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Sécheresse - Ces éleveurs et céréaliers qui adaptent leur système

« Mai 2020 est le mois de mai le plus chaud jamais enregistré sur le globe », selon Météo France. Les agriculteurs tentent de s'adapter à la sécheresse actuelle. Quatre d'entre-eux témoignent alors que 53 départements sont placés en alerte sécheresse.

« Avec la sécheresse, j'aurai environ 25% de perte par rapport à la moyenne sur mes terres superficielles. »
© Bastien Hennequez

Regards croisés sur la sécheresse de quatre agriculteurs qui partagent leurs expériences, inquiétudes et solutions.

  • Denis Muron, éleveur laitier, du GAEC des Bressonnes, (Loire)
  • Christophe Brosson, éleveur laitier bio, à Longes, de l’EARL Le Chirate (Vallée du Rhône)
  • Bastien Hennequez, céréalier d’Arnière-sur-Iton, de l’EARL de la Seigneurie, (Normandie)
  • Alexandre Bachotet, céréalier à Lux, de l’EARL Bachotet, (Côte-d’Or)

En général, êtes-vous sujet aux périodes de sécheresse ?

Christophe Brosson, éleveur laitier bio : « Situés dans la vallée du Rhône, tous les ans, on subit les sécheresses d’été en juillet – août. C’est normal, on a l’habitude ! Par contre, nous sommes moins habitués aux sécheresses de printemps et d’automne qui commencent. Et ça fait mal. En plus, les épisodes de vent chauds accentuent le phénomène de sécheresse. »

Avez-vous été concernés par la sécheresse en mai ?  

Bastien Hennequez, céréalier normand : « Malgré un hiver avec beaucoup d’eau, on a eu deux périodes de sec : du 15-20 mars au 15 avril, pas une goutte ! Et entre le 10 mai et début juin, on a seulement eu 5mm de pluie alors qu’en Normandie, les pluies sont régulières. Les points positifs sont que nos bonnes terres sont encore vertes et que la floraison des blés s’est faite sans trop d’eau. Mais la sécheresse, la chaleur, les plus de 30°C de la semaine dernière et les cailloux créent un « effet four ». Le blé est en train de tourner et de changer de couleur. On dit « après la pluie, le beau temps » mais pour nous, agriculteur, la pluie est du beau temps. C’est quand y en a trop que ça gène. »

 

 

« Actuellement, on ne souffre pas de la sécheresse. Cette année, dans la Loire, on n’a pas à se plaindre, comparé à d’autres régions ou d’autres années. C'était sec jusqu'à fin avril, heureusement qu'on a eu quelques orages début mai ce qui a permis une pousse de l'herbe. Les maïs sont bien sortis mais commencent à avoir soif. S’il ne pleut pas dans 8 à 15 jours, c’est problématique. »

 

Quelles sont les conséquences de la sécheresse sur votre exploitation ?

Christophe Brosson : « La sécheresse impacte fortement mes céréales. J’estime perdre la moitié de mon rendement.  Concernant mes pâtures, elles produisent environ moins de 20 kg de matière sèche par hectare et par jour. Alors que la normale de pousse de l’herbe est de 60 kg de MS/ha/j. J’estime une perte aussi de 50% sur les rendements de mes prairies ensilées. Normalement, je fais deux remorques par hectare, là je n’en fais plus qu’une. Pour compenser le déficit fourrager des pâtures, j’ai agrandi les surfaces de pâturage, ce qui va diminuer les quantités à récolter, et finis mes stocks de foins depuis le 15 mars 2020. L’hiver qui arrive va être dur. »  

 

 

 

« Avec la sécheresse, j’aurai environ 25% de perte par rapport à la moyenne sur mes terres superficielles. »

 

 

Avec ces épisodes de fortes chaleurs, avez-vous adapté votre système ?

Christophe Brosson : « En période chaude, j’ai établi un nouveau système d’élevage. En journée, les vaches sont en bâtiment. On essaye au maximum de faire des courants d’air. Elles sont nourries avec une ration hivernale adaptée, bien évidemment, au fourrage disponible en pâture car elles passent la nuit dehors. »

Denis Muron : « Pour améliorer le confort de mes vaches, j’ai installé, en 2019, un brumisateur en salle de traite. »

Alexandre Bachotet, céréalier de la plaine de Dijon : « J’ai adapté mes assolements. J’intègre de plus en plus de cultures de printemps dans mes rotations comme l’orge de printemps ou du soja. »

Avec ces sécheresses qui se multiplient, êtes-vous plus sensibles aux risques d’incendies ?

Bastien Hennequez : « Non mais le mois de juin 2019 était particulièrement chaud. Mon voisin a vu ses cultures brûlées et j’ai eu peur pour les miennes. On a donc pris beaucoup de précautions pour éviter un départ d’incendie. Par exemple, pendant la moisson, un tracteur avec un déchaumeur me suivait. On déchaumait partiellement, tous les 36 mètres et les tours de champs, pour éviter la propagation des flammes. »

L’irrigation peut-elle être la solution chez vous ?

Christophe Brosson, éleveur laitier bio : « Pour l’instant, on n’irrigue pas. En 1990, on avait réfléchi au projet mais il est tombé à l’eau… dû à la réglementation, aux problèmes de main d’œuvre et aux investissements importants de temps et de travail. A côté de l’exploitation, il y a deux associations syndicales autorisées (ASA) reliées à deux retenues collinaires qui fonctionnent comme une CUMA. A long terme, pourquoi pas recommencer à penser au projet d’irrigation. »

 

« A la maison, on n’irrigue pas et on n’en a pas la possibilité non plus. Certaines de nos terres longent la rivière Tille mais nous sommes dans l’interdiction de prélever l’eau de la rivière pour irriguer nos cultures. » « Mon exploitation est 100% grandes cultures dont des céréales. Pour moi, irriguer des céréales, c’est une erreur. Qu’on arrose des légumes, oui je suis d’accord mais arroser un blé, une orge d’hiver, un colza, c’est une grossière erreur parce que dès le lendemain, il faut sortir le pulvé. »

 

Comment voyez-vous demain ? Comment anticipez-vous le réchauffement climatique ?

Bastien Hennequez  : « Avec mon côté expérimentateur, je me suis adhérent du GI2E des 3 vallées avec comme objectif de passer en semis direct. Je teste plusieurs innovations sur la ferme comme le semis direct sous couvert, la macération huileuse d’ail aux propriétés répulsives contre les altises, ravageurs du colza, et l’association de la féverole et du colza qui les déboussole aussi. » « Avec la coopérative Natup, on a introduit la lentille et le blé dur depuis deux ans dans nos rotations. Donc pourquoi pas insérer du maïs et du soja ! »

Alexandre Bachotet : « Maintenant, on est avertis. On sait très bien qu’il y aura des excès : en automne, des excès d’eau, au printemps, du sec et en été, des canicules. On est partis sur des cycles extrêmes. C’est à l’agriculteur d’adapter ses cultures. Aujourd’hui, 80% de mes cultures sont d’automne. J’ai 140 hectares de colza en tête de rotation. Demain, les enfants en auront la moitié. L’assolement sera divisé en deux : 50% de cultures d’automne, colza, blé, orge d’hiver et 50% de cultures de printemps, soja, maïs, tournesol, sorgho, orge de printemps, … Plus on avance, plus c’est dangereux financièrement d’investir autant dans une seule culture car les résultats ne sont plus garantis dû au réchauffement climatique et aux insectes. »

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