Couvrir sa fosse à lisier devient rentable avec la méthanisation passive
La méthanisation passive permet de faire d’une pierre deux coups : répondre à la réglementation sur la qualité de l’air tout en produisant de l’énergie. Les Chambres d’agriculture de Bretagne ont calculé un retour sur investissement inférieur à six ans.
La méthanisation passive permet de faire d’une pierre deux coups : répondre à la réglementation sur la qualité de l’air tout en produisant de l’énergie. Les Chambres d’agriculture de Bretagne ont calculé un retour sur investissement inférieur à six ans.
À l’EARL Bernard, dans les Côtes-d'Armor, le biogaz capté par une couverture flottante sur la principale fosse à lisier de l’élevage a couvert 78 % de la consommation en chauffage des 1 300 places de post-sevrage et de 10 places de maternité (voir Réussir Porc janvier 2019 page 36). Le temps de retour sur investissement, aides à l’investissement et équipements de chauffage eau chaude inclus, se chiffre à 5,8 ans par rapport à une facture initiale tout électrique à 0,12 €/kWh. Différents facteurs expliquent ces résultats satisfaisants. La configuration de l’élevage se prête d’abord très bien à la méthanisation passive. La fosse couverte par le système Nénufar reçoit les lisiers d’engraissement, plus méthanogènes que les lisiers de truie et de porcelet. D’un volume de 1 200 m3 et entièrement enterrée, elle permet au lisier de conserver une relative inertie thermique tout au long de l’année. Le trop-plein de lisier est transféré vers une deuxième fosse pour apporter régulièrement du lisier tout en gardant un maximum de volume d’effluent dans la fosse. L’enjeu, à de faibles températures, est de stimuler la production de biogaz en apportant régulièrement du lisier pour pouvoir répondre à des besoins plus élevés en chauffage. À l’EARL Bernard, le biogaz a permis de couvrir 60 % des besoins en période hivernale sans changer la gestion des effluents. Ces résultats sont d’autant plus remarquables, que, suite à des premiers résultats encourageants, l’éleveur avait augmenté la température de consigne en post-sevrage de 1 °C pour améliorer les conditions d’ambiance dans les salles, induisant une surconsommation de biogaz et de propane par rapport aux besoins théoriques standard (Ademe URE 2008).
Savoir piloter pour optimiser
Le temps de suivi de l’installation est de l’ordre de 10 à 30 minutes par semaine. Il correspond aux analyses de biogaz, au tour global de l’installation (vérification du gonflement de la bâche, suivi des compteurs d’énergie, injection d’air pour désulfuriser le biogaz, étanchéité de la couverture) et à un peu de temps supplémentaire liés à d’éventuels problèmes techniques. Ce suivi, si réduit soit-il, doit toutefois être réalisé quotidiennement à la mise en route du dispositif, puis hebdomadairement par la suite, pour être réactif face à tout incident et optimiser le système. Par exemple, le capteur de tension qui sert à déclencher le surpresseur pour envoyer le biogaz vers la chaudière peut naturellement dériver. À l’EARL Bernard, une défaillance de ce capteur sur une période de quatre mois a provoqué une surconsommation de 30 % de propane. Lorsque le suivi n’est pas adapté et que les lisiers entrants dans la fosse ne sont pas suffisamment frais, le taux de couverture des besoins annuels en chauffage par le biogaz peut chuter à 40 %. Le temps de retour sur investissement augmente alors à 10-12 ans par rapport à une facture initiale tout électrique. Outre les économies d’énergie, la méthanisation passive possède les mêmes avantages qu’une couverture de fosse « classique » : diminution des émissions d’ammoniac, réduction des odeurs au stockage, augmentation du pouvoir fertilisant du lisier et épargne de l’épandage des eaux de pluie.
Production d’eau chaude répartition des sources d’énergie entre avril 2019 et avril 2020
À retenir :
Prenez date
Formation « Capter le méthane de sa fosse à lisier pour produire de l’énergie pour son élevage : facteurs de réussite et de rentabilité » : les 12 et 19 novembre 2021 à Saint-Nicolas-du-Pélem (Côtes-d’Armor)
Repères
Vers plus d’autonomie énergétique
Le projet MethaN’H3 a pour objectif d’accompagner cinq éleveurs bretons de porc et de veaux de boucherie ayant choisi de s’orienter vers davantage d’autonomie en énergie et en azote au stockage et à l’épandage. Des bilans techniques, économiques et environnementaux ont été réalisés après un an de suivi entre 2019 et 2021. Ce projet est porté par les Chambres d’agriculture de Bretagne, en partenariat avec l’Idèle et la FRCuma Ouest. Il a été financé par l’Ademe.
Une méthanisation « basse consommation »
Contrairement à la méthanisation classique (appelée aussi mésophile) qui se fait dans un réacteur spécifique chauffé, la méthanisation passive utilisant des bactéries psychrophiles capte le biogaz des fosses à lisier à température ambiante avec un minimum d’agitation sans chercher à booster la production. Le temps de séjour du lisier est de plusieurs mois, contre 30 à 120 jours pour la méthanisation classique. Le plus souvent, le biogaz produit par la méthanisation passive permet de produire de l’eau chaude pour chauffer les bâtiments d’élevage. La couverture flottante servant à capter le biogaz peut aussi être placée sur une fosse de stockage en amont ou en aval d’un digesteur mésophile pour augmenter la recette de revente d’énergie.