Le nouveau départ du porc basque Kintoa
La filière du porc basque veut accélérer son développement en installant de nouveaux producteurs, encouragée par sa récente AOC et animée par un fort esprit collectif,
La filière du porc basque veut accélérer son développement en installant de nouveaux producteurs, encouragée par sa récente AOC et animée par un fort esprit collectif,
Le 15 octobre prochain, le porc Kintoa célébrera avec éclat son AOC obtenue il y a un an, en attendant d’accéder d’ici à quelques mois à l’appellation européenne (AOP). La fête aura lieu aux Aldudes dans les Pyrénées-Atlantiques, épicentre de la renaissance du porc basque. La filière veut partager la fierté du travail accompli depuis trente ans. Une poignée de passionnés, rassemblée autour du charismatique Pierre Oteiza, éleveur et transformateur, a patiemment œuvré pour sauvegarder une race porcine en perdition et construire une filière économique rémunératrice. Elle rassemble aujourd’hui près de 70 producteurs dont 17 fermiers, 4 transformateurs artisanaux (bientôt 5), l’abattoir de Saint-Jean-Pied-de-Port et le séchoir collectif des Aldudes. Ce séchoir, créé sous forme de coopérative par cinq salaisonniers, a été une étape décisive pour le développement de la transformation. La quasi-totalité des jambons Kintoa y sont affinés. Cinq producteurs fermiers ont également créé la coopérative Belaun (ainsi qu’une SARL) pour transformer et commercialiser ensemble une partie de leur production. En 2017, quelque 3 000 porcs seront labellisés Kintoa. La filière bénéficie d’une double AOC : viande fraîche et jambon.
Une grille de prix sur cinq ans
Ne pouvant protéger le nom de « porc basque », l’association interprofessionnelle, a choisi la dénomination Kintoa, en référence à un impôt que les fermiers payait au Moyen-Âge pour faire transhumer leurs porcs en montagne. « C’est notre nom, c’est notre histoire", se réjouit Michel Oçafrain, éleveur et président de l’association de la filière du porc basque Kintoa, désormais ODG (organisme de défense et de gestion). "L’AOC nous a donné une formidable notoriété. Les transformateurs jouent le jeu et croient énormément dans ce produit. Si nous sommes sérieux et si nous savons anticiper les écueils, la filière est promise à un bel avenir. L’AOC est un deuxième départ pour une nouvelle aventure. »
« Les transformateurs ne parviennent pas à répondre à la demande », explique Capucine Picamoles, animatrice de l’association. La filière Kintoa a pour ambition de produire 5 000 porcs charcutiers en 2020 et a décidé d’augmenter progressivement les prix de vente. Début 2016, une nouvelle grille de prix a été fixée pour cinq ans afin de donner de la lisibilité aux éleveurs et aux candidats à l’installation. Ainsi, le prix des porcelets de 35 kg passera de 103 à 123 euros et le prix moyen du porc charcutier de 3,80 à 4,15 euros par kilo carcasse. Au prix moyen actuel (3,87 €), la marge par porc (119 kg) s’élève à 123 euros (pour un coût de production de 338 €).
Installer de nouveaux producteurs
« La filière Kintoa est constituée d’entreprises à décision locale, prêtes à progresser ensemble, et de producteurs animés par ce même esprit collectif. Ensemble, ils ont pris le pari de valoriser chaque métier qui compose la chaîne de valeur de la filière », affirme Michel Oçafrain. Dans ce même esprit, elle a choisi de ne commercialiser ses produits qu’en circuits courts (boucheries, magasins spécialisés, restauration, marchés…). La transformation fermière se développe beaucoup (25 % de la production).
La filière souhaite donc installer de nouveaux producteurs. Particulièrement des naisseurs-engraisseurs avec des cheptels de 30 à 40 truies, une taille en adéquation avec le système d’élevage. Depuis l’obtention de l’AOC, les demandes se font plus nombreuses dans toute la zone d’appellation (Pays basque et cantons limitrophes). Pierre Oteiza est confiant sur la capacité des producteurs à répondre à la demande : « La production va venir, mais il faut du temps. Entre la naissance d’un porcelet et la mise en marché du jambon, il s’écoule trois ans ».
Ce développement attendu de la production n’empêche pas la filière de réfléchir d’ores et déjà à un plan de régulation de l’offre, comme le permet la réglementation européenne des AOP. « Les filières qui ont réussi à se positionner sur des productions rémunératrices pour l’ensemble des acteurs sont celles qui ont su maîtriser leur développement », rappelle Michel Oçafrain.
Sauvegarde du porc basque
Parmi les projets encore : continuer à tirer vers le haut la qualité des produits. Une commission de dégustation a été mise en place pour travailler sur le lien entre qualités organoleptiques et pratiques d’élevage et de transformation. Des recherches sont conduites également sur le lien entre conditions d’élevage et composition en acides gras des carcasses. Le porc basque se caractérise par un gras intramusculaire très élevé.
À l’autre bout de la chaîne, se poursuit la sauvegarde du porc pie noir du Pays basque, à partir des 32 familles répertoriées chez les 25 éleveurs naisseurs et naisseurs engraisseurs. Un plan d’accouplement est réalisé chez chacun d’eux et 100 à 120 truies sont sélectionnées tous les ans pour renouveler et agrandir le cheptel. Pour satisfaire le développement attendu de la production, l’objectif est de le porter de 500 à 700 truies. La majorité des reproducteurs (mâles et femelles) sont élevés dans un élevage conservatoire. C’est tout ce travail accompli par la filière qui sera mis en avant lors de la fête de l’AOC, pierre blanche du nouveau départ du porc Kintoa.
Les parcours, base de la production
Le cahier des charges Kintoa impose l’engraissement des porcs charcutier sur parcours plein air comprenant prairie et forêt et accès à un abri et à une aire d’alimentation. Pour préserver les parcours, le chargement se limite à 35 porcs/ha de prairies et 25 porcs/ha de forêt enherbée et la taille maximale des lots ne peut dépasser 40 porcs. Après la sortie d’un lot, un vide pastoral de 2 à 4 mois (selon la saison) est obligatoire. Les porcelets arrivent sur le parcours à l’âge de 2,5 à 3 mois (30-35 kg), après une transition sur de petits parcs. L’alimentation, non OGM, doit être issue de la zone à 70 % et contenir au moins 60 % de céréales. La quantité d’aliment ne doit pas dépasser 3,7 kg/porc/jour et 2,7 kg en finition. Généralement, elle est bien inférieure. Les porcs se nourrissent d’herbe et de fruits divers (glands, châtaignes…) selon les saisons. Ils sont abattus en moyenne à 14 mois, pour un poids carcasse moyen de 115 kg et un prix de 3,87 €/kg.
Chiffres clés
70 éleveurs dont 17 fermiers
500 truies en production
3 000 porcs charcutiers
Abattage et transformation Abattoir de Saint-Jean-Pied-de-Port (Pyrénées-Atlantiques), quatre transformateurs artisanaux (Oteiza, Coopérative Belaun, Aubard, charcuterie de Sare), un séchoir collectif.