Quelles solutions pour traiter les parcelles de vigne au milieu des riverains ?
Protéger les parcelles entourées de riverains peut devenir un vrai casse-tête. Opter pour un programme associant produits bio et biocontrôle est souvent le plus pertinent.
Protéger les parcelles entourées de riverains peut devenir un vrai casse-tête. Opter pour un programme associant produits bio et biocontrôle est souvent le plus pertinent.
Nombre de viticulteurs doivent traiter des vignes à proximité d’habitations. Pour eux, l’équation est encore plus complexe. Si les premiers rangs sont à plus de 20 mètres des parcelles cadastrales sur lesquelles sont installées les habitations environnantes, cela n’entraîne aucune conséquence pour le viticulteur.
Mais à moins de 20 mètres, tous les produits contenant une substance préoccupante (notamment celles considérées comme perturbateurs endocriniens et celles classées CMR1) sont strictement interdits, même avec des dispositifs pour réduire la dérive. Cela représente plusieurs produits, comme Calgary, Enervin Team, Forum Gold, Pantheos ou encore Valis Plus, qui peuvent être substitués sans véritablement se découvrir.
L’affaire se corse si l’on doit traiter à moins de 10 mètres des parcelles occupées. Ces 10 mètres étant la limite réglementaire au-delà de laquelle on ne peut plus traiter la vigne. Le législateur a toutefois prévu des cas particuliers permettant de protéger les cultures au plus près du voisinage tout en préservant la santé des riverains. Si le préfet l’autorise, il est possible de se rapprocher à 5 ou 3 mètres, à condition d’utiliser des matériels assez performants pour réduire la dérive et reconnus par le ministère. Et dans le cas général, les viticulteurs peuvent même venir jusqu’en limite de propriété en utilisant des produits autorisés en agriculture biologique, de biocontrôle ou bien des substances de base (sel, prêle, fructose, ortie…). « C’est souvent cette dernière option que choisissent les viticulteurs, admet Louise Clare, consultante viticole dans le Bordelais chez RVS Consultants. Nous prévoyons deux itinéraires, un pour les parcelles sans DSR (distances de sécurité riverains) et un autre pour celles à proximité d’habitations. Le deuxième est basé sur une association de phosphonates, cuivre et soufre. »
Des programmes en biocontrôle qui ont assuré en 2023
La consultante reconnaît qu’un tel programme est pour beaucoup un pis-aller. D’abord parce que cela nécessite d’agir en préventif, donc d’intégrer davantage de paramètres. Ensuite parce que cela représente un facteur de risque supplémentaire de ne pas pouvoir encadrer la floraison avec des produits plus sécurisants. « Cela n’empêche pas que nous ayons eu en 2023, malgré la forte pression, de belles réussites, poursuit Louise Clare. Ces itinéraires adaptés aux distances de sécurité riverains n’ont pas posé plus de problème que les autres. »
En ce qui concerne les matériels de réduction de la dérive, ils sont reconnus dans le cadre temporaire des DSR mais pas encore dans celui définitif des DSPPR (distances de sécurité vis-à-vis des personnes présentes et des riverains), qui se met en place peu à peu. D’où la réticence de certains à choisir cette option. À l’heure actuelle, les pulvérisateurs à panneaux récupérateurs sont homologués pour une réduction de 90 % de la dérive, permettant de limiter la zone non traitée à 3 mètres (sous couvert de la charte départementale). La plupart des face-par-face sont homologués eux pour une réduction de 66 %, tout comme quelques tangentiels sous réserve de conditions d’utilisation particulières. Ainsi une DSR de 5 mètres peut s’appliquer. L’IFV a démontré par ailleurs que le rétrofit d’une voûte pneumatique, où l’on installe une buse à injection d’air à côté du diffuseur, permet dans certains cas d’atteindre la même réduction de dérive. Espérons maintenant qu’un constructeur fasse la demande d’homologation auprès du ministère.
Les barrières physiques, porteuses d’espoir
Plusieurs pistes pour réduire la dérive et légitimer une réduction de la distance de sécurité pour les riverains ont été étudiées par l’IFV.
En premier lieu les filets antidérives, qui permettent de réduire d’un facteur deux à trois selon la hauteur, la taille des gouttes et le vent. Les experts ont notamment testé trois filets de la société Filpack (brise-vent tricoté 106 g/m2, maille 10x8 fils/cm2 et maille 16x10 fils/cm2) dressés à trois mètres de haut. Ils n’ont pas relevé de différences significatives entre eux.
L’intérêt des haies a également été étudié. Leur efficacité est réelle, mais très variable en fonction de l’épaisseur et de la porosité. Par ailleurs, les chercheurs n’ont pas noté d’augmentation de dépôt au sol (par turbulences) sur les 25 mètres suivant la haie, comme on l’entend parfois en objection.
Les pratiques vertueuses de pulvérisation, comme la pulvérisation vers l’intérieur, donnent des résultats moins tranchés et moins prononcés.
Ces éléments de recherche ont été demandés par l’Efsa, l’organe européen chargé de l’évaluation des risques sur toute la chaîne alimentaire, et pourraient servir dans le document guide pour la rédaction des AMM de produits. Mais le processus demande au bas mot cinq à sept ans…
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