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Problèmes respiratoires des veaux : et si on regardait aussi du côté du logement ?

Dans cet élevage de 150 vaches confronté à des problèmes pulmonaires importants sur les veaux, les traitements précoces et la vaccination intranasale n’ont pas donné les résultats escomptés. L’audit du bâtiment montre les limites d’une ventilation dynamique par extraction d’air.

Le Gaec de la Chaussepierre, avec ses deux associés Anthony et Yannick, est confronté depuis trois ans à une forte mortalité sur les génisses de 15 à 60 jours, essentiellement suite à des problèmes pulmonaires. L’élevage fait naître 150 veaux par an, avec des vêlages répartis toute l’année. Les soucis apparaissent après le passage des génisses vers l’âge de 10 jours en cases collectives dans la nurserie, un bâtiment avec une ventilation dynamique par extraction d’air. Les veaux sont nourris au DAL. Sur la dernière campagne d’avril 2021 à mars 2022, le Gaec a fait naître 84 femelles et a perdu 16 génisses suite à des affections pulmonaires, 11 âgées de moins de 1 mois et 4 de plus de 2 mois. Sur la campagne précédente, la mortalité suite à des pneumopathies en nurserie avait été plus importante, de l’ordre de 30 génisses d’après le bilan sanitaire d’élevage 2021.

Une association de virus et bactéries

Après un appel des éleveurs en janvier 2021, des autopsies sont réalisées et des prélèvements effectués par une des vétérinaires de l’élevage, Emilie Burban. Les veaux présentaient des bronchopneumonies sévères. Comme très souvent, une association de malfaiteurs a été trouvée par analyse PCR à partir du poumon : virus (RSV et coronavirus) et bactéries (Pasteurella multocida et Histophilus somni). Une culture bactérienne, réalisée par le laboratoire Alvetys, a permis de confirmer la présence de la Pasteurella multocida et d’Histophilus. L’antibiogramme n’a révélé qu’une résistance de Pasteurella à la lincomycine. Les bactéries étaient sensibles aux autres classes d’antibiotiques testés, notamment le florfénicol et la tulathromycine utilisés par les éleveurs.

Des traitements plus précoces et une vaccination intranasale

Devant les « échecs » de traitement, des interventions systématiques et beaucoup plus précoces ont été préconisées : prise de la température dès les premiers symptômes et, en cas d’hyperthermie (température supérieure à 39,5 °C), un traitement anti-inflammatoire et antibiotique même en l’absence de symptômes pulmonaires marqués (essoufflement…). Une vaccination intranasale vis-à-vis des virus RSV a été recommandée avant l’âge de 10 jours et le passage en nurserie. Elle est active en cinq jours.

La mauvaise réponse aux traitements malgré l’absence de résistance détectée au laboratoire, l’apparition des troubles respiratoires toute l’année et sur la même catégorie d’âge ont conduit à proposer aux éleveurs un audit de la ventilation de la nurserie.

Un bâtiment froid et pas toujours bien ventilé

L’audit de la nurserie, réalisé par le vétérinaire Gilbert Laumonnier, a fait ressortir plusieurs points faibles :

 

 
La nurserie est un appentis au nord-ouest d’un bâtiment de stockage.
La nurserie est un appentis au nord-ouest d’un bâtiment de stockage. © G. Laumonnier

 

]]> le bâtiment est froid. Le toit, les pignons et le bardage du long pan nord-ouest sont pourtant isolés mais il est situé en appentis au nord-ouest d’un bâtiment de stockage. Le grand volume du bâtiment de stockage bien que séparé par une cloison en aggloméré aggrave la sensation de froid ;

 

 
Les entrées d’air sur le long pan nord-ouest sont des trappes de ventilation bien protégées.
Les entrées d’air sur le long pan nord-ouest sont des trappes de ventilation bien protégées. © G. Laumonnier

 

]]> des zones humides sous la litière sont observées, en particulier dans la case des plus jeunes. Un géobiologue a détecté trois passages d’eau sous le bâtiment ;

]]> le bâtiment est sombre. La lumière naturelle n’est apportée que par une plaque translucide sur la porte du pignon nord-est et par l’ouverture du local du DAL ;

]]> la ventilation n’est pas optimale. Les entrées d’air sont bien conçues et bien protégées mais elles sont placées uniquement sur le long pan nord-ouest : un bâtiment est en surpression sous le vent et en dépression du côté opposé. Par vent du sud, les extracteurs placés dans les deux cheminées risquent de ne pas être assez puissants pour faire rentrer facilement l’air par les ouvertures.

 

 
Les deux extracteurs sont placés dans deux cheminées.
Les deux extracteurs sont placés dans deux cheminées. © G. Laumonnier

 

Le réglage du boîtier de régulation à revoir

Un boîtier de régulation permet de moduler la vitesse des extracteurs et l’ouverture des rideaux sur les entrées d’air en fonction de la température dans le bâtiment ; celle-ci est mesurée par une sonde. Le Gaec de la Chaussepierre a réglé la vitesse minimale à 30 %, la vitesse maximale à 100 %, la température minimale à 7 °C et la plage à 5 °C. Autrement dit, au-dessous de 7 °C, les ventilateurs tournent au minimum, et à plus de 12 °C ils tournent au maximum.

Le jour de la visite, les conditions étaient des plus favorables avec un vent de nord-est et une température de 8,4°C dans la nurserie. Les extracteurs tournaient à 52 % de leur capacité. Comme l’ont montré les fumigènes, le renouvellement de l’air est dans ce cas satisfaisant : le débit des extracteurs permet de renouveler l’air 5,3 fois par heure. En revanche, au débit minimal de 30 %, le renouvellement de l’air ne serait que de trois fois par heure, ce qui est insuffisant. D’autre part, la consigne minimale à 7 °C contribue à refroidir la nurserie.

Amélioration de la situation sanitaire mais…

Suite à ces constats, sept points d’amélioration ont été proposés (voir ci-dessous). Les éleveurs ont mis en place une partie d’entre eux. Le vide sanitaire a été fait. Le sol des aires de couchage a été bétonné. Une niche a été installée au fond de la case des plus jeunes. La régulation par contre n’a pas été ajustée. Les préconisations du géobiologue ont été réalisées en posant un fil de cuivre autour du bâtiment.

« La situation sanitaire s’est améliorée. Mais nous devons rester très vigilants vis-à-vis de la précocité de réalisation des traitements. Le curage doit être effectué tous les quinze jours. Sinon l’ambiance du bâtiment (odeur d’ammoniac) se dégrade très rapidement et il faut alors ressortir la seringue pour les traitements », affirment Anthony et Yannick. Pour pallier une ventilation insuffisante quand le vent est mal orienté, leur idée est de sortir de ce bâtiment les animaux de 4 à 6 mois pour le décharger. « Ils iront dans une nouvelle stabulation. Il ne restera plus que quinze à vingt génisses en moyenne dans la nurserie. »

À retenir

Une ventilation dynamique en dépression avec des ouvertures sur un seul côté du bâtiment ne permet pas de garantir une bonne ventilation, quelle que soit la direction du vent. Une ventilation dynamique en surpression, avec un ventilateur injectant de l’air frais extérieur dans une gaine diffusant au niveau des aires de vie des veaux, est souvent plus efficace à condition d’avoir des ouvertures sur les deux longs pans.

Repères

Facteurs prédisposant aux affections respiratoires

]]> Le bâtiment

]]> L’allotement

]]> La qualité et l’absorption du colostrum

]]> Les conditions climatiques

Sept préconisations suite à l’audit de la nurserie

1- Bétonner les aires de couchage avec une double pente de 1,5 à 2 % vers le trottoir d’alimentation et vers la porte est.

2- Relever la consigne minimale de température à 10 °C car le bâtiment est froid. Fixer le minimum de ventilation à 40 %. Garder la régulation des rideaux des fenêtres.

3- Isoler le soubassement en parpaing sur le long pan nord.

4- Aménager une « niche » au fond de la case des plus petits. Avec en guise de toit du géotextile posé bien tendu en double épaisseur sur un cadre relevable de 1,80 m sur 5 m, la largeur de la case.

5- Améliorer la luminosité en plaçant deux plaques translucides en toiture à mi-pente. En collant une plaque de plexiglas plane sous l’isolant, on garde en partie l’isolation et on facilite la circulation de l’air.

6- Faire un vide sanitaire, un nettoyage et une désinfection en été. Sortir tous les veaux et ne rentrer que des veaux sortant de pouponnière. Le bétonnage de l’aire paillée en donne l’opportunité.

7- Ne pas rentrer de veaux avant 15 jours voire 3 semaines dans la nurserie. Car la tétine du DAL étant un bon moyen de contamination entre veaux et le bâtiment étant froid, ils ne devraient pas rentrer dans la nurserie avant d’avoir récupéré des problèmes de diarrhée et d’être « costauds ».

 

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