en Suisse sur notre territoire tout en s’adaptant aux normes françaises.