Sélectionner des femelles « durables »
Rechercher des génisses précoces (âge à la puberté réduit), efficientes pour valoriser les aliments grossiers, et faiblement émettrices en méthane sont des caractères appréciés en génétique.
Rechercher des génisses précoces (âge à la puberté réduit), efficientes pour valoriser les aliments grossiers, et faiblement émettrices en méthane sont des caractères appréciés en génétique.
La faible précocité des races allaitantes françaises limite les possibilités de réduire l’âge au vêlage à 2 ans ou même 30 mois et contribue à augmenter la phase d’élevage improductive pendant laquelle les génisses émettent du méthane entérique, principal gaz à effet de serre émis par l’élevage allaitant. C’est pourquoi l’Inra du Pin-aux-Haras et de Bourges ont lancé une expérimentation visant à la détection de QTL précocité sexuelle et de développement corporel pouvant être utilisés dans les programmes de sélection, afin d’améliorer la proportion de génisses pubères compatibles avec une réduction de l’âge au premier vêlage. Ce programme de recherche, mis en place en 2010 et en cours d’achèvement, s’est également attaché à la sélection d’animaux aptes à transformer des rations riches en cellulose. « Dans ce volet, il s’agit de répondre au défi majeur de réduire les coûts alimentaires des élevages allaitants par une meilleure adéquation du potentiel génétique aux ressources alimentaires. Pour cela, nous mesurons l’efficacité alimentaire sur des régimes constitués de fourrages grossiers afin de limiter les charges d’alimentation et la dépendance aux céréales », note Gilles Renand de l’Inra de Jouy-en-Josas. Ce projet s’est également attaché à vérifier la relation entre précocité et efficacité alimentaire, en vue d’améliorer simultanément ces deux aptitudes.
Vêlage 2 ans, choisir les femelles les plus légères à la naissance
La collecte de données concernant la précocité sexuelle et le développement corporel a été réalisée sur cinq cohortes de génisses (629 femelles) de race Charolaise. Ces femelles, provenant de 48 taureaux différents, sont nées sur deux périodes de vêlages, en novembre et en mars. L’évaluation de la précocité a été menée à partir de mesures de croissance (pesées, mensurations extérieures, ouverture pelvienne), d’état d’engraissement (échographie) et de puberté (dosage de progestérone plasmatique décadaire de 8 à 20 mois).
La saison et le poids de naissance des génisses ont tous deux un effet significatif sur l’âge à la puberté. « Les femelles nées en hiver et au printemps sont cyclées plus jeunes que celles nées en automne. Le poids de naissance est par ailleurs un facteur prépondérant qui détermine la puberté chez les génisses. Les femelles les plus lourdes à la naissance sont plus tardives que les plus légères. Ainsi, un éleveur qui a le choix au moment de la mise à la reproduction doit privilégier parmi les génisses les plus lourdes à 15-18 mois celles qui avaient un poids de naissance bas », souligne Gilles Renand.
Efficacité alimentaire, des gaspilleuses et des efficientes
L’efficacité alimentaire sur aliments grossiers a été mesurée à partir d’évaluations de la capacité d’ingestion individuelle et de prélèvements de fèces. « Les femelles sont entrées en station de contrôle alimentaire à 22 mois. Elles ont été pesées tous les 15 jours pendant 12 semaines après une phase d’adaptation de quatre semaines, afin d’établir une relation entre ingestion et croissance. Pour une même croissance, on observe des taux d’ingestion différents. On a ainsi des femelles gaspilleuses et d’autres efficientes. L’héritabilité de l’efficience alimentaire est de 0,12. En comparaison, celle du poids se situe à 0,30. Il existe donc une variabilité génétique de l’efficacité sur les fourrages. Ce travail a également permis de mettre en évidence une tendance à une relation plus favorable entre précocité (développement et sexuelle) et efficience alimentaire sur fourrages grossiers. Ainsi, les femelles avec un petit poids de naissance ont de bonnes croissances post-sevrage. »
Définition
Relation efficience alimentaire/méthane nulle
Les mesures réelles des émissions de méthane entériques (CH4) des bovins sont assez compliquées à effectuer. Depuis l’automne 2016, l’unité expérimentale Inra du Pin est équipée de stalles de mesures du méthane émis par les bovins (appelées Greenfeed). Dans le cadre du programme efficacité alimentaire, ces Greenfeed ont servi à caractériser les émissions des femelles intégrées à l’expérimentation (à l’âge de 2 ans puis à l’âge adulte). « Trois axes de recherche sont développés pour expliquer les variations d’émissions de CH4 : la variabilité d’origine génétique, la variabilité associée à l’alimentation et l’impact d’additifs alimentaires, observe Gilles Renand, avant de poursuivre, les Greenfeed sont des stalles où les animaux ne peuvent séjourner qu’individuellement. Ils sont attirés par la distribution de quelques grammes d’un aliment appétant afin qu’ils y restent au moins trois minutes, le temps d’une mesure. » Ces mesures sont répétées plusieurs fois par jour sur plusieurs semaines. Lorsque l’animal est occupé à attendre et à manger ses granulés, il est identifié et une pompe aspire l’air ambiant autour de la tête de l’animal. Cet air active un capteur infrarouge. Puis des équations transforment la réponse électrique du capteur en des teneurs et des quantités de CH4 et de CO2.
« On arrive ainsi à une relation entre efficience alimentaire et méthane plutôt nulle que favorable. Les animaux qui possèdent les meilleurs GMQ sont également les plus émetteurs de méthane. »