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Gaec de Longuelouve, en Lozère
« La luzerne est notre plante magique »

Dans les sols argilo-calcaires de causse, la luzerne assure les stocks fourragers et permet de se passer de la complémentation azotée. L’exploitation produit aussi ses céréales.

Pendant des années, nous avons produit plus de mille hectolitres de lait avec du foin de luzerne séché en grange et de l’orge. Mon but est d’acheter le moins possible », explique Alexandre Mirman, éleveur à Saint-Georges-de-Lévejac (Lozère), avec un cheptel de 440 brebis laitières en système Roquefort. La luzerne est le pilier de son système, typique du causse, qui intègre aussi une part importante de céréales. Il est complètement autonome aussi bien en fourrage qu’en concentré (énergie et protéine), sauf en cas d’aléa climatique. Des aléas qui ont pris la mauvaise habitude de se répéter ces dernières années. « En 2018, suite à un été 2017 très sec, j’ai acheté 75 tonnes de foin. Ça n’était jamais arrivé. »

Le Gaec de Longuelouve (Alexandre et Maryse, sa mère) exploite 230 hectares dont 95 ha de terres labourables. Des sols argilo-calcaires favorables à la luzerne. Tout le reste est du parcours exploité surtout à l’automne quand les brebis sont taries. Elles mettent bas début décembre. Si la luzerne est dominante, l’assolement est de plus en plus diversifié. « Les luzernes implantées aujourd’hui sont moins pérennes. Elles reviennent trop souvent sur une même parcelle. Il faudrait cinq ans entre deux luzernes. J’essaye donc de diversifier un peu plus mon assolement », précise l’éleveur.

Un assolement contraint par la PAC

Outre les 20 ha de céréales d’hiver, qui entrent dans la rotation, le Gaec cultive 17 ha de prairies multi-espèces et 6 ha de ray-grass italien pour la pâture et 2,5 ha de trèfle violet. Tout le reste est en luzerne hormis 2 ha de prairie permanente. Classiquement, deux années de céréales s’intercalaient entre deux luzernes. Les autres cultures fourragères permettent de rallonger la rotation. L’assolement est contraint aussi par la PAC. Alexandre Mirman ne veut pas que les surfaces fourragères soient classées en prairie permanente. Ce serait trop compliqué à gérer. Les luzernes doivent donc être retournées au bout de cinq ans même si elles sont encore productives. « La luzerne restera le fourrage principal car elle est très adaptée à notre zone. C’est notre plante magique. En été, le moindre peu de vert, c’est de la luzerne. Elle nous permet de faire tous nos stocks et de se passer de complémentaire azoté dans l’alimentation des brebis. Nous faisons deux coupes et selon les années une troisième. Mais, celle-ci devient de plus en plus aléatoire. La première est fauchée dès l’apparition des bourgeons. » Hormis quelques bottes d’enrubannage pour passer l’été, le mode de récolte principal est le séchage en grange, très adapté à la luzerne. Le foin est séché avec de l’air ambiant (pas de capteur solaire), ce qui demande un certain doigté. L’installation comporte trois cellules. L’éleveur en utilise deux simultanément puis transvase chaque coupe dans la même cellule.

Un objectif de 2,5 l par brebis sans achat

Dès le dernier mois de gestation, les brebis sont alimentées avec du foin de luzerne de première coupe et 600 g/brebis/jour de céréale (orge). Un régime qui se poursuit pendant l’allaitement. De la seconde coupe est ensuite incorporée progressivement. Sa part continue à augmenter jusqu’à épuisement de la première coupe. En début de traite, la ration comprend 1,8 kg de foin de première coupe, 1,2 kg de foin de 2e coupe et 600 g d’orge. Cette ration permet d’atteindre un objectif de 2,5 litres de lait par brebis et par jour. « Les agneaux sont mieux avec la première coupe et ça nous permet d’aller du moins bon vers le meilleur et, ainsi, de tenir le lait jusqu’à la mise à l’herbe », explique Alexandre Mirman. La ration est préparée dans une mélangeuse à poste fixe et distribuée par un robot (voir ci-contre). La moitié du concentré est distribuée en salle de traite. « Depuis que j’utilise la mélangeuse, les brebis mangent mieux les tiges de la luzerne car elles sont coupées. Elles ruminent mieux. » Les brebis vont à la pâture à partir de mi-avril. La ration est progressivement diminuée et la céréale ramenée à 400 g/brebis. Elle remonte à 500-550 g pour le flushing. Cette totale autonomie alimentaire (fourrage et concentré) permet d’avoir un coût alimentaire très bas (60 €/ 1 000 l), qui ne représente que 3,5 % du coût de production. Cet hiver, une part de la céréale (200 g) a été remplacée par de la drèche de maïs pour compenser la moins bonne qualité des fourrages récoltés en 2018. Il n’y a pas eu d’achat de fourrage. Mais, la production est en recul (2 l/brebis/j). « Pour compenser cette baisse, il faudra traire plus longtemps », prévoit Alexandre Mirman.

Chiffres clés

95 ha (hors parcours) dont 20 ha de céréale, 47,5 ha de luzerne, 17 ha de prairies multiespèces, 6 ha de RGI, 2,5 ha de trèfle violet et 2 ha de prairie permanente
420 brebis traites
318 litres par brebis traite à 129 de MSU
133 000 litres de lait livré à 914 €/ 1 000 l

En culture pure ou avec du sainfoin

Les luzernes sont implantées soit en culture pure soit avec du sainfoin. Dans le premier cas, la dose de semence est de 25 kg/ha. Dans le second, elle est réduite à 20 kg/ha et s’y ajoutent 20 kg de sainfoin. « Dans nos sols de causse superficiels et caillouteux, je sème épais pour sécuriser, indique Alexandre Mirman. Je mets du sainfoin dans les champs les moins bons. Il a l’avantage d’apporter du sucre. C’est bon pour les taux du lait. » Il choisit des variétés à tiges fines (Luzelle, Galaxie Max). Les luzernes sont semées en avril, en sol nu ou sous couvert d’avoine, qui sera fauchée au stade immature. Un compromis pour avoir un minimum de rendement la première année. « En sol nu, elles sont plus jolies », constate l’éleveur. L’inoculation n’est pas nécessaire. Il ne fait pas de désherbage. Mais, les deux premières années, il met peu ou pas de fumier pour éviter le salissement. Elles sont fertilisées avec du 0/20/20 (200 kg/ha la première année, 300 kg/ha la seconde). Les années suivantes, elles reçoivent 10 t/ha de fumier.

Un système automatisé de distribution

L’alimentation est distribuée par un système automatisé qui comprend une mélangeuse à poste fixe située dans la partie stockage de la bergerie, dans laquelle est coupé le foin, et un robot suspendu qui mélange le foin avec les céréales et distribue la ration. Le coût du système, fourni par le constructeur canadien Rovibec, s’élève à 140 000 € avec le chemin de roulement.

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